Mais derrière quelle porte se trouve Serena ?...
Serena me regardait à l’envers, j’avais l’impression qu’elle me voyait comme à travers ces vieilles pellicules de photos en noir et blanc où tout était inversé, nostalgie des années anciennes, lorsque nous devenions presque des fantômes.
Moi, je fixais le dessus vitrifié rouge de la table ronde bordée par un anneau plat en aluminium grisâtre. Mes mains, posées à plat sur la surface brillante et froide, semblaient ressentir les miasmes de toutes celles qui s’étaient abandonnées là, les mains du temps passé, les mains des personnes certainement atomisées à la suite d’une rupture sentimentale.
Je n’avais qu’une envie, me lever et partir, me sauver pour ne pas montrer ma souffrance trop disproportionnée provoquée par l’attitude de cette fille peu reconnaissante et aussi froide qu’une raie désappointée. Elle s’excusa en me disant qu’elle devait aller aux toilettes, pour se maquiller ou pour faire pipi ?
L’hippocampe(1) de mon cerveau, en léthargie depuis quelque temps retrouva une nouvelle jeunesse en essayant de se souvenir de ce lieu peu accueillant. Et une idée plus saugrenue que du caviar congolais, germa dans ma tête comme un rhododendron dans un champ de concombres. Cette idée, un peu perverse, devint peu à peu un fantasme : faire l’amour dans les toilettes d’un bar, dans une position peu académique et tout simplement scandaleuse.
J’attendis une ou deux minutes pour tenter ma chance comme un chien en rut à la recherche d’une femelle en chaleur. Je poussais la porte des toilettes avec mon coude, histoire de ne pas choper une maladie honteuse. Devant moi apparurent alors, à droite les toilettes pour femmes et à gauche, celles réservées aux hommes. Je jetai un regard inquiet derrière moi et poussai le panneau en bois où se trouvait une sorte d’icône en plastique d’un blanc jaunâtre où était gravée, en noir, une silhouette féminine.
Serena n’avait pas fermé la porte avec le verrou et je la vis assise sur le WC en porcelaine, attendant une inspiration certainement théâtrale…
Ma main glissa sur le zip de mon pantalon comme dans les mauvais films pornographiques.
On ne fit dans ce lieu d’aisance, que le minimum syndical autorisé chez les flûtistes pressés…
A suivre…
Notes :
1- Hippocampe : zone temporale du cerveau, qui est importante dans le processus de mémorisation spatiale