VEF Blog

Titre du blog : Professeur.
Auteur : prof83
Date de création : 28-01-2008
 
posté le 03-05-2016 à 08:15:04

Marina (68).

 

Sonata disparue ? Presqu’un coup de massue reçu en pleine face !

Je regrettais de l’avoir un peu mise de côté pour m’occuper de Marina et d’Amanda.

J’entrais dans ma voiture comme dans une chambre à gaz, presque ivre, avec un taux d’alcoolémie dépassant les normes autorisées. Et pourtant j’étais aussi sobre qu’un pinson tombé d’un nid situé sur un arbre d’une abbaye de moines abstinents. Comment conduire dans ces conditions ? Englué dans un brouillard incertain en ce mois d’Août qui rendait l’âme, j’entendis tapoter contre la vitre avant-gauche de ma voiture. Machinalement j’actionnais le bouton concerné du lève-baisse-vitre électrique. J’aperçus alors la tête d’une jeune femme qui ne souriait pas et qui me fit un signe avec son index droit replié vers le haut pour m’entraîner vers une porte cochère où elle avait l’habitude de se réfugier pour fumer une cigarette. Elle était pressée et semblait apeurée. Elle se présenta rapidement :

- Je suis Hortensia, la collègue de Sonata.

Elle portait une blouse blanche, ouverte sur un panorama qui me laissa de marbre ou plutôt de glaise ramollie. Elle se pencha vers moi et me lança une bouffée d’haleine « cigarétoïde », une odeur de tabac brûlé comme Jeanne d’Arc. Elle enclencha un monologue à haut débit qui me saoulait comme un verre de vodka trop matinal.

- Sonata m’a parlé de vous, un soir de solitude et j’ai cru comprendre que vous aviez flashé sur elle. Vers la mi-juillet elle me dit qu’elle allait passer quelques jours en Italie et depuis elle a disparu !

Je savais déjà tout cela et je la regardais sans rien dire comme lorsque l’on est réveillé brutalement la nuit par une crise d’apnée du sommeil. Je devais avoir l’air d’un caméléon dépressif sur un patchwork* de tissus multicolores.

Hortensia se tut un bref instant pour alimenter ses poumons en gaz cancérigènes. Je crus déceler sous ces relents de nicotine et de goudrons, un parfum que je connaissais bien, Shalimar de Guerlain. Et je pensais :

- Quel gâchis ! Les baisers mouillés de cette jeune femme doivent empester le tabac froid !

Hortensia, avec l’air d’un comploteur bolchévique, ajouta :

- Et vous ne savez pas tout. Sonata menait une double vie !

Je sentis ma peau se flétrir comme le papier des vieux parchemins du moyen-âge.

- Une double vie ? criais-je presque, avec l’étonnement ahuri d’un centenaire débonnaire.

 La jeune pharmacienne murmura :

- En fait, Sonata était aussi une escort-girl !

Mon cerveau devint soudain cent-pour-cent mâle :

- Une pute, quoi !

Je la voyais déjà assassinée par un client italien qui chantait « O sole mio » ou bien droguée et envoyée à Tanger par la maffia sicilienne ou alors enlevée et bâillonnée pour aller se prostituer dans les bordels de Tananarive…

- Pauvre Sonata, pensais-je, mais où est-elle en ce moment ?

Longtemps, j’avais espéré un signe d’elle, une bafouille de rien du tout pour me dire ce qu’elle devenait.

Pendant plusieurs semaines, ce fut un silence angoissant !

Je remerciais Hortensia qui avait fini de fumer sa clope. Elle me demanda le numéro de mon portable, pour me donner d’éventuelles nouvelles de Sonata.

En entrant chez moi, j’avais le cœur en vrille en pensant à cette grande rousse qui avait su me séduire et colorer ma vie, grise comme un après-midi londonien…

 

A suivre  

  

 

* Patchwork : ouvrage constitué de pièces de tissu, souvent disparates, cousues les unes aux autres pour créer un motif très coloré.