Marina dans sa cellule aux Baumettes...
Maître Amanda Di-Stretta s’éclipsa lorsque je fus en face de Marina.
Ce parloir ressemblait à un aquarium coloré et agité par une houle sonore. J’étais vraiment gêné de me trouver près de cette femme avec laquelle j’avais eu des relations un peu compliquées.
Que dire à part des banalités ? Le sourire triste de Marina fit accourir dans ma tête ce sentiment d’empathie (1) qui empoisonnait régulièrement ma vie et il suffisait que je fermasse un instant les yeux pour me projeter dans le corps de mon ex-collègue, pour prendre sa place en prison et ressentir toute sa détresse.
Marina reprit des couleurs d’innocence quand elle affirma haut et fort qu’elle n’avait pas assassiné son mari. Je la laissais parler et je me gardais bien de lui révéler que j’étais l’instigateur du test ADN qui avait été effectué sur Victor, le squelette de son labo.
Moi, à quatre-vingt-dix-neuf pour cent, j’étais convaincu de sa culpabilité et pour alimenter notre discussion, je lui demandais comment elle justifiait la présence du squelette de son époux sur son lieu de travail. Marina contestait, malgré les tests ADN effectués, que ce tas d’os fût celui de Victor. Elle me dit même, avec force :
- C’est mon mari, qui m’a offert ce squelette pour mon anniversaire !
Là, je crus même qu’elle voguait sur la mer des délires.
Elle ajouta :
- Les squelettes réels sont hors de prix et les SVT n’avaient pas assez de crédits pour effectuer cet achat. Un matin, en entrant dans mon labo, je vis un grand paquet cadeau enveloppé dans du papier métallisé rouge que j’ouvris bien vite : il contenait Victor, le squelette.
Je regardais Marina dans les yeux entourés de cernes qui la vieillissait beaucoup et je m’aperçus que ses pupilles étaient un peu dilatées comme celles de certains élèves qui entraient en classe après un arrêt prolongé dans les toilettes. De toute évidence, elle avait fumé une substance destructrice de neurones.
Devant ma mine aussi dubitative que celle d’un moine défroqué, Marina continua :
- Avec l’aide du concierge du collège, à qui il avait offert une bouteille de whisky, mon époux, la veille, vers minuit, pour me faire une surprise, avait déposé le squelette dans mon labo.
Elle voulut continuer, mais une matonne survint pour annoncer la fin de la visite.
En quittant Marina, j’avais l’impression d’abandonner un fétu de paille dans un brasero argentin et je me dis qu’il fallait que je fisse quelque chose pour elle.
A la sortie du parloir, maître Amanda Di-Stretta m’attendait. Elle m’aida à regagner le chemin de Morgiou, car on lui avait dit que je n’avais aucun sens de l’orientation. La pauvre Marina veillait sur moi à distance.
Je voulais vite quitter Marseille et sa célèbre prison des Baumettes et, après avoir remercié l’avocate, je commençais à me diriger vers ma voiture située à quelques centaines de mètres. J’invoquais Saint-Christophe (2), car je craignais de ne plus retrouver mon véhicule, volé certainement, ou du moins de découvrir ses quatre pneus crevés.
Amanda, me retint en serrant mon avant-bras, ce qui commençait à devenir une habitude chez elle. Elle s’approcha de moi plus que nécessaire, comme pour me phagocyter (3) dans une vacuole de volupté parfumée. Mon érection renaquit de plus belle !
- Mais vous êtes si pressé de partir ? me dit-elle.
- Oui, ce lieu ressemble à un enfer !
Son haleine dégageait un arôme de dentifrice à la badiane. J’étais presque fichu, éperdu, comme écrasé par un rouleau compresseur sur les routes glacées de Sibérie Orientale.
- Vous ne trouvez pas que dans cette prison de femmes, il y règne une tension sexuelle insoutenable ? Il se dégage de chaque détenue frustrée des halos de désirs insatisfaits. Moi, chaque fois, ça me rend toute chose et vous ?
J’étais dans le viseur de sa kalachnikov et elle me mettait en joue, prête à m’abattre pour satisfaire ses pulsions sexuelles. Mon cerveau immigra dans mon sexe aussi dur et dressé qu’un sabre napoléonien.
Elle se colla presqu’à mon corps et me murmura :
- Venez donc avec moi, je vais vous apprendre comment passer de l’enfer au paradis…
A suivre…
Notes :
1- Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui et de comprendre ses sentiments et ses émotions
2- Le prénom « Christophe » vient du grec « Christophoros », signifiant « celui qui porte le Christ ».
La légende raconte qu'un géant, alors appelé « Réprouvé' », aida le Christ à traverser une rivière.
Réprouvé fut donc « rebaptisé » Christophe, celui qui porta Jésus.
Ainsi, Saint Christophe devint le patron des voyageurs, pour les protéger dans leurs expéditions, et aujourd'hui Saint Christophe est le patron des voyageurs modernes : les automobilistes !
3- Phagocyter : détruire par un processus d'absorption et de digestion (des particules ou des micro-organismes étrangers).
Commentaires
rencontre épisodique sur ton roman j'ai une préférence pour lire un livre
bonne continuation bon mardi