A la fin de l’heure, il ne fallait pas se trouver sur le chemin de cette horde d’élèves qui ne pensaient qu’à sortir. C’était la récré de dix heures et la cour du lycée ressemblait alors à la bourse de New-York lors du krach de 1929 (1).
Pourtant, un élève rangeait lentement ses affaires, comme s’il voulait me parler en tête à tête. C’était Luc, le meilleur de la classe avec une moyenne en physique qui frôlait les 19 sur 20. Ce qui ne gâchait rien, c’est qu’il avait une excellente mentalité et je voyais que cette « petite affaire » avec son camarade le tracassait. Il me dit qu’il ne comprenait pas son intervention et m’affirma que toute la classe se moquait de Jérôme. J’étais un peu rassuré et je le remerciais pour ce qu’il venait de me dire.
Dans la salle des profs, je repérais Marilyne qui enseignait la philo et j’allais m’asseoir à côté d’elle. J’avais encore quelques minutes devant moi pour la convaincre d’aller boire un verre quelque part, en fin de journée. Je lui proposais le bar S…… près du lycée. Elle me regarda comme si j’avais dit que Platon (2) était un crétin et me répondit :
« Mais c’est le bar des élèves voyons ! »
C’était le but de la manœuvre, que les élèves me voient avec une femme. Juste pour leur montrer que je les appréciais beaucoup, les femmes. Mais ça, elle, elle ne pouvait pas le savoir. Elle me dit :
« Mais on ne pourra pas s’embrasser en public ! »
Elle se moquait de moi, bien sûr et j’avais envie de lui répondre que c’est ce que je désirais le plus. Elle m’expliqua qu’aujourd’hui ce n’était pas possible car elle devait aller à Cannes en fin d’après-midi. Elle me dit alors :
« Demain, si tu veux, mais je préfère que tu viennes chez moi ! »
Chez elle ? Mais pour faire quoi, mon Dieu ?
La sonnerie de fin de récré abrégea notre dialogue et nous nous séparâmes sans fixer de rendez-vous précis. Finalement, je n’étais qu’un mollusque dépressif.
En fin de journée, vers 17h15 quand j’arrivais près de mon immeuble, je vis sur le trottoir d’en-face, Lola dans une tenue pas très catholique. Mon cœur, usé par cinq heures passées au fond d’une mine de charbon (cinq heures passées avec les élèves) retrouva une nouvelle jeunesse. Lola m’avait reconnu et me regardait à distance. Alors, dans mon cerveau naquit un fantasme que j’ose à peine exprimer :
« Je vais accoster Lola et je vais lui demander combien elle prend pour la totale. On ira chez moi et Monsieur Coqualo ne pourra rien dire ! »
Lola, comme un pêcheur professionnel s’était aperçue qu’elle venait de ferrer sa proie et elle vint à ma rencontre en remuant les fesses. Je voyais son reflet s’agrandir dans la porte vitrée de l’entrée de l’immeuble et moi, comme un zouave en perdition, je tentais de me souvenir du code, en vain. J’essayais 1248, ça ne marchait pas. Puis 2481, encore un échec(3). Ma main tremblait sur le clavier, comme si un danger imminent allait s’abattre sur moi. Je suis très émotif, que voulez-vous. Soudain je sentis son parfum ; elle était derrière moi et j’avais l’impression que ses seins pointus appuyaient sur mon dos. Je sentis son souffle dans mon oreille quand elle me dit à voix basse « 4182 ». J’essayais ce code et c’était le bon. La porte s’ouvrit et je me sentis aussi heureux qu’Ali-Baba quand il prononça : « Sésame ouvre-toi (4) ! » Mais alors, comment me comporter avec Lola ? Mon fantasme s’était désintégré quand je l’avais perçue si proche de moi. Je me sentais aussi nul que Benoît de 1èreS2 qui avait une moyenne de 2,52 sur 20 en physique. Que faire ? Mais que faire ? Vraisemblablement, elle comprit mon désarroi et elle s’éloigna de moi, toujours en remuant les fesses…
J’avais encore raté une occasion de caresser ses cuisses…pour le moins…
A suivre…
Notes :
1 : Le krach de 1929 est une crise boursière qui se déroula à la Bourse de New York entre le jeudi 24 octobre et le mardi 29 octobre 1929. Cet événement, le plus célèbre de l'histoire boursière marque le début de la Grande dépression, la plus grande crise économique du XXe siècle. Conséquence directe, aux États-Unis, le chômage et la pauvreté explosent pendant la Grande dépression et poussent quelques années plus tard à une réforme agressive des marchés financiers.
2 : Platon.
Philosophe grec (Né à Athènes vers 427 avant J-C, mort à Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C.).
Platon est un des philosophes majeurs de la pensée occidentale, et de l'Antiquité grecque en particulier. Son œuvre, essentiellement sous forme de dialogues, se présente comme une recherche rigoureuse de la vérité, sans limitation de domaine. Sa réflexion porte aussi bien sur la politique que sur la morale, l'esthétique ou la science.
3: D'après les probabilités, il y a 24 combinaisons possibles avec les chiffres 1,2,4,8.
4 : formule magique permettant d'accéder à un lieu secret.