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Quelle tuile, cette invitation à la boum ! Ma première réaction fut de prétexter une quelconque maladie ou un diner de famille pour ne pas y aller. Il fallait donc que j'avertisse Rosie. Comment faire pour qu'elle ne se doute de rien ? Elle allait sûrement se moquer de moi derrière mon dos et là j'étais grillé à vie comme le crâne d'un espagnol chauve sous le chaud soleil des Caraïbes. Et puis comment m'habiller, comment ne pas paraître ridicule aux yeux de Lulu par exemple qui avait un look d'enfer avec son blouson noir et ses cheveux gominés. Je ne connaissais pas les règles d'une boum ; j'étais un as sur les logarithmes ou la résolution des problèmes de géométrie dans l'espace, mais un crétin de la pire espèce pour les surprises-parties. Et puis que fallait-il apporter ? Non, non, c'était trop pour moi, j'étais au bord de l'abandon, quand vendredi à 16h à la fin du cours de géographie, Rosie me dit : « on compte sur toi samedi ! » Que signifiait ce « on » ? L'incluait-il, elle aussi ? Comme un âne aux oreilles longues mais aux idées courtes (1), plus ignare qu'un escargot sans coquille, je répondis : « mais bien sûr ! ».  C'était le minimum syndical qui scella mon sort. Bon, samedi soir arriva et je me préparais à aller à cette maudite boum, vous savez comme si vous étiez obligé d'assister à une conférence sur l'élevage des vers à soie dans les fermes de Mandchourie. Je sonnais à la porte de l'appartement de Lulu, ridicule avec une bouteille de Coca-Cola et des chips. Quand elle s'ouvrit, je reçu en plein visage la chanson du Grand Orchestre du Splendid : « La salsa du démon ». Ca commençait bien ! J'avais l'impression d'entrer en milieu hostile. Il y avait de la fumée, du bruit, des rires et y avait Rosie, magnifique dans une robe assez courte et un décolleté à damner Saint Antoine de Padoue lui-même. Immédiatement je retombais amoureux d'elle. Des couples bizarres dansaient, corps collés comme des sardines dans leur boîte. Je me dis que je n'allais pas faire long feu à cette soirée, quand je sentis se poser sur moi, comme le regard de la belette sur le pauvre souriceau, le regard de Mireille, aussi dévastateur que la bombe d'Hiroshima. Elle s'avança vers moi, je reculai terrorisé jusqu'au canapé qui m'arrêta dans ma fuite éperdue. Je me retrouvais assis malgré moi et instantanément Mireille vint me rejoindre : priez pour moi, j'étais captif de la veuve noire, englué dans sa toile collante. Elle avait le regard du loup garou qui n'avait pas consommé de chair fraîche depuis une semaine...

(1) Allusion à la chanson de Johnny Halliday qui avait traité Antoine de « chanteur aux cheveux longs mais aux idées courtes ».

(2) Veuve noire : 

La veuve noire (Genre Latrodectus) est une petite araignée mais dont le nom fait peur. En effet, sa morsure peut être mortelle pour l'homme.

Parmi les 8 à 10 espèces d'araignées vraiment dangereuses pour l'homme, la veuve noire européenne (Latrodectus mactans tredecimguttatus) est la seule à fréquenter nos régions méditerranéennes.

La morsure de la femelle contient un poison à l'action neurotoxique. Extrêmement douloureux, il provoque une paralysie respiratoire qui peut entraîner la mort.

(A suivre...)