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Une rue dans le vieux Grasse.
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Dans ma tête commença à s’agglomérer une vague explication de l’attitude de Sandrine à mon égard.
Pour elle, j’étais un fantôme. Point barre !
L’année dernière elle avait décidé d’acheter un appartement dans le vieux Grasse. C’était sa première acquisition et cela la rendait excitée comme une puce. Le seul problème, c’est qu’il y avait des travaux à faire, surtout au niveau des peintures et des tapisseries murales qui avaient l’âge de leurs moisissures.
Moi je n’aime pas les appartements anciens ! J’ai comme l’impression de cohabiter avec des morts, les anciens occupants successifs qui, au fil du temps, étaient décédés dans ces lieux.
Un matin, à la récré de 10h, Sandrine vint s’asseoir à côté de moi. Mon seul regret, c’était qu’elle ne fût pas parfumée, mais au diable mon nez de chimiste, mon cœur se trouva soudain soumis à une brutale accélération comme celle que subissent les pilotes de formule 1 au démarrage d’une course de grand prix. Mes muscles, tétanisés, avaient la densité de l’ébène, ce bois noir des arbres géants d’Afrique. Je n’osais même pas la regarder dans les yeux et je crois même que je me mis à loucher. Mais que me voulait-elle mon Dieu ? Je regrettais le temps ancien quand mes yeux de voyeur se contentaient de caresser ses fesses, de loin, quand elle avait le dos tourné. Elle paraissait gênée. Son genou droit s’appuyait sur ma cuisse et j’avais l’impression qu’une dague acérée trifouillait dans ma chair. J’étais cloué sur place, sur mon fauteuil, comme un Jésus-Christ pédagogique. Elle était à peine maquillée, plus sportive que féminine, je dirais. Moi, je préférais qu’une femme fût le contraire, mais qu’importe, elle était près de moi, rien qu’à moi, mais pour combien de temps ?
Elle se pencha vers mon visage.
Je devins complètement idiot !
Même mes hormones mâles semblaient perdre de leur superbe, affolées, liquéfiées, désabusées et timides.
Elle murmura une phrase que je ne compris presque pas, comme si elle parlait dans une langue gothique.
- Alain, tu sais que j’ai acheté un appartement dans le vieux Grasse, mais il y a quelques travaux à faire. Ça te dirait de venir Samedi chez moi pour m’aider à décoller la vieille tapisserie ? Je te ferai une pizza !
C’est à ce moment-là que je fus nommé le plus grand taré de la galaxie, le débile profond de l’univers, l’idiot de toutes les constellations de l’hémisphère Nord et de l’hémisphère Sud, le nul parmi les nuls, l’illettré des sentiments, car je lui répondis :
- Je n’aime pas les pizzas !
Elle me regarda, ébahie et se leva sans rien dire. Quand elle me tourna le dos pour aller s’asseoir à la grande table, je n’eus même pas la force de regarder ses fesses.
Je m’en voulais comme une mère qui abandonne son enfant sur la marche froide et humide d’une porte cochère.
J’étais le roi des imbéciles, car en fait j’adore les pizzas, toutes, aux fromages, aux champignons, aux fruits de mer, au jambon, des quatre saisons… Alors pourquoi ai-je répondu : « je n’aime pas les pizzas ! » ? C’est le mystère du siècle, plus difficile à comprendre que la mécanique quantique, que l’origine de l’homme, que les pensées de la femme…
Et depuis ce jour-là, maintenant je sais pourquoi, je suis devenu, aux yeux de Sandrine, un fantôme invisible qui hante le lycée…
A suivre…
Commentaires
Sur ce coup là votre héros a été, comment dire, une vraie quiche !
A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Bon WE.
Bonjour Prof.
Voilà, maintenant on comprend pourquoi Sandrine est aussi désagréable!
Bonne journée.