Carlos Gardel, mort depuis longtemps, chantait son tango argentin. Aurait-il été content de savoir que j’avais choisi cette mélodie pour tenter de séduire Hortensia ?
Dans la nuit de mon salon, je la tenais serrée contre moi et ma joue, presque contre la sienne, ressentait, par convection, la chaleur de sa peau. Mon nez explorait la palette des parfums qui émanaient d’elle : « L’air du temps » qui provenait certainement de sa nuque, une légère odeur de chypre sur son visage, empreinte de son savon et parfois, quand elle répondait à mes questions, la folle senteur de son haleine verveine, la fragrance de son dentifrice.
Le tango que je dansais avec elle n’avait rien d’argentin, mais le cœur y était, la magie de l’atmosphère aussi.
De temps en temps je lui disais un mot gentil, à peine murmuré près de son oreille. Elle ne répondait pas, mais par un léger soupir, elle réagissait à sa manière et il me semblait, sans en être vraiment sûr, que son cœur battait un peu plus vite.
Je tentai un baiser léger, presqu’un effleurement, sur sa joue, elle se laissa faire, aussi tranquille que la surface des eaux du lac de Constance.
La nuit, comme une baguette magique, créait un univers sensuel et les mains qui tâtonnaient, les parfums qui embaumaient, arrêtaient le temps ou le dilataient plutôt comme un ballon d’amour qui gonfle au rythme du tango. J’avais programmé mon lecteur de CD pour que la chanson de Carlos Gardel passât en boucle et se répétât inlassablement pour accompagner notre danse en oubliant le reste du monde.
L’amour entre deux êtres les transforme en ermites, dans une caverne à une époque indéterminée. Ce sont deux solitudes mises en commun et qui ne font pas souffrir.
J’avais envie d’embrasser ses lèvres et de lui dire « je t’aime ». Une folie peut-être ? La folie des mots ou de l’action ?
- Jeg elsker dig !
J’avais appris cette phrase il y a bien longtemps, quand j’avais rencontré sur une plage de Nice une danoise blonde comme il se doit et qui m’avait traduit « je t’aime » dans sa langue. Que reste-t-il d’elle ? Seulement le souvenir de sa peau salée par l’eau de mer qui s’évaporait presqu’immédiatement sous les chauds rayons du soleil.
Hortensia se cabra un petit peu, devint gauche dans le mouvement du tango argentin.
- Ca veut dire quoi ?
Il fallait que je me jetasse maintenant à l’eau, que je fusse aussi courageux qu’un capitaine qui abandonne son navire brisé par la tempête.
Je soufflais, plus que je ne parlais dans son oreille :
- Je t’aime !
Elle tourna un peu la tête, comme étonnée d’une pareille infamie et par un hasard peut-être prémédité, il advint que mes lèvres rencontrassent les siennes.
Le choc !
La tétanisation !
L’électrocution !
Et je devins ainsi le ravi de la crèche !...
A suivre...
Commentaires
Bonjour Alain
merci de m'avoir prévenu, une fort jolie histoire d'amour, donc a suivre..