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Se put-il que j’eusse oublié que Lola m’eût accordé la récompense promise ? Avais-je le cerveau si ramolli pour effacer de ma mémoire ce que j’avais souhaité le plus ? Je regardais sa bouche en espérant qu’un éclair de lucidité vînt éclairer la zone sombre de mon cerveau. Rien, c’était le vide de l’espace, le néant qui régnait dans le cerveau de Nicolas Hulot, les promesses d’un certain président…
Dans cette rue sombre, où les lampadaires faisaient figures de sentinelles catatoniques (1), nous étions face à face, ELLE et moi, seuls dans la nuit, comme si nous devions conclure un marché illégal. C’est fou, ce que j’avais envie d’elle, la posséder entièrement, par le corps et par l’esprit, l’attacher à moi, être sa potion illicite qui en faisait mon esclave. J’avais tout simplement, envie de lui dire :
« Lola, je t’aime ! »
Et j’aurais attendu sa réponse, avec inquiétude, les tripes entortillées comme celles d’une personne qui redoute les résultats de son test HIV.
Lola restait près de moi, sans rien dire et ma présence, mais s’en apercevait-elle seulement, ne faisait plus d’elle une pute qui tapinait. Nous étions un couple éphémère dans une rue sans nom, déserte et silencieuse, seulement troublée par les miaulements rauques des chats en rut, vagabonds de la nuit, si seuls et si désespérés.
En naviguant dans ses yeux, je niais une perte de mémoire, un symptôme pré-Alzheimer et comme je luttais contre cette éventualité, je demandais à Lola :
« Mais, dis-moi, c’était quoi ta récompense ? »
Son sourire sembla caresser les ailes d’un ange ; elle murmura :
« Les pneus de ta voiture n’ont pas été crevés ! »
Ah, c’était donc ça ! Je comprenais tout à présent. Les amis de Paulo étaient les responsables de toutes ces crevaisons et ils m’avaient épargné, moi, le professeur, celui qui fournissait des cigarettes au protecteur de Lola.
Je me hasardais à lui exprimer ma déception :
« J’espérais une récompense sexuelle ! »
Elle semblait se moquer de moi avec tendresse :
« Je n’ai jamais pensé à cela ! »
Mais enfin, que fallait-il faire pour coucher avec elle ?
Je me rendais compte brutalement que Lola n’était qu’une pute et qu’il fallait utiliser un autre langage pour avoir une relation sexuelle avec elle :
« Tu veux combien pour une passe ? » lui dis-je vulgairement.
Lola claquemura son visage à double tour et me répondit :
« Rien, car je ne baiserai jamais avec toi ! »
Elle rompit le contact rapidement et s’éloigna de moi en remuant les fesses.
Alors là, mon cerveau sembla prendre un bain d’acide chlorhydrique, comme s’il était incapable de résoudre l’équation de Schrödinger (2)…
A cinquante mètres plus haut, une voiture s’arrêta près de Lola qui se pencha vers la vitre baissée de la portière. Avant de monter dans le véhicule, elle tourna sa tête vers moi certainement pour vérifier si mon corps ne s’était pas transformé en ectoplasme (3)…
A suivre…
Notes :
1- Catatonique : en psychiatrie qui est caractérisé par une posture corporelle rigide, typique de certaines schizophrénies
2- L'équation de Schrödinger, conçue par le physicien autrichien Erwin Schrödinger en 1925, est une équation fondamentale en mécanique quantique. Elle décrit l'évolution dans le temps d'une particule massive non relativiste, et remplit ainsi le même rôle que la relation fondamentale de la dynamique en mécanique classique.
3- Ectoplasme : manifestation fantomatique produite par un Médium du corps duquel elle émane. Par extension, se dit au figuré d'une personne inconsistante, insignifiante, sans personnalité.