Madame Coqualo venait de me révéler un nom impossible, le nom de celui qui avait assisté, une nuit, à l’enlèvement de Lola.
Encore accroupie à mes pieds, elle aurait aimé recommencer sa besogne lubrique. Elle passa plusieurs fois sa langue souillée sur ses lèvres gonflées. Je lui demandai une nouvelle fois le nom de ce témoin qui avait tout vu. Avec un sourire de hyène, elle me dit :
- C’est Monsieur Laderovich !
Tous mes espoirs s’effondrèrent comme les châteaux de sable de mon enfance.
C’est que Monsieur Laderovitch, tout le monde le savait, était atteint de la maladie d’Alzheimer et qu’il aurait été miraculeux qu’il se souvînt de quelque chose.
Madame Coqualo, la vidangeuse, s’était bien moqué de moi. Elle ajouta néanmoins, comme pour se faire pardonner du piège qu’elle m’avait tendu :
- Ca s’est passé vers deux heures du matin, dans la rue, juste au bas de l’immeuble. Monsieur Laderovitch, comme souvent, s’était enfui de son appartement et errait comme un chien perdu sur le trottoir. Lola avait fini de tapiner et s’apprêtait à rentrer chez elle, quand une voiture arriva en trombe et s’arrêta devant la pute. Deux hommes bondirent hors du véhicule et la poussèrent à l’intérieur. Lola criait comme une truie qu’on égorgeait. Quelques copropriétaires, dont Madame Laderovitch se mirent au balcon et ne purent assister qu’au départ en trombe de la voiture des ravisseurs. Notre pauvre voisine récupéra son mari hébété et qui murmurait des phrases incompréhensibles.
Pouvais-je, raisonnablement, obtenir des informations de Monsieur Laderovitch, atteint d’une forme avancée de la maladie d’Alzheimer ?
Chez moi, malgré l’heure tardive et pour essayer de ralentir la fréquence de mon rythme cardiaque qui risquait de se transformer brutalement en tachycardie fatale, je décidai de corriger quelques copies, les plus mauvaises, celles que l’on traite en dernier, celles que l’on voudrait oublier ou perdre, aspirées par un violent Mistral. Pour rendre cette correction moins indigeste, je branchais mon tuner-internet et je cherchais une station radio américaine qui ne diffusait que du jazz. Je tombais sur Benny Goodman qui interprétait « Sing Sing Sing ».
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Appuyez sur la flèche pour écouter « Sing Sing Sing »
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Dois-je l’avouer ? Je me servis aussi un demi-verre de whisky, histoire de tuer mes idées noires.
En cette heure tardive, mes copies avaient l’air délavées, comme oubliées dans une machine à laver neurasthénique.
Je n’arrivais pas à corriger ; ma pensée allait sans cesse vers Monsieur Laderovitch. J’essayais d’élaborer une stratégie pour soutirer quelques informations à ce pauvre hère perdu dans le labyrinthe du temps. Comment établir un premier contact ? Aller chez lui ? Laisser faire le hasard qui m’aurait certainement permis de le rencontrer dans l’immeuble ?
A suivre…
Commentaires
A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Bonne journée.
Bonjour Prof
J'ai failli manquer ce passage, merci pour ce moment de musique.
Je vais lire la suite,aujourd'hui je suis gâté, deux articles à lire.