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Elle vint chez moi le lendemain après-midi.

On avait décidé d’échanger des cadeaux : je lui avais acheté un flacon de parfum shalimar et elle était venue avec un CD de Black (« Wonderfull life ») et des petits gâteaux.

A l’époque, j’étais obsédé par le SIDA et au cours de nos longues conversations nocturnes au téléphone, je lui avais dit que si elle avait envie de faire l’amour, elle devrait me montrer ses tests HIV, prouvant qu’elle n’était pas séropositive. Pas très romantique tout cela…On avait convenu d’un code : si elle ne voulait rien faire avec moi, elle ne me montrerait pas ses tests et je comprendrai.

Lorsqu’elle sonna à ma porte, je sentis mes jambes se transformer en chamallow ramolli. Quand je la vis devant moi, un tourbillon de son parfum shalimar m’enveloppa et me rendit encore plus fou d’elle. Elle était belle, brune avec des cheveux qui lui arrivaient au bas de la nuque. Elle était discrètement maquillée ; lèvres rouges bien dessinées et rimmel sur les yeux (avec de faux cils ?) On s’installa sur le canapé et on parla et on parla  en dégustant ses petits gâteaux et en buvant un café bien corsé. Je la voyais parfois de profil et je me disais qu’elle serait encore plus belle avec ses cheveux relevés… Une heure plus tard, on en était encore au même point : elle ne m’avait pas montré ses tests et le doute s’insinua dans mon esprit. Je me disais : " elle te trouve laid, antipathique et peu intéressant… "  Et dans le miroir sur le mur d’en face, je voyais mon visage se transformer et s’enlaidir comme dans « Le Portrait de Dorian Gray » d'Oscar Wilde.  Elle me regardait dans les yeux parfois et son regard, je n’arrivais pas à le décrypter… Regard d’ennui, regard de regret, regard de déception… ? Je sentais le sol se dérober sous mes pieds et moi j’étais marin, plongeant dans une eau glacée. Elle avait un petit sourire qui me déstabilisait. Elle dirigeait la conversation et se conduisait en femme trop sûre d’elle (peut-être en apparence ?). Moi, j’aime les femmes un peu fragiles, discrètes et ultra féminines. Quand je pensai que tout était perdu et que j’étais arrivé à cette taille de petit nain devant une géante, elle prit son sac sur ses genoux, l’ouvrit, sortit une enveloppe et me la tendit. A ce moment-là, j’avais complètement oublié notre convention initiale et j’étais englué dans du sirop périmé. J’ouvris l’enveloppe comme un débile devant le plan du métro de Moscou. C’était le résultat de ses tests HIV et je lus entre autre (comme un dyslexique essayant de lire du Proust) : test Elisa vs P24 négatif.

Elle venait de me donner la clé qui pouvait ouvrir son cœur (si on peut dire ça comme ça…)  

 (A suivre…)