Mais oui, je suis un romantique !
Devais-je complètement cesser de penser à Serena ?
Son attitude, je dois bien l’avouer, me perturbait.
C’était comme du sel appliqué sur une plaie, du sel dont je me complaisais à saupoudrer cette brèche qu’elle avait ouverte dans ma peau, dans mon cœur. Alors, l’oubli devenait ma préoccupation essentielle, celle qui consommait mon énergie comme un moteur surpuissant glouton de super 98.
Le pire, dans cette affaire, c’est qu’à son abandon, se superposait une jalousie qui avait éclos lorsque j’avais vu Serena en compagnie de cet homme, l’autre jour, dans sa BMW de pacotille… On se dit, qu’avec les jours qui défilent, cette souffrance va s’atténuer. L’oubli cautérise* les blessures de l’âme, il s’allie au temps qui passe et qui se dilate pour éloigner tout ce qui nous fait souffrir.
A ces angoisses épidermiques incontrôlables par la volonté, viennent s’ajouter des raisonnements puérils, du genre : « Et si c’était son père ? » Ce qui revient à dire que ce qui fait souffrir, c’est plus la jalousie que l’abandon.
Comme un idiot, j’étais tombé amoureux d’une fille plus jeune que moi, qui m’avait harcelé au téléphone, pendant des semaines, au nom de la société Solido qui fabriquait des portemanteaux en bois exotiques. C’est que la seule nuit que j’avais passée avec elle, avait été, pendant des heures, un concert de jazz sensuel dans un jardin obscur et parfumé, une brise légère qui agitait quelques feuilles nostalgiques sur les branches des arbres, certainement centenaires. Et puis plus rien, comme si mon cœur devenait sourd, aveugle et muet, autrement dit, un handicapé sentimental.
Ma tendance naturelle, c’était l’inertie qui frôlait l’aboulie** pathologique et cela depuis ma plus tendre enfance. Ne rien faire économise l’énergie vitale et nous plonge dans une léthargie mentale qui agit comme un puissant narcotique.
J’allais faire un tour dans cette librairie mystérieuse, parfois fréquentée par celui que j’avais vu en compagnie de Serena. Le libraire, vieil homme d’un âge improbable, dont la femme, une chinoise, lui avait transmis une philosophie bien orientale, pouvait certainement m’aider dans ma recherche.
Je compris bien vite que cette philosophie-là était bien hermétique pour le cerveau d’un pauvre physicien amoureux d’une ombre. Bien entendu, il refusa de me communiquer le moindre renseignement sur ce monsieur au nom du « secret livresque » encore plus intransigeant, à ses dires, que le secret médical. Il se contenta de me conseiller de consulter « Anatomie du squelette humain », un livre, avec des dessins et des photos (heureusement) très instructif. Se moquait-il de moi ? Ou bien, me donnait-il une piste pour orienter mes recherches ?
En rentrant chez moi, plus déprimé que la bourse de Singapour, je décidais, en espérant ne pas m’endormir, de feuilleter cet ouvrage scientifique et cela me fit penser à Victor, le squelette du labo de SVT…
A suivre…
Notes :
*Cautériser : Brûler un tissu vivant avec un cautère afin de détruire les parties malades.
**Aboulie : Absence maladive de volonté, incapacité d'agir.
Commentaires
bonnes vacances