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Sandrine, côté pile...
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C’était Sandrine, la prof de français ou plus précisément de lettres modernes.
Moi, j’étais dans mon coin, pétri d’ennui et de fatigue et surtout je ne voulais avoir de contact avec personne.
J’attendais.
A 19h, j’avais un conseil de classe et il n’était que 17h20 !
J’avais le temps d'admirer la poussière se déposer sur les objets et il me semblait que je regardais un film d’épouvante dans un petit cinéma de quartier, poussiéreux comme l’espoir. Les profs allaient et venaient et parlaient, parlaient, parlaient ! Où trouvaient-ils encore la force de déblatérer* après une journée de cours passée dans des sortes de tranchées pédagogiques ? J’avais forgé un bouclier virtuel pour me protéger des attaques verbales du front d’en face : je faisais la « gueule », les yeux baissés, aussi sympathique qu’un schizophrène privé de neuroleptiques.
Le temps avançait avec peine comme un radeau en fin de vie sur un fleuve au fond caillouteux.
Il y a une chose que je ne devais pas faire : poser les yeux sur elle !
Et pourtant, je sortis perdant d’un combat mené contre moi-même. J’eus l’imprudence de la regarder, Sandrine, quand elle me tourna le dos pour se programmer un thé à la machine à café. Quelle erreur ! Je me sentais un peu voyeur, mais tant pis, je me mis à reluquer les fesses de Sandrine.
Les fesses de Sandrine !
Moulées dans un jeans plutôt délavé, elles avaient l’arrondi parfait des mappemondes de mon enfance. S’en apercevait-elle que mes yeux caressaient le bas de son dos ? Peut-être, car brusquement elle se retourna vers moi comme pour contempler un fantôme. Aussitôt, je baissais la tête comme un spectre timide : jamais je n’aurais supporté qu’elle devinât mon manège, digne d’un vieux pervers.
Sandrine représentait pour moi un petit soleil qui éclairait le coin obscur dans lequel j’étais assis, vautré dans un fauteuil qui m’engloutissait. Et bien vite elle passa à autre chose, assaillie par ses collègues bavards comme des mitrailleuses qui avaient perdu la tête.
C’est que Sandrine, depuis toujours, m’ignorait comme un gros furoncle mal placé que l’on veut cacher.
Elle, ne me voyait pas et moi je faisais semblant de ne pas la regarder. Je dois avouer que Sandrine m’impressionnait ! Elle était grande, jolie et sportive et moi je me situais (surtout dans ma tête) à l’opposé d’elle. Alors moi, quand j’étais dans la salle des profs, avec les autres et avec elle, mon cœur avait des sursauts de tachycardie dignes de ceux des coureurs cyclistes complètement dopés à l’EPO**.
J’en arrivais même à oublier la pauvre Lola, peut-être à jamais perdue dans un bordel de Bamako.
Sandrine, ce n’était pas mon amour à moi, ce n’était qu’une muse spirituelle qui faisaient grouiller mes vers. Pas des asticots, mais les vers de mes poèmes qui, grâce à elle, pullulaient dans ma tête.
A 19h10, le conseil de classe commença et par un hasard funeste, à la grande table de réunion, je me trouvai assis à côté d’ELLE.
Pauvre de moi !...
A suivre…
Notes :
* Déblatérer : Parler de façon véhémente contre quelqu'un ou quelque chose. (familier).
** EPO : L'érythropoïétine est connue pour être utilisé comme agent dopant par certains sportifs afin d'augmenter leur endurance et leurs performances (particulièrement les marathoniens et les cyclistes). L'amélioration de la vitesse des cyclistes utilisant de l'EPO est parfois évaluée à environ 10 %. Ce type de pratique dopante peut avoir des conséquences graves, parfois même mortelles. En effet, l’injection d’érythropoïétine synthétique augmente chez un individu la quantité de globules rouges et peut faire passer l'hématocrite de 45 % (chiffre normal) jusqu'à 65 % (chiffre beaucoup trop élevé). Au cours d’un effort physique prolongé, le sportif imprudent qui a eu recours à un tel procédé voit son sang se transformer en une pâte visqueuse et épaisse (hyperviscosité sanguine), susceptible d’entraîner la formation de caillot et de thromboses. Dans ces conditions, les accidents vasculaires cérébraux ne sont pas rares, et une défaillance cardiaque peut même survenir.
Commentaires
A Gaby.
Merci pour le com.
Le côté face doit rester secret...
Bonne soirée.
Bonsoir Prof.
Côté pile parfait! En attendant le côté face, qui doit être aussi beau!
Bonnes vacances
ce n'est pas les vacances????bon wk