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Un matin, à 8h, lorsque nous étions tous assis dans la salle 28, un peu somnolents, calmes comme des marmottes en hibernation, le professeur d'histoire-géo nous annonça :

« Aujourd'hui, contrôle surprise d'histoire » !

Roger, le plus nul parmi les nuls, eut un sourire niais. Il savait qu'il allait avoir zéro comme d'habitude et que cela n'allait pas altérer la digestion des cinq croissants avalés goulûment au petit-déjeuner. Liliane, elle, changea rapidement de place et s'installa derrière Loïc, un fanatique d'histoire, qui apprenait tout par cœur. J'eus un petit pincement à l'âme en imaginant ce qui pourrait se passer entre eux à la récré de 10h dans les toilettes...

Quant à moi, contrôlant mes réactions, je me dis que ce devoir allait faire baisser ma moyenne. Parce-que, je détestais l'histoire-géographie qu'on appelle sciences humaines maintenant. Pour moi cela devenait des sciences inhumaines ! Je n'apprenais jamais mes leçons dans cette matière que je méprisais un peu, comme je méprisais le prof que je trouvais débile. Et puis il avait un physique pas très agréable : petit, gros, les cheveux gras et court sur pattes avec un humour à deux balles... Rosie était assise au fond de la salle, presqu'absente. Pfff elle devait penser à Lulu et à ses baisers enflammés à travers la grille de la cour. En fait, nous étions tous opposés à ce contrôle surprise, parce-que nous n'apprenions pas régulièrement nos leçons. Et lentement, un vent de révolte se leva dans la classe. L'ambiance était houleuse. On entendait des « ce n'est pas juste », « Msieu, vous ne nous avez avertis qu'il y allait avoir un contrôle surprise »...etc. Je regardais M. D..... le prof, dont le visage devenait aussi cramoisi que la carapace d'une langouste qui se prélassait dans les eaux chaudes de Cuba. Alors, pour une fois, il eut une réaction intelligente. Il cria plus fort que nous et déclara : « hé bien, ceux qui ne veulent pas faire le contrôle, n'ont qu'à partir !.... » Déjà Roger se levait pour sortir, accompagné de Vincent, Sébastien et René, ses trois copains un peu moins nuls que lui. Mais le prof se racla la gorge et nous asséna : « Mais bien entendu, tous ceux qui sortiront, passeront devant le conseil de discipline ! » (1)

Immédiatement Roger, Vincent, Sébastien et René se rassirent comme un seul homme, se dégonflant comme un pneu Michelin de cinq ans d'âge. Le silence, se fit dans la classe et soudain Rosie se leva, prit son sac et sortit sans jeter un regard au prof. C'était le renvoi assuré, pour elle la pauvre. Mon cerveau fonctionnait aussi vite qu'un Pentium double cœur (qui fut inventé bien des années plus tard). Je me levais alors et par solidarité (mon œil) ou par un calcul  machiavélique(2) (sûrement), je sortis à mon tour de la salle, marchant derrière Rosie, qui décidément avait de  jolies fesses... Tout le monde fut étonné par mon courage ! Moi, le meilleur élève de la classe ( je ne me vante pas ), j'osais risquer l'exclusion par solidarité. En fait par ce coup d'éclat, j'espérais attirer l'attention de Rosie, l'amour de ma vie. Elle se retourna, me sourit et ses jolies lèvres qui avaient la couleur des cerises en fin d'après-midi, quand le soleil se couche, murmurèrent : « Merci ! ». Ma joie fut de courte durée, car au loin je crus entendre le vrombissement de la moto de Lulu qui traînait constamment dans les parages. Et aussitôt mon moral s'effondra comme la bourse de New-York lors des attentats du 11 Septembre. Tout ça pour rien, pensais-je, calculateur.

Le lendemain, le proviseur, nous convoqua, Rosie et moi dans son bureau. Il y avait aussi M. D..., le prof d'histoire-géographie. Et ce que nous dit le chef d'établissement fit augmenter ma cote auprès de Rosie (l'amour de ma vie)...

(A suivre...)

• (1) : c'était l'époque où l'on respectait les professeurs. Maintenant, pour une affaire pareille c'est l'enseignant qui doit s'excuser devant les élèves...
• (2) Machiavel :Homme politique qui n'hésite pas à employer toutes les ruses pour parvenir à ses fins.

          Le machiavélisme désigne dans le langage courant une conception de la

          politique prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les

          moyens, y compris la manipulation et la perfidie.