Risque d'hydrocution.
Après le déjeuner sur la terrasse du Nautic-Bar, Amanda voulut, et ça je le redoutais, aller se baigner dans un petit coin tranquille de la calanque, à l’abri des regards indiscrets.
Il était 13h30 et pour moi, pas question de me mouiller avant 16h30, une fois la digestion presque terminée. Ma mère m’avait longtemps seriné (1), dans ma jeunesse, les dangers d’une hydrocution (2) après un repas. Pour Amanda, cela ne devait être qu’une baliverne (3) de bonne femme.
Elle me conduisit, par un chemin aussi tordu qu’elle, dans une sorte d’anfractuosité de quelques mètres carrés creusée dans la paroi rocheuse. Il y avait juste de la place pour deux personnes et encore, si elles étaient étroitement enlacées. Il suffisait de se déplacer de quelques dizaines de centimètres pour entrer dans l’eau et probablement périr brutalement d’une hydrocution.
Amanda se déshabilla sans façon et se retrouva rapidement nue en me priant de l’imiter.
L’imiter ? Je n’avais pas l’âme d’un chippendale (4) !
Elle comprit ma réticence à me dévêtir devant elle et avec un air moqueur, elle me dit :
- Allez, enlevez tout sans crainte, je me retourne pour ne rien voir !
Mais mon problème à moi, était que la vision de ses seins en poires et de son pubis épilé avait déclenché une érection phénoménale. Pire encore, quand je fus totalement nu, de par l’exiguïté du lieu, mon pénis dressé se dandinait sur ses fesses rebondies.
Elle pouffa de rire et murmura :
- Je ne vois rien, mais je sens quelque chose de dur contre mon derrière !
Elle s’allongea sur les galets et me demanda de faire de même.
C’est que, à ce moment-là, je me retrouvais collé contre elle. Ses seins s’écrasaient sur ma poitrine et mon pénis devenait fou entre ses cuisses. A quel jeu jouait-elle ?
Je savais que l’eau froide ramollissait les sexes durs et arrivé à ce stade de la compétition, il ne me restait plus que deux possibilités :
la petite mort (5) ou la grande mort.
Ou pour parler plus clairement : l’éjaculation ou l’hydrocution !...
A suivre…
Notes :
1- Seriner : répéter inlassablement (quelque chose à quelqu'un) dans un but didactique.
2- Hydrocution : syncope par choc thermique consécutive à une immersion dans l'eau froide.
3- Baliverne : parole ou écrit vain et peu sérieux.
4- Les Chippendales sont une troupe de danseurs masculins faisant du strip-tease.
5- « La petite mort » : orgasme.
L'origine de cette expression remonte au XVIe siècle, à l'époque d'Ambroise Paré.
A cette époque, "la petite mort" désignait la syncope ou l'étourdissement, mais aussi et surtout les frissons nerveux.
En ce qui concerne l'évanouissement court, on peut effectivement l'assimiler à une « petite » mort, contrairement à la « grande », la vraie, la définitive.
Les heureux hommes qui ont déjà vécu ça, savent que l'orgasme provoque, de manière plus ou moins fugace, des symptômes proches de ce que désignait autrefois la locution (le « grand » frisson).
La terrasse du Nautic bar surplombait la calanque de Morgiou et nous nous installâmes à une table qui offrait une vue plongeante sur le port.
Amanda commanda aussitôt des apéritifs. Je la voyais venir de loin : elle comptait déjeuner ici et se régaler de la spécialité du coin, les poissons. Quelle horreur ! Que faire pour ne pas paraître ridicule à ses yeux ? Je n’ai jamais aimé manger du poisson et la seule fois, dans mon enfance, où ma mère me força à le faire, j’ai développé une brutale attaque d’urticaire.
En apéritif, elle prit un kir royal et moi un simple Martini rouge ; je commençais à me sentir minable devant elle.
En entrée, elle choisit des « Filets de rougets en tartines d'aubergine sur lit de ratatouille » et moi j’optais pour des « Beignets de fleurs de courgettes ». C’est à partir de là qu’elle commença à me regarder de travers.
En parfaite avocate, elle me devança pour commander ensuite une bouillabaisse (deux personnes minimum). Elle essaya ainsi de m’emprisonner dans son délire gastronomique.
Moi je fis la moue et j’eus l’impression de me trouver devant une cours d’assises, jugé pour le meurtre de quelques santons de Provence. J’eus le réflexe, vite réprimé, de lever la main droite et de jurer de dire toute la vérité. Ma vérité à moi, c’était que j’étais allergique aux poissons, ce qui torpillait de fait sa bouillabaisse pour deux personnes minimum.
Dépitée, elle se rabattit sur une « Dorade grillée de Méditerranée », tandis que j’osais commander une « Entrecôte sauce poivre vert », ce qui lui fit lever les yeux au ciel et maugréer :
- Quel con ! Manger de la viande dans un restaurant spécialisé dans le poisson… »
A partir de là, elle se mura dans un mutisme digne d’un Al Capone interrogé par le FBI dans les années quarante.
Je compris alors, malgré le Bourgogne qui commençait à saouler mes neurones, que jamais je ne parviendrai à baiser Maître Amanda Di-Stretta, avocate au barreau de Marseille.
A la fin du repas, elle se leva pour aller aux toilettes et revint dix minutes plus tard avec un petit sourire qui me remonta le moral. Elle avança son visage vers le mien, ce qui me fit sentir son haleine parfumée au dentifrice à la badiane. De toute évidence, elle s’était lavé les dents, ce que j’appréciais beaucoup. Elle me dit en riant:
- Je ne suis pas une morue ! Heureusement, car vous n’aimez pas les poissons ! Je ne vais quand même pas vous sucer avec une bouche qui a mangé une daurade.
Je ne savais plus quoi répondre à cette femme qui m’annonçait la suite du programme.
- Il fait chaud, on va aller dans un petit coin tranquille pour se baigner !
J’en avais assez de recevoir des tuiles sur la tête.
- Se baigner ? Mais je n’ai pas de maillot ! dis-je en pensant bien qu’elle allait se lasser de moi.
Elle me regarda comme si j’étais un poète du Moyen-Age.
- Moi aussi, je n’ai pas de maillot ! On se baignera tout nu !
Elle me fit penser à une mante religieuse nymphomane, ce qui n’est pas peu dire. Je me gardais bien de lui révéler la deuxième raison de mon hésitation : ma mère m’avait élevé avec le précepte (1) rédhibitoire (2) qu’on ne pouvait pas se baigner avant trois heures après la fin d’un repas. Et sans réfléchir, je lui avais toujours obéi.
Il était treize trente et j’essayais d’imaginer un stratagème pour ne pas nous baigner avant seize heures trente…
A suivre…
Notes :
1- Précepte : formule qui exprime une règle ou un enseignement à
suivre.
2- Rédhibitoire : qui constitue un obstacle infranchissable ou radical.
Le chemin qui conduit de l'enfer au paradis:
A: la prison des Baumettes.
B: la calanque de Morgiou
Comment passer de l'enfer au paradis...
« Passer de l’enfer au paradis… »
Mais que voulait-elle dire par là ?
J’avais bien une petite idée en tête, mais j’étais épouvanté par l’audace de cette femme qui me connaissait à peine. Je pensais qu’elle voulait me conduire dans un endroit tranquille, pour me sucer peut-être ?
- On prend ma voiture, me dit-elle, c’est un peu loin, mais c’est tellement romantique !
Effectivement, sa BMW noire emprunta une trajectoire que je n’arrivais pas à décoder. J’étais assis à côté d’elle et je scrutais bien la route pour éviter de regarder ses cuisses largement découvertes par sa jupe qui remontait au-delà de la décence. Je connaissais mes réactions hormonales et je craignais sentir pousser un levier de vitesses entre mes jambes.
Elle conduisait vite sur un mauvais asphalte et les amortisseurs de sa voiture allemande, durs comme Madame Merckel, avaient du mal à absorber les soubresauts de ses roues motrices.
Elle parlait beaucoup en tournant fréquemment son visage vers moi.
Moi, je restais muet comme une carpe enrouée et je me demandais finalement si Amanda n’était pas une « serial-killer ». Au-dessus de mes genoux, je tentais d’imaginer ce qu’il pouvait y avoir dans sa boîte à gants soigneusement fermée, un revolver 357. Magnum, certainement ou peut-être des préservatifs.
L’affaire s’engageait mal ! Je pensais à sa phrase « … passer de l’enfer au paradis… », cela ne voulait-il pas dire mourir tout simplement ? J’en oubliais la fellation que j’avais espérée dans un petit chemin perdu à l’abri des regards.
La route devenait de plus en plus cahoteuse et mon destin toujours un peu plus chaotique…
Le deuxième levier de vitesses qui avait poussé entre mes jambes s’était transformé en caramel mou oublié au soleil.
Devinant mon angoisse existentielle, Amanda déclara :
- On arrive, on arrive ! Heureusement, car je meurs de soif !
Amanda, elle aussi, serait-elle une buveuse de sperme ?
Mon moral regagna quelques degrés et mon caramel mou se transforma bien malgré moi en nougat de Montélimar, bien dur.
Après un dernier virage sur la droite, Amanda freina brutalement et me dit :
- Vite on descend ! On fera le reste du chemin à pieds !
Nous étions partis de l’enfer, la prison des Baumettes :
Une cellule à la prison des Baumettes.
Et nous arrivâmes au paradis : la calanque de Morgiou :
L’avocate n’avait donc pas menti et me saisissant la main, elle me guida vers le Nautic bar dont la terrasse offrait une magnifique vue sur la plage et le petit port.
- On pourra boire un verre et même diner si ça vous chante ! Ils servent ici d'excellents poissons !
La tuile ! Les poissons et les fruits de mer me refilaient de l'urticaire !
A suivre…
Marina dans sa cellule aux Baumettes...
Maître Amanda Di-Stretta s’éclipsa lorsque je fus en face de Marina.
Ce parloir ressemblait à un aquarium coloré et agité par une houle sonore. J’étais vraiment gêné de me trouver près de cette femme avec laquelle j’avais eu des relations un peu compliquées.
Que dire à part des banalités ? Le sourire triste de Marina fit accourir dans ma tête ce sentiment d’empathie (1) qui empoisonnait régulièrement ma vie et il suffisait que je fermasse un instant les yeux pour me projeter dans le corps de mon ex-collègue, pour prendre sa place en prison et ressentir toute sa détresse.
Marina reprit des couleurs d’innocence quand elle affirma haut et fort qu’elle n’avait pas assassiné son mari. Je la laissais parler et je me gardais bien de lui révéler que j’étais l’instigateur du test ADN qui avait été effectué sur Victor, le squelette de son labo.
Moi, à quatre-vingt-dix-neuf pour cent, j’étais convaincu de sa culpabilité et pour alimenter notre discussion, je lui demandais comment elle justifiait la présence du squelette de son époux sur son lieu de travail. Marina contestait, malgré les tests ADN effectués, que ce tas d’os fût celui de Victor. Elle me dit même, avec force :
- C’est mon mari, qui m’a offert ce squelette pour mon anniversaire !
Là, je crus même qu’elle voguait sur la mer des délires.
Elle ajouta :
- Les squelettes réels sont hors de prix et les SVT n’avaient pas assez de crédits pour effectuer cet achat. Un matin, en entrant dans mon labo, je vis un grand paquet cadeau enveloppé dans du papier métallisé rouge que j’ouvris bien vite : il contenait Victor, le squelette.
Je regardais Marina dans les yeux entourés de cernes qui la vieillissait beaucoup et je m’aperçus que ses pupilles étaient un peu dilatées comme celles de certains élèves qui entraient en classe après un arrêt prolongé dans les toilettes. De toute évidence, elle avait fumé une substance destructrice de neurones.
Devant ma mine aussi dubitative que celle d’un moine défroqué, Marina continua :
- Avec l’aide du concierge du collège, à qui il avait offert une bouteille de whisky, mon époux, la veille, vers minuit, pour me faire une surprise, avait déposé le squelette dans mon labo.
Elle voulut continuer, mais une matonne survint pour annoncer la fin de la visite.
En quittant Marina, j’avais l’impression d’abandonner un fétu de paille dans un brasero argentin et je me dis qu’il fallait que je fisse quelque chose pour elle.
A la sortie du parloir, maître Amanda Di-Stretta m’attendait. Elle m’aida à regagner le chemin de Morgiou, car on lui avait dit que je n’avais aucun sens de l’orientation. La pauvre Marina veillait sur moi à distance.
Je voulais vite quitter Marseille et sa célèbre prison des Baumettes et, après avoir remercié l’avocate, je commençais à me diriger vers ma voiture située à quelques centaines de mètres. J’invoquais Saint-Christophe (2), car je craignais de ne plus retrouver mon véhicule, volé certainement, ou du moins de découvrir ses quatre pneus crevés.
Amanda, me retint en serrant mon avant-bras, ce qui commençait à devenir une habitude chez elle. Elle s’approcha de moi plus que nécessaire, comme pour me phagocyter (3) dans une vacuole de volupté parfumée. Mon érection renaquit de plus belle !
- Mais vous êtes si pressé de partir ? me dit-elle.
- Oui, ce lieu ressemble à un enfer !
Son haleine dégageait un arôme de dentifrice à la badiane. J’étais presque fichu, éperdu, comme écrasé par un rouleau compresseur sur les routes glacées de Sibérie Orientale.
- Vous ne trouvez pas que dans cette prison de femmes, il y règne une tension sexuelle insoutenable ? Il se dégage de chaque détenue frustrée des halos de désirs insatisfaits. Moi, chaque fois, ça me rend toute chose et vous ?
J’étais dans le viseur de sa kalachnikov et elle me mettait en joue, prête à m’abattre pour satisfaire ses pulsions sexuelles. Mon cerveau immigra dans mon sexe aussi dur et dressé qu’un sabre napoléonien.
Elle se colla presqu’à mon corps et me murmura :
- Venez donc avec moi, je vais vous apprendre comment passer de l’enfer au paradis…
A suivre…
Notes :
1- Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui et de comprendre ses sentiments et ses émotions
2- Le prénom « Christophe » vient du grec « Christophoros », signifiant « celui qui porte le Christ ».
La légende raconte qu'un géant, alors appelé « Réprouvé' », aida le Christ à traverser une rivière.
Réprouvé fut donc « rebaptisé » Christophe, celui qui porta Jésus.
Ainsi, Saint Christophe devint le patron des voyageurs, pour les protéger dans leurs expéditions, et aujourd'hui Saint Christophe est le patron des voyageurs modernes : les automobilistes !
3- Phagocyter : détruire par un processus d'absorption et de digestion (des particules ou des micro-organismes étrangers).
1. anaflore le 08-03-2016 à 09:30:07 (site)
rencontre épisodique sur ton roman j'ai une préférence pour lire un livre
bonne continuation bon mardi
La prison des Baumettes à Marseille.
J’avais donc décidé d’aller voir Marina aux Baumettes, juste pour lui remonter le moral et me laisser bercer par la nostalgie de nos bons moments passés ensemble.
Et ce jour tant redouté arriva sans que je m’en rende bien compte. En vérité Marseille me faisait un peu peur et les médias en rajoutaient une couche quant à la dangerosité de cette ville. Pourtant j’y avais fait mes études à la faculté des sciences Saint-Charles sans problèmes, mais c’était il y a longtemps.
Comment dénicher le chemin de Morgiou où se trouvait la prison ? Heureusement que le GPS existait.
Je me rasais de près ce matin-là, me parfumais légèrement avec « Habit rouge » de Guerlain, juste pour faire craquer les taulardes que j’allais côtoyer dans le parloir.
Et un peu craintif je me lançais à l’aventure.
Arrivé à Marseille, je devais trouver le boulevard Michelet, puis prendre à droite le boulevard de la Concorde et enfin tourner à gauche pour aboutir au chemin de Morgiou. La prison était située au numéro 239.
Je ne sais pas si je me faisais du cinéma, mais ce chemin avait une mine patibulaire et les rares passants que je croisais, avaient le physique de bandits de grand chemin. Dans ces conditions, je me dis qu’il était prudent de garer mon « Alfa Roméo », loin, mais vraiment très loin de la prison. Je fis le reste du parcours à pieds en serrant fortement ma petite sacoche contre moi
Arrivé à cinquante mètres de la prison, je vis une femme qui faisait les cents pas devant le portail.
- Mais on trouve des putes partout, me dis-je en réfléchissant bien à l’attitude que je devais adopter dans le cas d’une offre de service tarifiée.
Quand la fille me vit, elle s’avança vers moi en remuant des hanches.
- Je suis fichu ! pensais-je. Je vais devoir repousser ses avances.
Lorsque mes myopie-presbytie-astigmatisme me permirent de distinguer son visage, je me dis qu’elle devait avoir la quarantaine, cette pute. Elle était jolie et souriante et déjà je commençais à oublier, les raisons de ma présence ici.
Quand elle fut à portée de parfum, mon nez exercé put capter les molécules odorantes. Alors elle me tendit la main et se présenta :
- Bonjour, je suis maître Amanda Di-Sretta et vous c’est Alain n’est-ce pas ?
Zut j’avais pris l’avocate pour une pute !
J’étais plutôt gêné comme si elle pouvait lire dans mes pensées. Elle avait la même voix qu’au téléphone et en plus je pouvais contempler ses lèvres charnues que j’imaginais agir comme un aspirateur.
C’est alors que j’eus une double érection que ma braguette eut toutes les peines du monde à contenir.
Amanda me regardait avec un sourire moqueur qui me déstabilisait plus qu’une kalachnikov (1) pointée dans mon dos.
Elle se pencha vers moi, dans un contact presque épidermique, ce qui me fit glisser inexorablement sur une planche savonneuse. Elle murmura, avec une tête de comploteuse :
- Marina a insisté pour je vienne vous chercher à l’entrée et vous conduire au parloir. Il paraît que vous n’êtes pas très débrouillard…
Pas très débrouillard moi ? Et si ce n’était qu’une feinte attitude pour séduire les femmes, pour leur donner de l’importance et leur permettre d’exercer ce qui les fait le plus vibrer : leur instinct maternel.
Elle me saisit par l’avant-bras et me guida, comme si j’étais un petit enfant, vers le parloir, parmi les allées et venues des familles apparemment pauvres et perdues, porteuses de sacs en plastique qui contenaient certainement des friandises pour les malheureuses détenues.
Et moi, pendant tout le trajet vers le parloir, mais dois-je le confesser, la main de l’avocate, qui me serrait l’avant-bras, me procurait des sensations inavouables…
A suivre…
Notes :
1- Kalachnikov : fusil d'assaut soviétique muni d'un chargeur à trente cartouches, qui permet de mitrailler.
Ciel, j'ai encore maigri !
Les nuits, ce sont des loups,
Qui rôdent autour du lit.
On n’ose plus bouger,
On transpire, on a peur…
- Encore maigri ! Et zut ! dis-je en poussant sous mon lit la balance électronique qui en trembla jusque dans ses circuits intimes.
Il faisait chaud malgré l’heure matinale et mon lit ressemblait de plus en plus à un radeau disloqué dont la voile, en boule, ne jouait plus son rôle.
Quelle nuit !
Une nuit longue comme un lombric radioactif et mutant, un voyage dans le temps, dans un sauna encore plus chaud que l’enfer. J’imaginais l’image de mon corps et de ma tête dans une exposition de monstres d’un cirque mongolien au bord de la faillite.
Je portais un pyjama court, rayé bleu et blanc, froissé comme le visage angoissé d’un centenaire. Le tissu, un coton qui provenait d’on ne sait où, je crois bien du Bangladesh, collait à ma peau largement humectée des sueurs de l’été. Il fut un temps où j’avais envisagé de faire installer la climatisation dans mon appartement. Une idée qui s’était perdue dans les limbes de ma paresse.
Je me dirigeais vers le bar, ma cuisine en fait, pour essayer de me préparer un café fort comme un haltérophile casaque bien chargé en testostérones. Heureusement, le paquet d’arabica n’était point vide et dégagea, quand je l’ouvris, des arômes attendrissants. Je trouvais sieur Malongo bien sympathique. Je remplis une casserole en acier inoxydable, avec de l’eau et plaçais le tout sur ma plaque à induction thermostat 12. L’ébullition ne se pressa pas et j’eus tout le temps de contempler les parois métalliques recouvertes de calcaire blanc accumulé au fil des matins peu glorieux. Quand le café fut prêt, je me forçais à manger quelques biscuits Belvita au miel et aux pépites en chocolat. Juste pour tenir le coup.
Vers sept heures du matin, après la toilette, j’étais d’attaque pour effectuer un travail harassant : vivre !
C’est à ce moment-là que dans mon cerveau, commencèrent à se coaguler des images de Marina dans un désordre chronologique. Elle était incarcérée aux Baumettes, la pauvre, dans la prison de femmes de Marseille, pour l’assassinat de Victor, son mari.
A dix heures, le téléphone se manifesta et me tira d’un engourdissement neuronal inquiétant. C’était maître Amanda Di-Stretta, l’avocate de Marina qui me communiqua les informations nécessaires que je devais connaître pour aller rendre visite à ma pauvre collègue emprisonnée.
La prison des Baumettes était située au 239 chemin de Morgiou.
Quand maître Amanda Di-Stretta raccrocha, un sentiment de panique envahit mon cerveau.
Aller à Marseille en voiture me semblait une mission impossible et trouver le chemin de Morgiou, une incongruité angoissante.
Comment faire ?
Peu à peu, naquirent en moi des idées d’abandon et d’oubli et je me demandai si Marina avait vraiment envie de me voir.
A 11h je pris la décision irrévocable de ne pas bouger et de rester chez moi.
Vers 11h15, le souvenir de la voix de maître Amanda Di-Stretta provoqua en moi une érection incompréhensible.
Un quart d’heure plus tard, je décidais, dans un souci d’humanité, d’aller rendre visite à Marina, ma collègue de SVT agrégée de nymphomanie chronique…
A suivre…
L'avocate de marina.
Chez moi, je ne pus m’empêcher de penser à Sonata et comme un ado amoureux, je me mis à attendre son appel.
Attendre un coup de téléphone, fait grossir le temps qui passe, à coup sûr. Le cerveau semble subir la torture des mâchoires en acier d’un étau diabolique. Les heures se diluent et s’étalent à l’infini comme de l’huile sur l’eau tranquille d’un lac. La nuit, on se met à croire aux sorcières et aux sorts maléfiques qu’elles nous jettent. Allez donc comprendre ce qu’elles mijotent dans leur crâne !
Alors, au petit matin, pour ne point trop souffrir, on abandonne.
Un après-midi, quand le soleil brillait si fort que la sueur sur la peau nue des bras s’évaporait instantanément, le téléphone grésilla comme le chant désespéré des cigales devenues folles sur les branches des arbres assoiffés. J’étais dans un état de doute profond sur la nécessité de vivre ou de survivre et je lisais, avec une attention toute gluante, un essai de Cioran (1) intitulé « De l'inconvénient d'être né (2) ». Cioran, disparu à jamais maintenant et qui aurait voulu ne point naître. Ah comme je le comprenais, ce philosophe d’origine roumaine qui haïssait le genre humain.
Ma tentation à moi, c’était de ne pas décrocher, de rester seul dans ma bulle qui se recroquevillait sur elle-même.
Mais la sonnerie, têtue comme une mule, insistait. Alors, pour mettre fin à cette agression auditive, je décrochais avec la sensation qu’éprouve un alpiniste tombant dans un gouffre.
- Allo, dis-je comme un noyé qui réclame une bouée.
- Bonjour, c’est maître Amanda Di-Stretta, l’avocate de Marina X….
- C’est pour quoi, murmurais-je sans énergie.
- Ma cliente Marina X… désire absolument vous voir.
Je croyais en avoir fini avec cette affaire. Je voulais l’oublier, moi, Marina la suceuse du labo de SVT. Pourtant je savais bien, que dans sa chair, devaient bien se trouver quelques milliards de mes atomes, résultats de la déglutition de mon sperme et de sa digestion.
L’avocate avait quand même une jolie voix et à vue d’oreille, j’estimais son âge à 42 ans. Comme aurait pu dire le renard dans la fable (3), si son plumage ressemblait à son ramage, elle devait être jolie et sexy. Allons cessons de rêver, elle était peut-être aussi laide que Mlle Papona, la vieille fille, prof de lettres classiques, qui habitait dans mon immeuble. Sans photo, on ne peut rien dire !
L’avocate, pour me convaincre, me décrivit l’état psychologique épouvantable de Marina, incarcérée à la prison des Baumettes à Marseille.
Un bref instant, je me sentis redevenir presqu’humain et aussi tendre qu’un filet de bœuf charolais. Je ne pouvais oublier les sensations de mon concombre turgescent massé par sa langue jusqu’à ce qu’il projetât, dans sa bouche, une liqueur biologique chaude et gluante. Alors, mon bon-cœur naturel reprit le dessus et la nostalgie aidant, je répondis :
- Je suis d’accord Maître, expliquez-moi ce que je dois faire.
L’avocate me dit qu’elle me recontactera dans quelques jours.
Maître Amanda Di-Stretta était satisfaite et moi aussi, car j’allais voir la tête qu’elle avait.
Que voulez-vous, on ne se refait pas…
A suivre…
Notes :
1- Cioran.
Emil Michel Cioran est né en 1911 à Rasinari, en Transylvanie.
Son premier livre paraît en 1934 et le titre révèle déjà le programme de toute une vie : Sur les cimes du désespoir. Il s’installe à Paris en 1947 et décide alors, pour se libérer de son passé, de ne plus écrire qu’en français, renonçant définitivement à sa langue maternelle.
A Paris Cioran mène une vie studieuse, solitaire et nocturne.
Son œuvre, essentiellement composée de recueils d’aphorismes, marquée par l’ascétisme et l’humour, connaît un succès grandissant : «J’ai connu toutes les formes de déchéance, y compris le succès. »
Toute son œuvre tend vers la recherche, lucide et désespérée, du sens de la vie et de ce qui caractérise l’humanité. Son essai préféré demeurera De l’inconvénient d’être né.
Son dernier livre, Aveux et anathèmes, est publié en 1987. Au début des années 1990 il en a assez « d’insulter Dieu et son monde » et ne sent plus le besoin d’écrire, ce qu’il accepte comme une récompense de son travail. Il meurt à Paris le 21 juin 1995 à l’âge de 84 ans.
2- De l’inconvénient d’être né.
« Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace - ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant. Mieux encore que dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la naissance… »
3- Le corbeau et le renard.
Commentaires
1. la piote le 29-03-2016 à 11:10:47 (site)
Hello vous
J avoue la baignade c est pason piot truk
Mais avec une jolie fin comme ça...
Elle pourrait devenir un de mes loisirs
AU LE DIEUX M PARDONNE !!!!
A ton habitude l ami des Mots,
Un sublima ECRIT... Bravo & merci.
Bonne semaine a toi
Et au bon piot plaisir de te relir.
Bosoux de mpi.