VEF Blog

Titre du blog : Professeur.
Auteur : prof83
Date de création : 28-01-2008
 
posté le 26-12-2012 à 17:57:17

Grasse (18).

 

J’avais la tête ailleurs et à la sortie d’un virage, ma voiture livrée un peu à elle-même, chevaucha la ligne continue de quelques centimètres. Je n’avais pas de chance ce jour-là, car à la sortie de la courbe, deux CRS « m’attendaient au tournant » (1).

 

Ils me firent signe de m’arrêter et de me garer sur le bas-côté de la route. Dans ces moments d’injustice divine, on a l’impression que le ciel va nous tomber sur la tête.

 

Un CRS, impressionnant dans sa tenue, avec un casque et des lunettes de soleil règlementaires, tapota sur ma vitre pour que je l’ouvre et me dit :

 

« Bonjour Monsieur, vos papiers s’il-vous-plait ! »

 

Mes papiers ? Mais encore, il eût fallu que je susse (2) où ils étaient ! Pas dans la boîte à gants en tout cas, ni dans mon portefeuilles et moi je me voyais directement en prison ! Je les trouvais finalement dans la poche de ma veste.

 

Le CRS faisait sa tête des mauvais jours en me disant :

 

« Vous savez, que vous avez mordu la ligne continue de plus de vingt centimètres ! »

 

J’essayais de me défendre comme je pouvais : 

 

« Mais vingt centimètres, ce n’est pas beaucoup ! »

 

Il me regarda avec un petit sourire bizarre et me dit :

 

« Ca dépend pourquoi… ! »

 

Son collègue faisait le tour de ma voiture, regardait les pneus, les phares et l’état de mes essuie-glaces qui étaient en phase terminale.

 

J’avais le visage en feu et j’étais sûr que j’étais plus rouge qu’une crevette de Thaïlande.

 

Finalement, ils décidèrent de me faire souffler dans l’alcotest.

 

Je soufflais, avec l’énergie d’un condamné à mort.

 

« Votre compte est bon ! » dirent-ils en chœur, « votre taux d’alcoolémie est de 1,18 ! »

 

C’est vrai qu’une heure plus tôt, j’avais bu un double Cognac.

 

Voilà, c’était la suspension de permis assurée et j’avais besoin de ma voiture pour aller travailler.

 

J’essayais de négocier, de les attendrir, de m’aplatir comme une crêpe froide. Rien n’y fit. Ils commencèrent par me dresser une contravention. A la limite, je les aurais soudoyés pour qu'ils me laissent tranquille. Un des CRS murmura quelque chose à l’oreille de son collègue qui me dit :

 

« Voilà, on peut passer l’éponge, si… »

 

Soudain, Waterloo ne fut plus une « morne plaine ».

 

Il se racla la gorge et ajouta :

 

« Il suffit de nous faire une bise à chacun ! »

 

Mais sur qui étais-je tombé ? Mais les homosexuels sont partout et on ne les voit pas, comme les envahisseurs (3) d’une célèbre série américaine.

 

Je descendis de ma voiture, prêt à n’importe quoi pour sauver ma peau.

 

Et les deux CRS éclatèrent de rire en voyant ma mine déconfite. Ils ôtèrent leurs lunettes de soleil, leurs casque et je vis apparaître Aldo et Pipo, les amis de Monsieur Coqualo, rencontrés lors de son Coming Out. Je ne savais pas si c’était positif ou négatif. Alors Aldo me dit :

 

« Ne vous inquiétez pas Monsieur, on oublie tout. On est de la même confrérie non ? Les amis de Monsieur Coqualo sont nos amis ! Vous pouvez partir tranquille ! »

 

A ce moment-là, je les aurais réellement embrassés et je les trouvais vraiment gentils et hyper-sympathiques.

 

Comme quoi « il ne faut jurer de rien (4) » et qu’il ne faut jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau (5) ! »

 

« On se reverra peut-être à la prochaine soirée de notre cher Coqualo ! » me dirent-ils, alors que je démarrais. Je leur fis un signe de la main pour les remercier…J’espère que ce n’était pas un geste efféminé…

 

 

 

A suivre

 

 

Notes :

 

 

1 : attendre quelqu'un au tournant :

Se venger à la première occasion [Familier].

 

2 : susse : 1ère personne du singulier de l’imparfait du subjonctif du verbe savoir.

 

3 : Les envahisseurs (The Invaders), diffusé du 10 janvier 1967 au 26 mars 1968, Etats-Unis, 43 épisodes de 50 minutes, 2 saisons, couleur.

 

4 : Il ne faut jurer de rien :

Ce proverbe incite à ne jamais affirmer avec certitude, il faut toujours être conscient qu'il existe une marge d'erreur.

Il ne faut jurer de rien est une pièce de théâtre d'Alfred de Musset, écrite en 1836.

Le genre de la pièce est le proverbe dramatique. C’est une courte comédie (trois actes) qui illustre un proverbe qui sert de titre à la pièce et qu'on trouve aussi dans sa toute dernière réplique. Ce proverbe affirme qu'il ne faut jamais être trop sûr de soi puisque tout peut toujours changer.

 

5 : Il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau :

Ce proverbe fait allusion à l’aventure d’un ivrogne qui avait juré qu’il ne boirait jamais d’eau et qui se noya dans le bassin d’une fontaine. On le cite comme un conseil donné à quiconque ne veut participer à aucune des pratiques usitées dans les affaires et ne jamais s’adresser à des gens qui lui sont antipathiques. On cherche à lui faire comprendre qu’il peut dans l’avenir avoir besoin de revenir aux choses ou aux personnes dont il avait résolu de se tenir éloigné.