VEF Blog

Titre du blog : Professeur.
Auteur : prof83
Date de création : 28-01-2008
 
posté le 12-05-2014 à 08:16:33

Grasse (94).

 

 

Bon, c’était décidé, après tout ce que j’avais lu sur internet concernant les multiples dangers de l’Afrique, je n’aimais plus Lola !

Ouf, un poids de moins dans mon cerveau ! Je pouvais ainsi attendre tranquillement la fin de mon année scolaire à Grasse. La seule chose qui me dérangeait, c’était le festival de Cannes qui allait se dérouler du 14 au 25 Mai. Bien que située à 18km de cette ville, Grasse subissait les nuisances de ce festival du cinéma. Inutile d’imaginer un seul instant une promenade sur la Croisette à ce moment de l’année. Je passais donc mon temps à aller au lycée, à humer les parfums qui saturaient toute la ville de Grasse et à contempler la prison depuis la coursive sur laquelle donnait mon appartement. Je tentais souvent d’apercevoir Paulo, le mac de Lola, parmi la faune des taulards qui s’ébrouaient dans la cour de cette maison d’arrêt, sans succès. Après sa tentative de suicide ratée, Paulo était peut-être encore à l’hôpital ou  avait-il été transféré dans une autre ville, je n’en savais rien.

Au lycée, je m’étais fait plusieurs ennemies : Jeanne, la prof d’anglais, Sandrine, la prof de français et la documentaliste Françoise Jétoulu.

J’essayais de rétablir des relations normales avec Sandrine, sans succès. Elle continuait à m’ignorer totalement ; pour elle j’étais un homme invisible* comme dans le titre d’un film sorti en 1933.

Lundi matin, je me dis que je n’aurais pas dû me trouver dans la salle des profs ce jour-là. Sandrine allait et venait dans tous ses états : elle voulait à tout prix aller à Cannes pour le festival et elle cherchait un collègue qui pourrait l’accompagner en voiture là-bas. Tous les profs refusèrent en invoquant diverses raisons. Je n’avais pas senti arriver le boulet de canon qui allait m’écrabouiller. Sandrine me lança un regard intéressé. Moi j’étais assis dans mon coin, triste comme un mois de Novembre, le regard perdu ailleurs que sur ses fesses… Et pour elle, soudain, je ne fus plus « l’homme invisible », hélas pour moi. Elle vint s’asseoir dans le fauteuil voisin du mien avec un sourire enjôleur. Elle était culottée quand même !

- Dis-moi Alain, je suis sûre que tu adores le cinéma ! me dit-elle avec des lèvres prometteuses…

Je la voyais venir avec ses gros sabots !

Il fallait que je me méfiasse de moi-même et que j’évitasse de dire n’importe quoi comme l’autre fois avec « l’affaire de la pizza ». A vrai dire, je n’apprécie que modérément le cinéma et surtout je déteste regarder passer toutes ces pseudos-vedettes qui paradent devant des spectateurs qu’elles méprisent finalement. Mais là, c’était l’affaire du siècle, c’était l’occasion de « renouer » avec Sandrine, même si je la soupçonnais de vouloir seulement m’utiliser. Après une réflexion intense, je ne pus que dire :

- Oui, c’est vrai, j’aime le cinéma !

Je mentais comme un arracheur de dents du marché de Bamako au Mali.

Elle eut un petit sourire de satisfaction, le sourire du pêcheur qui a ferré un poisson.

Elle se jeta à l’eau comme on lance une bouée à un demi-noyé qui gigote dans la mer des Sargasses.

- On pourrait aller ensemble au festival Samedi si tu veux. Ensuite on  se « ferait un restau », pas dans une pizzéria ne n’inquiète pas !

- Oui, répondis-je sans conviction.

Ca y est, j’étais le poisson qu’elle avait attrapé et qui vivait ses derniers instants dans le seau en plastique rouge  rempli d’eau de mer qui se trouvait à ses pieds.

- Samedi à dix heures ça te va ? J’ai hâte de monter dans ton Alfa-Roméo !

Dix-huit kilomètres en tête à tête avec elle dans ma voiture, cela me faisait fantasmer ! J’espérais tout simplement qu’elle portât une jupe courte ce jour-là…

La sonnerie de fin de récré vint interrompre notre dialogue. Elle se leva et m’envoya un sourire de femme…

C’est à ce moment-là qu’un grain de sable vint perturber toute cette belle mécanique de séduction…

 

A suivre…  


Notes :

 

* L’homme invisible (film 1933).

 

 

 

Jack Griffin, un scientifique, a trouvé le moyen de devenir invisible. Soucieux de trouver la formule qui lui permettra un retour à la normale avant d'annoncer sa découverte, il s'enroule le visage de bandeaux et se retire dans l'auberge d'un village isolé. Son aspect étrange ainsi que son comportement attirent la curiosité des gens et l'empêchent de travailler. Agacé, Griffin cherche à effrayer les villageois et se sert de son pouvoir à des fins de plus en plus mal intentionnées...