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Toute la nuit j’ai pensé à la phrase de Lola :
« Merci, merci, je saurai vous récompenser… ! »
J’imaginais des choses, des situations plus ou moins scabreuses, des scénarii dignes des films X interdits au moins de trente ans. Les heures avaient la lenteur des escargots dépressifs peu pressés de plonger dans de l’eau bouillante. Je me levais vers une heure trente pour aller boire un peu d’eau dans la cuisine : j’avais la démarche d’un scaphandrier retraité victime de rhumatismes arthritiques.
A deux heures, je m’installais dans mon canapé en face de ma chaîne Hi-Fi, juste à égale distance des deux baffles plutôt encombrantes. Je plaçais un Cd de jazz dans mon lecteur. Le jazz ancien transforme la nuit, en brume légère et semble avoir un pouvoir de lévitation qui me faisait planer au-dessus du canapé. J’écoutais en boucle un air de Glenn Miller, « Moonlight Serenade », que Jeanne, la prof d’anglais aurait traduit par « Sérénade au clair de lune ».
A trois heures vingt-huit, plutôt ramolli par cette litanie d’un autre temps, je plongeais dans l’irraisonnable : boire un verre de whisky ! Une pure folie, vu que je supportais très mal l’alcool. Je voulais tout simplement assommer mes neurones excités par la promesse de Lola. La bouteille de whisky était encore presque pleine et légèrement poussiéreuse. Je remplis la moitié de mon verre, décidé à boire pour oublier. C’est alors que s’insinua dans mon esprit, une autre promesse, plus celle de Lola, non, mais celle que je lui avais faite, moi, concernant la cartouche de cigarettes que je devais lancer à Paulo, son mec, son protecteur, qui purgeait une peine de quinze ans de prison pour un délit inconnu de nous. Mais dans quel guêpier m’étais-je fourré ? Et n’allais-je pas commettre un délit pour les beaux yeux de la meuf de Paulo ? Et quand j’étais sur le point de renoncer, une petite voix lointaine me murmurait dans l’oreille :
« N’oublie pas la promesse de Lola ! »
Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ? Pour posséder cette fille, il me suffisait de la payer ; c’était une pute après tout !
Mais voilà, je l’avoue, j’étais tombé amoureux d’elle.
Au petit matin, je n’avais encore rien décidé ; j’oscillais, comme un alcoolique aboulique entre « faire plaisir à Lola » et « respecter » la loi. Heureusement que ce matin-là, je n’avais pas cours, car vers dix heures, j’entendis les cris caractéristiques des taulards qui prenaient l’air au cours de leur promenade. A dix heures cinq, je me hasardais dans la coursive pour jeter un œil dans la cour de la prison. Paulo, était au-dessous, la tête levée vers le ciel. Il attendait la « livraison » de toute évidence. Alors, prenant mon courage à deux mains (phrase imprononçable par Monsieur Gédebras, le manchot), regardant à gauche et à droite pour vérifier que Monsieur Coqualo n’était pas là, je lançais la cartouche de cigarettes à Paulo qui l’attrapa prestement. On a beau avoir un QI d’huitre déficiente mentale et être plus ignorant qu’un Shadock, on n’en est pas moins adroit. Paulo me regarda fixement et leva le pouce vers moi en guise de remerciement. Ca y est, j’avais un nouvel ami !
Je vous raconterai plus tard, comment Lola tint sa promesse…
A suivre…