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La boîte blanche en carton enrubannée de rouge était posée sur le bureau d’Edmond déjà passablement encombré d’objets divers. Mais que contenait donc cette boîte ? Elle était destinée à protéger des gâteaux, en principe. Mais les regards de Gaëlle et de Roxane laissaient présager le pire.
- Tu n’ouvres pas la boîte ? dis-je à Edmond avec un air innocent.
Mon vieux collègue parut soudain sombrer dans la mer des Sargasses*. Ses yeux semblaient aussi troubles que les eaux des égouts de Marseille.
- Heu, je n’ai pas faim pour l’instant ! finit-il par murmurer.
J’insistais lourdement. J’étais sûr que cette boîte contenait les petites culottes de Gaëlle et de Roxane.
Les deux filles se trémoussaient de plus en plus, partagées entre le fou-rire et l’inquiétude. Je commençais à me demander si ces deux élèves n’offraient pas plus que des gâteaux à leur professeur de mathématiques. Mon doute fut un peu tempéré par la constatation de l’état de délabrement physique et intellectuel d’Edmond Trianglo. Mais que pouvait-il faire avec elles ? A part regarder et un peu les toucher, je n’imaginais pas que sa virilité pût encore posséder la dureté et la rectitude de la règle en acier qui était posée sur son bureau.
J’insistais.
Il résistait comme il pouvait, ce qui me prouvait bien que j’avais raison. Je tentai brusquement une manœuvre d’intimidation.
- Je vais appeler le proviseur !
Et je saisis mon portable en feignant de composer le numéro du chef d’établissement. Ce n’était pas sympa de ma part, mais je crois que ma fatigue me poussait à des actes irraisonnés.
Edmond semblait aussi perdu que le petit chaperon rouge dans la forêt. Ses mains tremblaient. Il se décida enfin à défaire le nœud du ruban rouge.
Je triomphais.
J’ouvris moi-même la boîte, pressé d’en finir et je découvris, posés au fond, sur un petit napperon en papier blanc, un éclair au chocolat et un baba au rhum.
Gaëlle intervint en riant :
- Le baba c’est de ma part et l’éclair est offert par Roxane !
Franchement je me sentais minable et je quittais la salle 17 sans même m’excuser.
C’est que de 16h à 17h j’avais une seconde de trente-cinq élèves difficilement supportables, paresseux et bavards et à 19h un conseil de classe interminable qui allait m’aplatir comme une crêpe. A la fin des cours, je devais attendre deux heures dans la salle des profs avant la réunion tant redoutée.
A 17h15, je m’installais dans le fauteuil bleu pétrole situé dans le coin de la salle, bien décidé à sommeiller et à faire la « gueule » pour dissuader toute tentative de dialogue avec mes collègues tous atteints de logorrhée** pédagogique.
J’étais prêt à sombrer dans la déprime quand quelqu'un entra dans la salle des profs.
C'était Sandrine !...
A suivre…
Notes :
* Mer des Sargasses : La mer des Sargasses est une zone de l’océan Atlantique nord. Contrairement à toutes les autres mers du globe, elle n'a pas de côtes, si l'on excepte celle formée par les îles des Bermudes, proches de sa frontière ouest. Elle a une largeur de 1 100 km, et une longueur de 3 200 km environ. Elle tient son nom des algues dites sargassum qui ont la particularité d'y flotter, et de s'y accumuler en surface.
** Logorrhée : pathologie du langage qui conduit le malade à déverser un flot rapide et ininterrompu de paroles.
Commentaires
curiosité!!!bonne journée
A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Bonne semaine.
Bonjour Prof.
Pauvre Edmond! Mais tel est pris qui croyait prendre.
Dernière ligne droite, plus que quatre jours avant la quille!!
Bonne soirée