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Je me retrouvais avec Monsieur et Madame Coqualo, Aldo, Marco et Pipo. Ces trois derniers étaient apparemment aussi gênés que moi. Peut-être parce-que j’étais prof ?
Aldo se jeta à l’eau le premier et me dit : « tu travailles où exactement ? » Mais qu’avait-il à me tutoyer celui-là ? Je voulais répondre « euh… » comme d’habitude, mais je me forçais à faire une longue phrase : « Et vous ? » Et pan, c’était pour lui montrer que je voulais qu’il me vouvoie. Il ne répondit pas ; il regarda juste ses copains avec un air fautif.
Autour de nous, la température commençait à augmenter et Monsieur Coqualo alla chercher des boissons. Sa femme s’adressa aux trois compères pour justifier un peu mon attitude déroutante. « Vous savez, il faut être compréhensif, c’est la première fois qu’il vient ici ! » Et s’adressant directement à moi, elle débita des niaiseries dignes d’une élève de SEGPA* du genre « C’est le premier pas qui est le plus difficile » et aussi, en regardant le bas-ventre de Pipo « quand vous y aurez goûté, vous ne pourrez plus vous en passer !» Mais de quoi parlait-elle cette folle ? Moi, goûter à une chenille gluante ? Elle regarda sa montre et dit « bon, je m’en vais mes zoulous et amusez-vous bien !» Ah, les zoulous sont tous homos ? Elle nous tourna le dos et se dirigea vers la sortie. J’étais encore assez lucide pour regarder ses fesses que je comparais mentalement à celles de Lola, la meuf de paulo et je dis à haute voix « Ya pas photo ! » Les trois Zouaves ne comprirent pas, mais pouvaient-il comprendre quelque chose, focalisés comme ils étaient, sur mon anatomie.
Monsieur Coqualo revint avec un plateau et cinq verres de Vodka remplis à ras bord. Il m’en tendit un avec le secret espoir de me décomplexer. Le pauvre, il ignorait que je ne supportais pas l’alcool et qu’au service militaire un demi-verre de Calvados me conduisit presque au coma éthylique.
Bon, avant de me sauver et par pure curiosité intellectuelle, je pensais que c’était le moment et l’endroit pour poser certaines questions du genre « dans un couple homo, les rôles sont-ils bien définis ? C’est-à-dire que l’actif est toujours actif et que le passif est toujours passif ? » J’osais, à haute voix, formuler ma demande. Monsieur Coqualo se mit à rire et me dit « ah, il va falloir refaire toute votre éducation ». Aldo, Marco et Pipo gloussaient en sirotant leur vodka.
« Soyons clairs » me dit-il, « il y a les hétéros comme vous (pour le moment) et il y a les homos comme nous. Et parmi les homos il y a les « bi » et les « tri » ! » Je sursautais, « les tri ? » dis-je, étonné. Monsieur Coqualo se pencha vers moi pour m’expliquer à voix basse ce qu’étaient les « tri ». Et il en profita pour introduire sa langue baveuse dans mon oreille. Comment réagir à cette agression ? Je n’étais pas du genre à faire un scandale. La seule solution c’était la fuite et en me contrôlant, je demandais où se trouvaient les toilettes. Monsieur Coqualo m’expliqua en tendant son bras : « vous voyez, là-bas, c’est à droite du panier de préservatifs. Et profitez-en pour vous servir au passage ». Puis il me tourna le dos et s’occupa des autres invités.
Moi, je savais où était la sortie et une fois dehors, je me mis à courir, courir, courir et un mois plus tard, je courais encore… !
A suivre.
* SEGPA : sections d'enseignement général et professionnel adapté.
Au collège, elles accueillent des élèves présentant des difficultés d'apprentissage graves et durables. Ils ne maîtrisent pas toutes les connaissances et compétences attendues à la fin de l'école primaire.