posté le 27-11-2012 à 08:05:11

Grasse (12).

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Je me retrouvais avec Monsieur et Madame Coqualo, Aldo, Marco et Pipo. Ces trois derniers étaient apparemment aussi gênés que moi. Peut-être parce-que j’étais prof ?

Aldo se jeta à l’eau le premier et me dit : « tu travailles où exactement ? » Mais qu’avait-il à me tutoyer celui-là ? Je voulais répondre « euh… » comme d’habitude, mais je me forçais à faire une longue phrase : « Et vous ? » Et pan, c’était pour lui montrer que je voulais qu’il me vouvoie. Il ne répondit pas ; il regarda juste ses copains avec un air fautif.

Autour de nous, la température commençait à augmenter et Monsieur Coqualo alla chercher des boissons. Sa femme s’adressa aux trois compères pour justifier un peu mon attitude déroutante. « Vous savez, il faut être compréhensif, c’est la première fois qu’il vient ici ! » Et s’adressant directement à moi, elle débita des niaiseries dignes d’une élève de SEGPA* du genre « C’est le premier pas qui est le plus difficile » et aussi, en regardant le bas-ventre de Pipo « quand vous y aurez goûté, vous ne pourrez plus vous en passer !» Mais de quoi parlait-elle cette folle ? Moi, goûter à une chenille gluante ? Elle regarda sa montre et dit « bon, je m’en vais mes zoulous et amusez-vous bien !» Ah, les zoulous sont tous homos ? Elle nous tourna le dos et se dirigea vers la sortie. J’étais encore assez lucide pour regarder ses fesses que je comparais mentalement à celles de Lola, la meuf de paulo et je dis à haute voix « Ya pas photo ! » Les trois Zouaves ne comprirent pas, mais pouvaient-il comprendre quelque chose, focalisés comme ils étaient, sur mon anatomie.

Monsieur Coqualo revint avec un plateau et cinq verres de Vodka remplis à ras bord. Il m’en tendit un avec le secret espoir de me décomplexer. Le pauvre, il ignorait que je ne supportais pas l’alcool et qu’au service militaire un demi-verre de Calvados me conduisit presque au coma éthylique.

Bon, avant de me sauver et par pure curiosité intellectuelle, je pensais que c’était le moment et l’endroit pour poser certaines questions du genre « dans un couple homo, les rôles sont-ils bien définis ? C’est-à-dire que l’actif est toujours actif et que le passif est toujours passif ? » J’osais, à haute voix, formuler ma demande. Monsieur Coqualo se mit à rire et me dit « ah, il va falloir refaire toute votre éducation ».  Aldo, Marco et Pipo gloussaient en sirotant leur vodka.

« Soyons clairs » me dit-il, « il y a les hétéros comme vous (pour le moment) et il y a les homos comme nous. Et parmi les homos il y a les « bi » et les « tri » ! » Je sursautais, «  les tri ? » dis-je, étonné. Monsieur Coqualo se pencha vers moi pour m’expliquer à voix basse ce qu’étaient les « tri ». Et il en profita pour introduire sa langue baveuse dans mon oreille. Comment réagir à cette agression ? Je n’étais pas du genre à faire un scandale. La seule solution c’était la fuite et en me contrôlant, je demandais où se trouvaient les toilettes. Monsieur Coqualo m’expliqua en tendant son bras : « vous voyez, là-bas, c’est à droite du panier de préservatifs. Et profitez-en pour vous servir au passage ». Puis il me tourna le dos et s’occupa des autres invités.

Moi, je savais où était la sortie et une fois dehors, je me mis à courir, courir, courir et un mois plus tard, je courais encore… !

                                                                                                A suivre.

 

* SEGPA : sections d'enseignement général et professionnel adapté.

Au collège, elles  accueillent des élèves présentant des difficultés d'apprentissage graves et durables. Ils ne maîtrisent pas toutes les connaissances et compétences attendues à la fin de l'école primaire.                         

                                                                                                                                     

 


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posté le 23-11-2012 à 10:21:35

Grasse (11).

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Et le lundi arriva ! Une journée à marquer d’une pierre blanche…

J’avais donc décidé de me rendre à l’invitation de Monsieur Coqualo. La salle des sports, rue des remparts, était située à dix minutes, à pieds, de mon immeuble. C’était pratique, je n’avais pas à prendre ma voiture. Je m’habillais sobrement en évitant surtout de mettre une chemise rose ou mauve cachou, que je n’avais pas d’ailleurs.

A dix-neuf heures précises, j’entrai dans la salle, déjà bruyante. J’étais aussi perdu que le Petit Poucet sans ses cailloux. Ça commençait mal, sur une petite table, j’aperçus un panier en osier rempli de préservatifs. « Cela va finir en partouze, je le sens » pensais-je, inquiet comme un calmar manchot. Et ni une, ni deux, j’entrepris une rotation de cent quatre-vingts degrés, pour fuir ce lieu de débauche.

Presque dehors, je sentis une main virile serrer fortement mon avant-bras pour me retenir. En me retournant, je vis une femme qui me souriait : c’était Madame Coqualo ! Elle devait avoir la cinquantaine, encore bien conservée pour son âge. Mon regard fut tout de suite attiré par sa grosse poitrine. Encore lucide, je pensais : « ses seins doivent être aussi mous que les fesses de Josiane Balasko ».  Elle me regardait, accueillante comme un boucher qui reçoit un agneau vivant… « Bienvenue, vous devez être notre voisin prof. Mon mari m’a beaucoup parlé de vous » ! Quand je vis ses dents entre ses lèvres pulpeuses, des dents acérées comme celle d’une louve, je me dis : « oh là là, les gâteries de Madame Coqualo, c’est la castration assurée ! Ça explique pourquoi son mari fait son coming out !»

Madame Coqualo poursuivait son monologue : « je suis la seule femme ici, mais ne vous inquiétez pas, je vais bientôt partir ! » Moi inquiet ? Au contraire, sa présence me rassurait comme une bouée dans une mer déchaînée. Elle poursuivit, en riant : « je vais vous laisser entre hommes » ! Entre hommes ? Façon de parler… !

Monsieur Coqualo arriva tout sourire et me dit, en me désignant trois gaillards musclés qui frétillaient comme des truites parkinsoniennes : « Mon cher ami, je vais vous présenter Aldo, Marco et Pipo qui meurent d’envie de vous connaître » !

Mon sort était scellé. La toile d’araignée se refermait sur moi…

A suivre

 


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posté le 19-11-2012 à 10:12:00

Grasse (10).

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Les visites de Lola, la meuf de Paulo, se faisaient rares. La pauvre, à cause de certains copropriétaires grincheux, ne pouvait plus rendre visite à son « amoureux » aussi souvent qu’avant. Cette situation me chagrinait et j’imaginais le malheureux prisonnier pratiquement privé de cigarettes.

Plusieurs idées farfelues naquirent dans mon cerveau fertile, du genre écrire une pétition pour demander de laisser tranquille Lola. Elle accomplissait une œuvre sociale après tout et dans ce monde violent, on devait faire preuve d’un minimum d’humanité. Voilà ce que je pensais. Mais mon subconscient, lui, n’en avait rien à faire de ces considérations chrétiennes. La vérité, c’est que la vision des fesses et des cuisses de Lola, me manquait.

Au lycée, dans la salle des profs, mes collègues femmes, toutes en pantalon, ne m’incitaient pas à la bagatelle… La prof de philo, m’offrait bien un café de temps en temps, mais quand elle s’asseyait près de moi, je ne ressentais pas ce frisson d’un autre monde qui m’envahissait quand je voyais Lola. La prof d’anglais était sympa aussi, mais elle avait les yeux globuleux et j’étais sûr qu’elle était presque vierge.

Parfois, quand Lola n’était pas dans la coursive et que j’entendais les cris des prisonniers dans la cour, j’y jetais un coup d’œil et immanquablement j’apercevais le pauvre Paulo, les yeux dirigés vers le haut en espérant voir sa meuf et surtout son entrecuisse dépourvue de culotte. Lola pensait qu’il l’attendait surtout pour les cigarettes, alors que lui se nourrissait de la vision de son « trésor » peu caché.

Le jour de l’apéritif de Monsieur Coqualo approchait et je me souvins de l’enveloppe que j’avais glissée dans une des poches de ma veste. En la décachetant, voilà ce que je découvris :

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Coming Out: Annonce publique de ses orientations homosexuelles.

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Dans quel guêpier m’étais-je fourré ? Tout de suite, je décidai que je n’irai pas à cette invitation. Et pourtant, je l’avais promis à Monsieur Coqualo.

Toute la nuit qui suivit, mon sommeil se fit aussi rare que les cheveux sur le crâne de Yul Brynner*. Et je disais à haute voix (heureusement que j’étais seul dans mon lit) :

- Je n’irai pas !

Et puis:

- J’irai ! 

Et ensuite:

- Je n’irai pas !

C’était la valse-hésitation de Yohan Strauss (pas Kahn bien sûr). A la fin de ma pseudo-nuit, après une lutte acharnée entre le  yin et le yang, je décidai d’y aller et à haute voix je déclarais, comme pour me rassurer :

- Mais je ne risque rien après tout ! 

La suite prouva le contraire. J’avais parlé trop vite !...

A suivre.

         * Yul Brynner ou Brunner

Acteur né le 11 juillet 1920 à Vladivostok

Décédé le 10 octobre 1985 à New York

Juli Borisovitch Bryner alias Yul Brynner, est un acteur américain d'origine suisse, mongole et russe.

Mondialement connu pour avoir campé le rôle du Roi dans "Le Roi et moi" en 1956, ainsi que "Les Sept Mercenaires" de John Sturges en 1960, l'acteur a au fil des années accumulé les rôles dans les films d'action. Son dernier film aura été "Les Rescapés du futur" en 1976. Ses talents d'acteur et le mystère autour de ses origines lui ont permis d'atteindre la célébrité et d'être immortalisé avec son étoile sur le Hollywood Walk of Fame.

 


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posté le 15-11-2012 à 08:12:58

Grasse (9).

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Je sentais que je m’étais fait un ennemi de plus dans cet immeuble. Que voulez-vous, Monsieur Coqualo était unanimement apprécié par tous les copropriétaires avec sa langue de « pute ». Je voyais quand même, qu’il essayait de garder son calme. Il me fit un demi-sourire et me dit : « mais laissez-moi vous répéter que j’ai vu Mademoiselle Lola (tiens il connaissait son prénom ?), quitter précipitamment l’immeuble, tandis que Monsieur Laderovitch sortait du local à poubelles en refermant sa braguette ! » Ca, je le savais déjà : il y a le comique de répétition et puis il y a les répétitions de Monsieur Coqualo qui croit convaincre en répétant la même chose. Bon, il était temps que je lui dise mon deuxième argument : « Voyez-vous, Monsieur Coqualo, il se fait, et j’espère que vous n’allez pas le prendre mal, que j’ai vu plusieurs fois Monsieur Laderovitch, uriner dans le local à poubelles, alors ça explique tout ! » Je crus à ce moment-là, que mon voisin allait attraper une attaque d’apoplexie. Rouge comme une pivoine timide, son visage avait la peau aussi tendue que celle de nos belles tomates de Provence. J’ai vite regretté ma révélation et déjà je me voyais appeler le SAMU…Mais monsieur Coqualo se calma rapidement, allez savoir pourquoi. Peut-être, qu’il méditait une vengeance contre ce pauvre  Monsieur Laderovitch ?

Je déteste, les conflits de voisinage et je n’aime pas m’intégrer dans la vie sociale de l’immeuble. Monsieur Coqualo se radoucit et me tendit la main, aussi molle que les kiwis de fin de saison. « Voyez-vous –me dit-il-, pour vous montrer ma bonne volonté, je vous invite à un apéritif que j’organise la semaine prochaine ». Mon sang prit soudain la consistance de la gelée de groseille sortant du réfrigérateur. J’avais un peu mal à la tête, mais comment refuser ? J’allais dire non quand même, mais Monsieur Coqualo, avec un sourire hypocrite, ajouta : « Vous viendrez n’est-ce pas ? Il y aura aussi ma femme, vous verrez, elle est sympa. »

Monsieur Coqualo était donc marié et avec une femme en plus ! Ouf, je l’avais mal jugé, avec sa chemise rose… Et donc, malgré moi, j’acceptais sa proposition. Il me tendit une petite enveloppe et me dit : « il y a un carton d’invitation à l’intérieur. » Négligemment,  je rangeais, sans l’ouvrir, l’enveloppe dans la poche de ma veste. Et je répétais à Monsieur Coqualo : « vous pouvez compter sur moi ! »

Je venais de commettre une erreur irréparable : j’aurais dû ouvrir l’enveloppe avant d’accepter l’invitation… !

A suivre

 


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posté le 11-11-2012 à 07:39:39

Grasse (8).

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Dans l’ascenseur exigu, Monsieur Coqualo me serrait de près. Il était parfumé en plus, je crois bien avec « Habit rouge » de Guerlain. Moi, inquiet, je ne voyais que le col rose de sa chemise. On arriva au rez-de-chaussée, je voulais fuir, mais il me retint par le bras.  Que me voulait-il encore celui-là ? Et pourquoi me touchait-il comme ça ? Je prétextais que j’étais déjà en retard, mais Monsieur Coqualo était têtu comme une tortue des îles Galápagos.

- Suivez-moi, me dit-il, je vais tout vous expliquer ! 

Et il m’entraîna vers le local à poubelles.

A ce moment, je prenais conscience de ce que devaient supporter les femmes victimes d’harcèlements sexuels. J’aurais dû être ferme et refuser absolument de le suivre. Mais je suis comme ça moi, je ne voulais pas le vexer. Je pensais:

- S’il me met la main aux fesses, je lui donne une gifle ou plutôt un coup de poing, c’est plus viril ça ! 

Le local à poubelles sentait les ordures et Monsieur Coqualo, « Habit rouge ». Mon nez de chimiste était soumis à rude épreuve. Je n’aime pas respirer cet air odorant qui plane dans ces endroits. J’ai l’impression que j’ingurgite des bactéries de toutes sortes.

- Voilà, ça s’est passé là, me dit-il.

Il avait le regard féroce d’un loup des steppes de l’Asie Centrale. Il continua, en se rapprochant de moi:

- La fille a dû faire une fellation à Monsieur Laderovitch, en échange du code d’entrée de l’immeuble!

Il était si sûr de lui que je commençais à le croire. Tout comme je croyais les élèves qui me juraient qu’ils ne copiaient pas quand je les surprenais avec une antisèche sur leurs genoux au cours d’un contrôle. Le parfum « suave » de ce local devait certainement troubler mes sens. Mais quoi, et si Monsieur Laderovitch était innocent ?

Je pris mon courage à deux mains, je regardai Monsieur Coqualo droit dans les yeux, des yeux de crocodile pervers et je lui dis :

- Mais vous avez des preuves ? 

Il ne s’attendait pas à ma réplique. Il bafouilla je ne sais quoi. Il était rouge, tout congestionné et je commençais à m’inquiéter pour ma vertu. Il me raconta ce qu’il avait dit à Mademoiselle Belœil et je pensais que je préférais subir mille fois les assauts de cette vieille fille plutôt que ceux de ce Monsieur, pas tout à fait Monsieur… Il essaya de se reprendre, il se racla la gorge et me dit :

- Je n’ai pas assisté à la scène, mais ça ne peut être que lui ! 

J’avais gardé deux arguments massues dans un recoin de mon lobe frontal. Je lui criai presque le premier :

- Mais vous savez comme moi que Monsieur Laderovitch est atteint de la maladie d’Alzheimer et comment voulez-vous qu’il se souvienne du code ? 

Monsieur Coqualo blêmit dans la lumière blafarde de cet oasis malodorant. Il tenait bon, le bougre, résistant comme une pieuvre-haltérophile. Il était en colère, je crois qu’il n’avait plus l’intention de me draguer. Il fulmina : 

- Et votre deuxième argument c’est quoi ? …

 

                                                                                                                              A suivre

 

 

 


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1. Hélios  le 13-11-2012 à 10:29:09

Comment ça se fait,que vous ne plublier
plus les commentaires,vos fans ne doivent
pas étre contentE

2. impression  le 14-11-2012 à 11:02:10  (site)

contente de pouvoir écrire un commentaire pour te dire que j'adore lire cette aventure made in Grasse. Un vrai talent d'ecrivain ce prof de science.
Biz

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