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Un peu curieux et surtout très inquiet, je me rassis assez brutalement sur la chaise, ce qui me fit mal aux fesses. Monsieur Coqualo s’en aperçut et eut un sourire malsain. Il avait gardé le meilleur du pire pour la fin. Il faisait durer le suspense, juste pour pouvoir se régaler de ma réaction. Il se racla la gorge en faisant un Borborygme* bruyant qui n’attira pas ma sympathie.
« Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais vous avez mon neveu, le fils de ma sœur, en 1ère S ! »
Après avoir dit cela, il attendit que je réagisse, comme le pêcheur patiente après avoir lancé sa ligne dans l’eau.
Moi, habitué à la guerre des tranchées (à enseigner dans les classes agitées), j’avais acquis au fil des années, une maîtrise parfaite de ma gestuelle en face de mes pires ennemis (les élèves insolents et paresseux), ce qui fit que ma physionomie n’évolua pas d’un iota.
Je répondis : « Et alors ? ». Il fut aussi déçu que l’acnéique qui compte ses boutons. Il se leva brutalement et me dit : « Bon, je file ; je dois aider ma femme à préparer les cartons d’invitation ! » Et il partit sans m’attendre.
Moi, je restais assis, tétanisé par cette information. Quitte à sombrer dans un coma éthylique, j’allais au bar pour commander un double Cognac que je bus rapidement en pensant à ma glace Tiramisu qui n'allait pas tarder à tourner de l'œil.
J’étais déjà dans ma voiture quand l’alcool commença à titiller mes connexions neurales**, en donnant de l’amplitude à mes divagations.
Je regrettais d’abord de ne pas avoir demandé le nom de famille du neveu, qui ne s’appelait pas Coqualo, puisqu’il il était le fils de sa sœur ! (comprenez-vous ce que je dis, car je crains d’être profondément ébréché, euh, éméché) !
J’avais deux 1ères S, ce qui faisait soixante-dix élèves.
Ma première mission était de repérer, le neveu de la « langue de pute », Monsieur Coqualo en l’occurrence. Car enfin, j’étais sûr que cet énergumène à la chemise rose, avait dressé, à son neveu, un portrait peu reluisant de moi, en mettant en exergue mes soi-disant vices cachés. Et de fil en aiguille tout le lycée allait être au courant de mes supposées turpitudes.
Déjà, je me devais de me refaire une virginité virtuelle de ma réputation. Et quoi de mieux que les gens me voient avec des femmes, partout dans la ville de Grasse pour introduire le doute dans le cerveau des commères professionnelles.
Tout en conduisant, je passais en revue, toutes les filles qui étaient à ma disposition :
- Marilyne la prof de philo, sur qui je pouvais compter,
- Claudine la prof de lettres modernes qui venait de Paris,
- Cécilia la prof d’italien, divorcée et un peu nymphomane,
- Jeanne la prof d’anglais, aux yeux globuleux…
- Mademoiselle Belœil.
Malheureusement, il n’y avait pas Lola (la meuf de Paulo) sur ma liste !
Mais voilà, je devais surmonter quelques obstacles de taille :
- la prof de lettres modernes était mariée au prof d’espagnol qui enseignait dans notre lycée. Mais ma chance était que ce prof d’espagnol, la trompait avec la prof de lettres classiques.
- la prof d’italien avait un magnifique herpès sur sa lèvre inférieure.
- la prof d’anglais, un peu vieille fille, m’avait avoué, un soir, à la fin d’un conseil de classe soporifique, qu’elle était presque vierge. Et moi, je n’avais pas envie de terminer le travail commencé par un autre !
- Mademoiselle Belœil était 100% vierge, appellation d’origine contrôlée.
Mon choix était donc restreint.
Et tout à mes pensées, je ne m'aperçus pas que...
A suivre…
Notes :
*Borborygme :
Bruit stomacal ou intestinal produit par des gaz. Synonyme : gargouillement.
**Neural,ale,aux :
Qui a rapport au système nerveux.