Comment imaginer qu'un pan bagnat* soit un objet érotique?
Mon labo avait l’air d’une tranchée de la guerre de 14-18. Il y régnait un désordre digne d’une rue de Singapour à l’heure de pointe. Il y avait bien un garçon de laboratoire qui était une fille en l’occurrence et qui se chargeait normalement de s’occuper du rangement de la salle et de divers petits travaux de préparation pour les travaux pratiques des élèves, mais à la suite de plusieurs bêtises qu’elle avait commises, je lui avait interdit l’accès de mon antre scientifique.
J’avais placé mon « pan bagnat » dans le petit réfrigérateur et je n’osais même pas le prendre par crainte du ridicule. Manger un pan bagnat est du même calibre que déguster un hamburger de chez Mac-Do. C’est la dégoulinade assurée. L’huile d’olive a tendance à vouloir fuir à tout prix de sa prison de pain.
-Tu n’as pas faim ? me dit Pascale en passant la langue sur ses lèvres pulpeuses.
Si elle commençait déjà à me montrer un morceau de son intimité, mon appétit allait sûrement changer de profil !
- Oui j’ai faim ! répondis-je en imaginant sa langue dans ma bouche.
Avec ma main, je repoussais le plus loin possible du bord de la table, un amoncellement de verreries diverses et de petits compte-gouttes remplis de produits chimiques. Elle me regarda faire en gonflant le torse qui dut atteindre les 97C. Quelque part en moi je craignis que mes testostérones ne gagnassent la lutte qu’ils avaient engagée contre mes paisibles sucs digestifs qui attendaient impatiemment leur nourriture.
Et pour ajouter à mon trouble, une bonne dose émotionnelle, Pascale s’assit sur un tabouret assez haut en écartant innocemment ses jambes.
Mes testostérones avaient gagné, par KO, leur combat contre mes sucs digestifs !
Je sortis le pan bagnat du réfrigérateur et le plaçais sur une sorte de soucoupe en porcelaine blanche qui avait contenu pas mal de produits chimiques plus ou moins dangereux. J’espérais que ma « fille de laboratoire » avait bien fait la vaisselle.
Pascale s’excitait toute seule :
- Hum, du pan bagnat parfumé à l’acide chlorhydrique, j’adore !
Elle avait l’odorat bien développé et pas que ça ! (je m’en aperçus plus tard…).
Avec un scalpel, emprunté à la prof de SVT, et qui avait dû disséquer pas mal de grenouilles, de rats et de vers de terre, je coupais en deux parties égales mon fameux sandwich. Immédiatement, l’huile d’olive prit les jambes à son cou pour tenter de s’enfuir.
Je regardais ma montre, il était douze heure trente. Il était temps de manger.
Pascale, elle, n’avait pas d’état d’âme : elle ouvrit sa bouche en grand pour engloutir un gros morceau de pain huileux accompagné de thon et d’une rondelle de tomate. J’hésitais à faire comme elle et je me contentais de picorer comme si j’avais un bec d’oiseau rachitique.
Et ce qui devait arriver, arriva ! Un petit filet d’huile d’olive se mit à couler sur les lèvres et sur le menton de Pascale. S’en rendait-elle compte seulement ? Elle mangeait avec appétit.
Moi je n’avais plus faim et une idée malsaine naquit dans les circonvolutions de mon cerveau fatigué.
Je pensais :
Et si je léchais, avec ma langue, cette huile qui dégoulinait sur la peau du visage de Pascale ? Que ferait-elle ?
A cette pensée, mes cheveux se dressèrent virtuellement sur ma tête.
C’est alors que Pascale me dit :
- Alain, ne me prends pas pour une folle et ne vas pas imaginer quoi que ce soit, mais j’ai envie de faire quelque chose…
A suivre…
Note :
* Le pan bagnat est un sandwich niçois au thon, aux crudités et à l'huile d'olive, composé dans un petit pain rond réalisé spécialement à cet effet.
Histoire :
Pan bagnat en niçois signifie « pain mouillé », sous-entendu du jus de la tomate de la préparation, de vinaigre ou d'huile d'olive. Cette terminologie est directement voisine de l'italien pane bagnato, ou de forme abrégée, plus musicale et poétique, pan bagnato, pain mouillé.
Le pan bagnat est au départ le casse-croûte à emporter des pêcheurs et autres travailleurs du matin et élaboré à partir d'ingrédients simples, locaux et bon marché. Ainsi, le thon, qui fait à présent partie de sa composition chez tous les marchands, a remplacé l'anchois. En effet, le thon était au XIXe et au début du XXe siècle un poisson cher, comparé à l'anchois, poisson populaire. La variante au thon est donc la variante « riche » du pan bagnat.
Composition :
C’est la même que celle de la salade niçoise, c’est-à-dire uniquement des crudités, du thon ou de l’anchois et de l’œuf dur coupé en rondelles. Le tout est copieusement arrosé d’huile d’olive et d’un peu de vinaigre, afin de bien « tremper » le pain, ce qui le rend plus facile à mastiquer. Les ingrédients couramment utilisés sont : tomates, œufs durs, thon (les anchois sont préférables), févettes (fèves jeunes et tendres), poivrons verts, petits oignons frais, radis, salade, feuilles de basilic, olives noires de Nice, sel et poivre. Le pain (un pain généralement rond) est ouvert complètement en deux, mouillé de vinaigre et de beaucoup d’huile d’olive et garni de ces ingrédients.
Commentaires
joli ton nouveau bandeau
toujours plein de fantasmes lol
bon début d'année