posté le 07-01-2014 à 07:04:28

Grasse (69).

 

 Monsieur Ladérovitch...

 

Dans le local aux deux-roues, assis sur le sol, le crâne appuyé sur une roue du vélo de course de Monsieur Gédebras, le manchot, Monsieur Ladérovitch, assommé  par des neuroleptiques, dormait en émettant un ronflement de moteur de moto bientôt en panne d’essence. Je regardais cet homme dépourvu de mémoire et je me demandais si cela valait vraiment la peine de lui montrer la photo de Lola afin d’obtenir des micros informations sur son enlèvement par le gang des parfumeurs grassois.

Il fallait que je fisse vite, car de l’autre côté de la porte j’entendais les va-et-vient des différents habitants de l’immeuble. Je posais, avec infiniment de précautions, ma main sur l’épaule du dormeur privé de rêves et de souvenirs. Je la secouais légèrement et je sentis sous mes doigts les os de son omoplate tant Monsieur Ladérovitch était maigre. Ces malades-là ne mangent pas ou presque pas, toujours occupés à fuir pour rejoindre un lieu qui n’existe pas, un lieu virtuel en somme. Et enfin mon voisin, définitivement amnésique, se réveilla. Il posa sur moi un regard flottant, trouble, baveux, un de ces regards qui ne veulent rien dire et qui ne recherche rien. Sur son visage se grava progressivement le masque de la peur ; pour lui, je devenais une épouvante, un zombie, un horla*, un diable grimaçant avec des cornes titanesques. C’était une frayeur provoquée par la vision d’un être que l’on ne connaît pas, une incongruité de l’existence.

La peur est contagieuse et il me vint comme des envies de fuir ce lieu pas très fréquentable. Seul, le désir que j’avais de retrouver Lola, me riva sur le sol en ciment du local aux deux roues où se côtoyaient deux bicyclettes, un vélomoteur suintant d’huile et d’essence et un landau défraichi, bleu ciel, qui n’avait vraiment pas sa place ici. Quelques bidons métalliques, faméliques et rouillés, vaguement parallélépipédiques, cachaient, dans leur ventre ridé, des liquides inquiétants. Il planait dans ce lieu humide et peu clair une odeur, résultat d’un mélange d’effluves peu académiques. C’était gris, c’était sale, fortement métallisé et cette pièce, qui ne contenait que des objets inanimés, rassurait Monsieur Ladérovitch, qui trouvait là une paix imprévue de l’esprit. Je compris qu’il ne fallait pas lui parler, que je devais rester muet comme toutes ces choses qui l’entouraient.

Avec un mouvement lent comme l’aiguille horaire d’une horloge, je tendis à mon malheureux voisin, la photo de Lola. Son regard effleura comme une caresse la surface du papier et une ride, une seule, disparut de son visage. Son rictus épouvanté s’était atténué d’un infime degré et il murmura un mot, unique et mesuré :

- Téléphone !

Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne reconnaissent plus les objets, confondent leurs formes et leurs fonctions et un peu dépité, je décidais d’abandonner mon projet fou. Je ne comprenais pas pourquoi Monsieur Ladérovitch avait fait une confusion entre la photo et un téléphone. Devais-je ramener chez lui cet homme sans passé ? Non, je décidais de le laisser ici, presque heureux dans un monde dépourvu de sa femme et de ses neuroleptiques…

 

A suivre

 

Notes :

 

* « Le Horla », de Guy de Maupassant, se présente comme le journal d’un homme, persécuté par une présence invisible, supérieure, maléfique, qui s’apparente à un alter ego ou un double, et le fait sombrer dans la folie, au terme de laquelle l’homme persécuté trouve la délivrance dans le suicide.

 

 


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1. gabycmb  le 12-01-2014 à 09:21:45

Bonjour Prof
Passionnant! pauvre monsieur Ladérovitch.
Bonne journée

2. gabycmb  le 12-01-2014 à 09:25:23

Pourquoi? J'ai beau relire le chapitre et le précédant, je ne vois pas !
Bonne semaine.

3. prof83  le 12-01-2014 à 18:29:50  (site)

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour les coms.
Bientôt la suite !
Bonne soirée et bonne semaine.

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posté le 02-01-2014 à 08:59:52

Grasse (68).

****

La mort de Léon le néon avait plongé la petite salle de reprographie dans une obscurité bienvenue. Dans ces conditions ma bouche ne pouvait plus aller explorer, en aveugle, des endroits peut-être pas trop sûrs…

- Ne bouge pas, me dit Françoise Jétoulu, j’en ai un de rechange, il est dans l’armoire derrière toi. Quand tu l’auras remplacé, tu pourras commencer tes explorations labiales.

Les mains de la documentaliste étaient expertes, j’en savais quelque chose, en deux minutes elle trouva le néon neuf qu’elle me fourra dans la main en me disant :

- Grimpe sur l’escabeau !

Pour moi, brancher un néon dans un endroit autant obscur était aussi dangereux que de se promener à deux heures du matin dans les rues de Bangui(1).

- Alors ça y est ? s’impatienta Françoise.

Moi j’avais soudain l’impression de mettre mes mains dans un réacteur radioactif de l’ex centrale de Fukushima(2).

- Je n’y arrive pas ! dis-je, avec la mauvaise volonté d’un élève paresseux multi-redoublant.

La documentaliste s’énerva en me traitant de « nase », de « nul » et d’ « impuissant » (sa chanterelle ne m’avait pourtant pas encore «essayé »). Sa voix avait l’intonation des cris d’une hyène en chaleur.

J’en avais assez de son attitude peu féminine, revendicatrice et castratrice et je lui dis alors :

- Tu me casses les noix !

Moi aussi, je pouvais être (à contre cœur) vulgaire.

Et je quittais le CDI avec, dans ma poche, la photo du visage de Lola que je comptais montrer, dans les plus brefs délais, à Monsieur Ladérovitch qui naviguait sur une mer de souvenirs incohérents, la mer Alzheimer.

Mais comment contacter mon voisin d’immeuble à la mémoire si volatile ?  Aller tout simplement chez lui ou attendre une rencontre très improbable dans le hall de mon immeuble ?

Dans son appartement, il y avait un cerbère,  sa femme, qui le bourrait de neuroleptiques pour essayer de calmer son envie pathologique de fuite, car Monsieur Ladérovitch, dans sa folie, ne reconnaissait pas les lieux où il avait vécu et un réflexe mémoriel l’amenait à croire que sa maison se trouvait toujours ailleurs.

La nuit qui suivit fut semblable à toutes les autres, grise comme le ciel du Nord et agitée comme une personne victime de la danse de Saint-Guy(3).

Le lendemain matin, à 7h30, j’évitais de justesse toute la bande de parasites qui hantait l’immeuble : le couple Coqualo, Monsieur Gédebras le manchot et Mademoiselle Belœil qui revenait de la promenade-pipi de son chien, un petit Cocker qui me prenait pour une femelle. J’avoue que pour échapper à cette situation, je m’étais réfugié dans le local à vélos où je tombais sur Monsieur Ladérovitch qui dormait, la bouche ouverte et la tête appuyée sur la roue avant du vélo de course de Monsieur Gédebras.    

Pour une fois, j’avais eu de la chance…

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Bangui : la capitale et la plus grande ville de la République centrafricaine, dont la population estimée à environ 1 200 000 habitants soit le quart de celle du pays.

2- Fukushima : accident nucléaire provoqué par le séisme du 11 mars 2011.

3- Danse de Saint-Guy : Maladie nerveuse se manifestant par des mouvements brusques et désarticulés et appelée aussi chorée.

 


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1. gabycmb  le 02-01-2014 à 13:34:37

Bonjour Prof.
Je n'ai qu'un mot à dire dommage!!
Bonne reprise

2. prof83  le 02-01-2014 à 14:27:29

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
La reprise sera pluvieuse.
Bonne soirée.

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posté le 27-12-2013 à 07:20:58

Grasse (67).

 

Le Phallus Impudicus,

le champignon qui sent mauvais...

*** 

Je lui montrais donc ce qu’elle désirait voir.

Elle s’accroupit à mes pieds pour mieux regarder, sans rien dire. Moi j’attendais son verdict comme un repris de justice devant la cour d’assises. Je sentis même son souffle chaud balayer la pointe de ma flèche qui transpira un peu.

- Il est comestible ?

- Quoi donc ?

- Mais ton champignon, idiot !

- Disons que c’est plutôt une Amanite phalloïde, mortelle comme il se doit.

Elle me répondit dans un langage peu châtié :

- Pourquoi, tu as l’habitude de fréquenter les putes sans capote ?

Je voulais lui dire que la seule pute que je connusse était Lola qui s’est toujours refusée à moi, allez savoir pourquoi.

Je voyais bien qu’elle avait envie de connaître le goût de mon amanite, avec son chapeau qui pointait vers elle et qui devait exhaler des senteurs automnales.

- Allez, je te dois la vérité, c’est un Phallus impudicus*.

Devant sa mine dégoûtée, je voulu la rassurer :

- Mais non, c’est un Lactaire délicieux !

- Délicieux ? C’est à voir ! Il faut que je vérifie !

Et la voilà partie pour une séance de dégustation gastronomique dans la petite salle sans fenêtre qui donnait sur le CDI et éclairée par un néon malade et hoquetant.

Le lieu était désert et sinistre, je n’avais qu’une crainte, c’est que le concierge ne vînt faire sa tournée d’inspection.

C’était la saison des pluies, ça explique pourquoi, au bout de huit minutes, je lui envoyais dans la bouche une ondée tiédasse qu’elle avala sans sourcilier.

J’étais condamné à des fellations rapides et dénuées de romantisme dans des lieux improbables comme le local à poubelles de mon immeuble ou la salle de reprographie dans un vieux lycée de la Côte d’Azur.

Elle se releva en passant sa langue sur ses lèvres souillées.

- Et toi tu veux voir ma chanterelle** ?

Nous étions en pleine séance de mycologie lycéenne et grassoise.

Pour ne point la vexer, je ne refusais pas. Elle souleva sa jupe et ôta son string noir, qu’elle lança, avec son pied droit, sur le rétroprojecteur qui en hoqueta d’émotion. Puis, en s’aidant de ses mains, elle effectua un petit saut pour s’asseoir sur la table qui supportait la photocopieuse. Elle écarta les cuisses et me montra sa chanterelle. C’était celle, apparemment, d’une femme qui avait vécu, avec des excroissances labiales qui débordaient de chaque côté de sa fissure, luisante, sous la lumière crue du néon.

- Tu la trouves comment ma chanterelle ?

Allais-je lui avouer que je n’aimais pas du tout les champignons, que je les trouvais dangereux et sournois avec une propension à vous envoyer directement au cimetière sans avis de faire-part.

- Tu peux la lécher si tu veux…

Il fallait vite que je trouvasse une excuse valable pour éviter ce contact gluant entre mes lèvres et les siennes.

Françoise Jétoulu, la documentaliste, attendait.

C’est à ce moment-là que le néon fatigué rendit l’âme…  

 

A suivre

 

Notes :

 

   * Phallus impudicus : le satyre puant ou phallus impudique, parfois nommé œuf du Diable à l'état jeune, est une espèce de champignon basidiomycète de la famille des phallacées.

À l'état adulte, il évoque la forme d'un pénis en érection, d'où son nom et, comme la plupart des phallales, dégage une odeur putride.

** Chanterelle :

 

 

 

 

Avouez que ça y ressemble... 

 

 


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1. gabycmb  le 27-12-2013 à 11:06:19

Bonjour Prof
Je confirme! Maintenant cela dépend des goûts de chacun.
Bonnes fêtes de fin d'année. A bientôt pour la suite.

2. prof83  le 27-12-2013 à 15:14:51

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Bonnes fêtes aussi.
Bonne journée.

3. bluedreamer  le 02-01-2014 à 12:13:32  (site)

Une bonne Année 2014 !

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posté le 19-12-2013 à 08:27:32

Grasse (66).

 

Bon et moi j’allais faire quoi maintenant avec mes mains plaquées sur les deux cuisses de Françoise Jétoulu ?

Je sentais sous mes paumes une douce chaleur qui irradiait de sa peau et qui, par un processus plutôt compliqué, mettait en émoi mon manège enchanté qui commençait à se dilater et à durcir comme le cœur d’une méchante sorcière.

L’érection, hélas, est un réflexe et donc une réaction incontrôlable ! Et même quand elle me dit « tu peux me lâcher maintenant ! », quand mes mains quittèrent, à regret, ses cuisses si douillettes, mon arc restait tendu !

Elle descendit de l’escabeau avec élégance et j’en profitais pour reluquer les derniers sursauts de sa chair qui disparaissaient sous le tissu de sa jupe.

En passant devant moi, elle me lança un jet de gaz asphyxiant, un nuage invisible de son parfum, « Les jardins de Bagatelle », qui ramollit mes neurones déjà malmenés.

Je lui rappelais cependant, que depuis le 17 Juin 1925, les gaz asphyxiants ou toxiques étaient interdits par le protocole de Genève et que la prochaine fois que je viendrai au CDI je me munirai d’un masque à gaz.

- Oui je sais, me dit-elle, j’ai lu ça quelque part.

- Mais tu as tout lu ! répliquais-je en essayant de faire un jeu de mots.

- Oui j’ai tout lu ! répondit Françoise Jétoulu.

Et elle se mit à rire, plutôt nerveusement.

Elle se dirigea vers la petite salle qui jouxtait le CDI et qui contenait une photocopieuse et deux ordinateurs avec tous leurs périphériques. Je la suivis comme un chien déjà fidèle.

L’annexe n’avait pas de fenêtre et seul un néon parkinsonien l’éclairait chichement par intermittence.  Elle souleva le couvercle du scanner qui avait un âge bien avancé.

- Alors, tu me la donnes cette photo ! me dit-elle.

Je trouvais, que pour une femme, elle manquait de cette douceur qui me faisait vraiment chavirer. Je la sentais un peu brutale même !

- C’est sûr, je ne lui plais pas du tout ! pensais-je, foudroyé comme un lutteur japonais  de sumo* apprenant qu'il avait maigri.  

Je lui tendis, d’une main pas très rassurée, la fameuse photo de la partouze de Lola. Je pointais avec mon index droit un peu tremblant l’image de la tête de celle qui me faisait fantasmer.

- J’aimerais que tu fisses un gros plan de son visage.

- Et celui-là qui c’est ? me dit-elle en désignant Monsieur Gédebras, il est bien monté !

De toute évidence elle aimait les aubergines, alors que moi je ne pouvais lui offrir qu’un frêle vermicelle…

La photo qui sortit de l’imprimante était plutôt réussie et je pouvais donc la montrer au plus vite à Monsieur Ladérovitch qui avait assisté au rapt de Lola.

Je remerciais la documentaliste en me dirigeant vers la sortie. Elle me bloqua le passage en me disant :

- Je suis mariée et plutôt fidèle, mais…

- Mais ?

- On est seuls, tu me montres ta courgette ?

J’étais anéanti ! Comment allait-elle réagir en voyant mon haricot vert et mes deux pois chiches ?...

 

A suivre

 

Notes :

 

*Le sumo est la lutte traditionnelle japonaise pratiquée par des lutteurs professionnels. C'est un combat d'homme à homme sur un tertre d'argile de 4,55 m de diamètre, le dohyô, opposant des géants pesant en général entre 90 et 160 kg qui s'affrontent à mains nues et vêtus seulement d'un pagne.

 

 

 

 


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1. gabycmb  le 19-12-2013 à 13:16:12

Bonjour Prof.
Nous voilà fixé! Maintenant j'ai toujours entendu dire, << vaut mieux une petite courageuse, qu'une grande fainéante!!> Cela reste à prouver.
Bonne après midi.

2. prof83  le 19-12-2013 à 15:43:29  (site)

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Ici ça recommence:il pleut.
Bonne soirée.

3. anaflore  le 19-12-2013 à 17:02:08  (site)

un haricot !!!lol bon noel

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posté le 14-12-2013 à 08:30:21

Grasse (65).

 
 

En fin d’après-midi, après les cours, je me retrouvais devant le hall de mon immeuble. Inquiet comme un colibri tombé du nid, mon cœur battait comme le sien (1200 pulsations par minute), c’est du moins ce que je croyais ressentir en me demandant si je n’allais pas tomber sur Monsieur Gédebras, l’ex parfumeur manchot et défroqué qui avait perpétré, d’après moi, le rapt de ma jolie Lola. Ha comme j’aurais aimé rencontrer Madame Coqualo, la flûtiste perverse du local à poubelles ou bien Mademoiselle Belœil avec ses regards décalés et son haleine de vieille fille. Le hall, plutôt sombre, rempli de recoins hasardeux, ne m’inspirait pas confiance. Il était désert à cet instant, heureusement pour moi. Je lorgnais en même temps, prudent comme un guerrier zoulou, la porte de l’ascenseur, celle du local à poubelles et celle de la cage d’escalier. Je choisis cette dernière comme si je jouais à la roulette russe. Je n’actionnai pas la minuterie, préférant grimper dans le noir en me guidant avec la rampe métallique qui courait le long des murs. Pour arriver à mon appartement, je devais traverser la longue coursive qui dominait la cour de la prison de Grasse, dépeuplée  à cette heure de la journée et qui faisait de moi une cible idéale pour un tireur fou.

Je me sentais protégé dans mon appartement  bien que parfois, la nuit, des bruits aussi étranges qu’inquiétants vinssent troubler mon insomnie chronique que j’occupais à corriger des copies ce qui, chez tout être normal, aurait provoqué un effet soporifique proche d’une narcolepsie (1) pathologique. 

De plus, une lueur venait éblouir mes neurones qui ronronnaient d’aise à la pensée de rencontrer, le lendemain après-midi, Françoise Jétoulu, la documentaliste du lycée. Imaginer de l’avoir rien que pour moi pendant un long moment plongeait, dans un bain glacé, mon corps que les dix couvertures en pure laine mohair (2) n’arrivaient pas à réchauffer.

Le mercredi matin fut aussi long que la guerre des six jours et enfin arriva l’après-midi qui me promettait monts et merveilles. Le lycée était désert. Seul le concierge cuvait son vin dans sa loge. Je dus sonner plusieurs fois pour le réveiller. Quand il me reconnut enfin il s’esclaffa :

- Ah mon ami ! (en souvenir des verres de Cognac que je lui avais offerts un samedi pour qu’il ouvrît la porte de mon labo).

Par un heureux hasard, mon labo de physique jouxtait le CDI et une porte reliait les deux salles, ce qui s’avéra très pratique pour moi par la suite.

Il était quatorze heures et je frappais à la porte de communication avec le CDI. Rien, aucune réponse. J’insistais, pensant déjà que la documentaliste avait oublié notre rendez-vous. Le silence était pesant et commençait à tyranniser ma tête. Je décidai alors d’entrer dans ce lieu rempli de livres. Il planait dans cette salle comme des confettis gazeux de son parfum : « Les jardins de Bagatelle ». Je sus alors qu’elle était là, quelque part, cachée peut-être par des rangées de livres qui formaient des tours instables sans encrage sur le sol en lino gris. En réalité ces remparts de papier et de carton la dissimulaient à mon regard ; elle était derrière, juchée sur un escabeau aussi instable que ma volonté confrontée à un baba au rhum. Le pied droit était positionné sur la première marche, tandis que le gauche se trouvait sur la deuxième. De ce fait une jambe était tendue et l’autre pliée. Cela provoquait un léger écartement de ses cuisses qui, fatalement, faisait remonter sa jupe étroite. Le spectacle était saisissant et j’en restais baba (3) (sans le rhum). En entendant mes pas, elle se retourna assez brutalement ce qui fit osciller le vieil  escabeau qui la déstabilisa. Elle faillit tomber et elle cria :

- Mais ne reste pas planté comme une cruche ! Viens donc m’aider !

J’eus soudain l’impression que mon cerveau se trouvait enfermé dans la cale d’un vaisseau fantôme sur le point de sombrer dans le triangle des Bermudes. Je me précipitais donc vers elle et, pour la retenir, je dus, par un simple réflexe de solidarité, plaquer mes mains sur ses deux cuisses.

Je sus alors que je rampais dans un étroit boyau brûlant qui me conduisait directement aux enfers !...

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Narcolepsie : maladie caractérisée par des crises d'endormissement soudaines et incontrôlables.

2- Mohair : étoffe ou laine très douce faite avec du poil de chèvre angora.

3- Rester  baba : être figé de stupeur. (familier)

 

 


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1. gabycmb  le 14-12-2013 à 18:23:13

Bonsoir Prof.
Très belle femme la documentaliste, de quoi avoir envie de se documenter!!
Bonne soiré.

2. prof83  le 14-12-2013 à 20:55:11

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
C'est vrai. Il faut bien attirer les lecteurs.
Bonne soirée.

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posté le 10-12-2013 à 08:19:20

Grasse (64).

Le cagibi de Jeanne, la prof d'Anglais...
 
  Au lycée, je commençais ma journée avec une 1èreS. A voir ma tête, les élèves rangèrent leurs portables, ils avaient deviné qu’à la moindre dérive je leur donnerais un contrôle surprise. L’heure se traînait et ma montre semblait faire grève. Après les soucis du matin avec mes voisins plutôt collants, j’aspirais à une relative tranquillité, mais je me souvins soudain qu’à la récré de dix heures Jeanne m’attendait dans son cagibi avec son plafond en pente pour une rencontre certainement crapuleuse sur la petite table recouverte de photocopies et collée à un rétroprojecteur plutôt en fin de vie.

J’aurais préféré aller au CDI à la recherche d’un scanner pour agrandir la photo de la partouze de Lola et isoler son visage pour le montrer à Monsieur Laderovitch, l’unique témoin de son enlèvement. Finalement à dix heures j’allais au CDI. Un lieu peu fréquenté par les élèves qui préféraient lézarder au soleil dans la cour de récréation. La documentaliste, madame Françoise Jétoulu, était accroupie devant un rayonnage de livres qu’elle rangeait avec méthode. Fatalement, de par sa position et de ses jambes légèrement écartées, sa jupe remontait jusqu’à mi-cuisses. Je me plantais devant un panneau en liège sur lequel étaient punaisés de petits cartons blancs que je faisais semblant de consulter. En réalité, mes yeux louchaient sur le côté, sur le spectacle ravissant que m’offrait la documentaliste. Mon moral remonta quelque peu et pas que lui… Elle tourna la tête vers moi et me regarda. Elle me voyait de profil et j’eus honte de la protubérance peu académique qui était apparue au niveau de ma braguette. Elle conserva plusieurs minutes cette position suggestive qui mettait en émoi toutes mes hormones. Elle sourit et me demanda :

- Tu désires quelque chose ?

Pour l’instant mes désirs se concentraient sur ses cuisses généreusement découvertes et sur le mystère de son entre-jambes.

- Caresser tes cuisses ! pensais-je.        

Et je censurais immédiatement en :

- J’ai une photo à scanner, tu pourrais m’aider ?

J’aurais pu me débrouiller tout seul, mais c’était un petit moyen puéril de me rapprocher d’elle.

Tout en parlant, je m’étais positionné en face d’elle, ce qui me donnait une vue panoramique et en 3D de l’entrebâillement de ses cuisses et d’un petit territoire de couleur noire situé entre ses deux aines. C’était peut-être un morceau de tissu de sa culotte que je voyais ou alors, comme elle était brune…

Françoise comprit tout et me laissa encore un moment contempler son panorama. Elle avait au moins quarante ans, plutôt mince, les cheveux courts et les yeux ravageurs. Elle se releva et passa devant moi, ce qui me fit pénétrer dans son halo aromatique. Mes papilles olfactives s’affolèrent et décodèrent le nom de son parfum :

- « Les jardins de Bagatelle » ?

- Gagné ! me dit-elle en passant le bout humide de sa langue sur sa lèvre supérieure.

Son sourire commença à enrouler mon corps dans des bandelettes de tissu pour le transformer en momie inerte et sans défense.

Et pour parodier Corneille dans Le Cid, « avant que de combattre, je m’estimais perdu » !

- Tu veux quoi au juste ? me dit-elle.

Moi, j’avais déjà oublié l’objet de ma visite au CDI.

- Tu as besoin du scanner pour numériser une photo ?

J’étais comme un boxeur groggy* assis dans un coin du ring, ruminant un abandon à cause d’un flot de sensations perverses.

Je me souvins et j’eus presque honte d’avoir oublié Lola, l’amour de ma vie. Je tendis à Françoise Jétoulu la photo de la partouze en regardant à droite et à gauche pour détecter la présence éventuelle d’élèves dans le CDI. Personne ! Les livres sont passés de mode !

- Pour ça, il faudrait que tu reviennes ici Mercredi après-midi. Je serai seule au CDI pour faire l’inventaire.

J’acceptais avec reconnaissance.

Dans le couloir je croisai Jeanne qui me lança un regard assassin.

- Je t’ai attendu dans la réserve. Swine** !...

 

A suivre

 

Notes :

 

 

* Groggy: qui est dans un état d'hébétude provoqué par un choc psychologique ou à demi assommé par les coups de l'adversaire.

 ** Swine: salaud en anglais.                                                           

 

 

 


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1. gabycmb  le 10-12-2013 à 13:19:50

Bonjour Prof.
Effectivement le plafond du cagibi est bas!
L'aération est surement inexistante?
Bonne journée, les vacances sont proches.

2. prof83  le 10-12-2013 à 21:06:21

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Oui les vacances seront les bienvenues.
Bonne soirée.

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posté le 05-12-2013 à 09:10:21

Grasse (63).

 

Monsieur Gédebras, le futur manchot...

 

 

Monsieur Albert gédebras, d’après les dires de Madame Coqualo, avait donc perdu son bras droit lors de l’explosion de son laboratoire dans une fabrique de parfums à Grasse.

La seule certitude concernant le rapt de Lola, c’est qu’il avait été effectué par le « gang des parfumeurs de Grasse ». Cela m’avait été confirmé par Aldo et Pipo, les deux CRS gays au cours de la petite sauterie organisée par Monsieur Coqualo.

Comment ne pas faire le rapprochement entre l’enlèvement de Lola et l’ancienne profession d’Albert ? Je me mis à penser, avec horreur, que notre voisin manchot appartenait peut-être au fameux gang ou que pire encore, qu’il en était le chef !

A partir de ce moment, je devins aussi angoissé qu’un éphémère* pensant à son avenir. Ce que je redoutais le plus, c’est que Madame Coqualo, aussi bavarde qu’un ventilateur, n’allât dire à Monsieur Gédebras que j’avais demandé des renseignements sur lui. Si c’était le cas, ma vie ne tiendrait plus qu’à un fil.

« Zut, zut et rezut »,  me dis-je, ce matin-là en me rasant. En plus du couple Coqualo et de Mademoiselle Belœil, j’allais devoir éviter Albert qui était certainement un tueur professionnel. Ma vie devenait intenable dans cet immeuble et je me demandais si je ne devais pas déménager, changer de quartier, changer de ville, de pays, de continent !

Non je ne suis pas un peureux !

Mes cours commençaient à huit heures au lycée et je me dis que si je partais à sept heures j’aurais peu de risques de rencontrer mes ennemis intimes. Il faisait encore nuit en cette saison et j’empruntais les escaliers pour éviter d’entrer en contact avec mes voisins paranoïaques, nymphomanes ou tueurs, bref avec tous ceux qui me voulaient du mal ou du bien (Mme Coqualo).

Au deuxième étage, j’entendis un bruit de clé dans une serrure ; ciel, c’était l’étage d’Albert, le manchot cruel !  Je sautais deux marches à la fois pour aller plus vite. Mon cœur s’emballa comme un cheval piqué par un taon sadique. Ouf, arrivé dans le hall, au rez-de-chaussée, harassé mais quelque peu rassuré, je soufflais un peu en ouvrant ma boîte à lettres pour vérifier que je n’avais point reçu de lettre de menaces. Rien ! J’allais sortir de l’immeuble quand soudain la porte de l’ascenseur s’ouvrit pour libérer Monsieur Gédebras qui me lança un regard-arbalète. Ce genre du regard qui paralyse et qui assassine ! Mes muscles devinrent aussi durs que de l’ébène et j’eus l’impression que je naviguais sur les flots impétueux du Zambèze.

- J’ai deux mots à vous dire ! me cria le manchot sans bras et sans cœur.

Je sentis comme une libellule battre ses ailes dans mon crâne et mon sang se coaguler dans mes veines. J’étais perdu !

C’est à ce moment-là que Mademoiselle Belœil  entra dans le hall ; elle tenait son petit chien en laisse et elle vint vers nous en souriant. Ah, je l’aurais embrassée ma voisine malgré son haleine qui sentait l’encaustique et ses lèvres mollassonnes. Cela refroidit Albert qui s’éloigna en maugréant. Elle était demi-vierge, mais pour la remercier j’étais prêt à finir le travail.

J’avais échappé à Monsieur Gédebras, mais pour combien de temps ? Et en plus, au lycée, m’attendait Jeanne, la prof d’anglais aux yeux globuleux, qui m’avait donné rendez-vous à la récréation de dix heures dans son étroit cagibi poussiéreux et sans fenêtre où était stocké son petit  matériel pédagogique. Mais pour quoi faire ?...

 

A suivre

 

Notes :

 

* Ephémère : insecte dont la durée de vie est de quelques heures.

 

 

 

 

 


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1. gabycmb  le 05-12-2013 à 13:48:02

Bonjour Prof.
Il y a du souci à se faire !
Beau temps depuis trois jours.
Bonne journée

2. prof83  le 05-12-2013 à 17:58:41

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Ici aussi le beau temps s'installe.
Bonne soirée.

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posté le 01-12-2013 à 08:03:20

Grasse (62).

 

---

En examinant la photo avec ma puissante loupe, je pus y découvrir la présence de Monsieur Albert Gédebras, le manchot, un habitant de mon immeuble. Nu, comme un ver de terre géant, il s’occupait de Lola et on avait l’impression que son bras manquant avait été greffé entre ses jambes…C’est vous dire, que ce n’était pas beau à voir ! Ce qui me navrait le plus, c’est que Lola semblait se pâmer  sous ses assauts amoureux…Je finis par penser que tous les hommes de l’immeuble l’avaient « baisée », sauf moi ! Et pire encore, Albert était l’un de ceux qui la vilipendait le plus, faisant circuler des pétitions qui exigeaient qu’elle quittât le lieu de son racolage et tout ça pour assainir notre quartier.

Mais qui était Monsieur Albert Gédebras au juste ?

Il devait avoir dans les cinquante-cinq ans environ, mince et sec comme un saucisson corse. Les cheveux gris-blancs, taillés en brosse, on le voyait souvent déambuler dans l’immeuble, avec, dans sa main gauche, une feuille de papier où il notait les noms des volontaires qui désiraient participer à un tournoi de volley-ball.

Le seul hic  dans cette affaire c'était qu’Albert était manchot.

Je me demandais bien, comment il avait perdu son bras. Quoi de plus naturel que de me renseigner auprès de Madame Coqualo, la langue de pute de l’immeuble. Elle traînait toujours dans le hall, rôdant près du local à poubelles, à la recherche d’un bon coup…Elle aimait boire l’élixir de la vie directement à sa source, c’est-à-dire à l’appendice turgescent, apanage de la gent masculine. Malheur à celui qui tombait entre ses mains ou entre ses lèvres plutôt ; il ressortait du local à poubelles aussi sec qu’un puits saharien, presque tari à vie. Moi, j’évitais le plus possible ce lieu de débauche buccale, mais là il y avait urgence !

Un après-midi, vers quatorze heures, alors que j’allais jeter mes maigres déchets,  je tombais sur mademoiselle Belœil, qui allait promener son chien. Elle m’invita à boire un thé chez elle en me jetant un regard un peu cabossé. Elle était demi-vierge et moi je tenais à ce qu’elle le restât ! Je déclinais donc son invitation et elle eut un sourire, disons chaotique. Tant pis, je n’avais pas la tête à explorer des contrées sauvages où l’homme n’avait presque jamais mis le pied, ou autre chose…

J’attendais Madame Coqualo, en balançant mon petit sac poubelle noir qui commençait à avoir la nausée. Quand elle arriva, je sentis comme une vague d’hormones féminines submerger mon corps et mon radar nasal détecta son parfum que jamais je ne parvins à décrypter. Souvent je lui demandai son nom ; elle ne voulut jamais me le donner. Pourquoi ? Mystère ! Je réitérais ma demande ce jour-là avec un sourire tentateur et un regard gourmand, en hochant légèrement ma tête en direction de la porte du local à poubelles. C’était comme un signal muet, une invitation même ! Elle tomba dans le piège ou je sombrais dans le sien, allez savoir.

- C’est un parfum créé par Monsieur Gédebras il y a quelques années, me dit-elle en passant la langue sur ses lèvres renflées.

- Monsieur Gédebras ? Et qu’a-t-il à faire dans cette histoire?

Elle eut un sourire de hyène en chaleur, ce qui est terrible.

- Mais Monsieur Gédebras était parfumeur à l’époque !

- Parfumeur ?

Madame Coqualo était partie pour me raconter la vie de notre voisin manchot, ce qui faisait mon affaire ! Peut-être que j’allais pouvoir éviter de me faire vidanger dans le local à poubelles.

- Oui ! Et il a perdu son bras lors de l’explosion de son laboratoire dans l’usine de parfums, rue G……..

Peu à peu, je commençais à comprendre et cela me fit froid dans le dos !...

 

A suivre...

 


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1. gabycmb  le 02-12-2013 à 10:10:30

Bonjour Prof
L'enquête avance à petits pas.
Bonne journée.

2. prof83  le 02-12-2013 à 18:14:56  (site)

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Oui je suis un prof enquêteur.
Bonne soirée.

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posté le 27-11-2013 à 08:50:55

Grasse (61).

 

J’avais hâte de rentrer chez moi pour examiner de plus près la photo licencieuse de Lola, non par voyeurisme malsain, mais seulement pour réfléchir à la méthode que je devrais utiliser pour la montrer à Monsieur Laderovitch toujours perdu dans le labyrinthe de l’oubli. Sur ce cliché on voyait Lola qui se livrait à une activité peu recommandable, mais aussi Brigitte et une autre pute que je ne connaissais pas. La photo n’était pas très nette et l’on apercevait aussi trois hommes qui se laissaient faire. En l’état, elle était inexploitable et j’avais intérêt à agrandir et à isoler le visage de Lola pour que Monsieur Laderovitch pût, malgré sa presbytie  due à son âge, reconnaître un tant soit peu, ma bien-aimée. Un autre problème émergea : il me sembla que l’un des trois hommes ne m’était pas inconnu. Il me fallait une loupe puissante pour voir en gros-plan les visages de tous les protagonistes de cette dégoûtante partouze. Et dans mon appartement, je n’avais point de lentille grossissante.

Comment faire pour m’en procurer une, un dimanche après-midi, dans cette ville de Grasse, où tous les opticiens, paresseux comme des couleuvres, avaient fermé leurs boutiques ? Au lycée, dans mon labo de physique, j’avais bien une quantité impressionnante de loupes, mais il n'y avait pas cours le dimanche ; oh ces professeurs, toujours aussi paresseux ! J’étais pressé de mener mon enquête, je ne pouvais plus attendre. Par quel moyen pouvais-je entrer dans mon labo un dimanche après-midi ? Il fallait que je pusse contacter le concierge de l’établissement pour qu’il consentît à m’ouvrir toutes les portes du lycée. Par chance, je savais que le gardien de cet établissement scolaire, fréquentait le bar « Le Bacchus* » situé juste en face.

Lorsque je poussais la porte vitrée de ce débit de boissons, je le vis installé à une petite table métallique, ronde et rouge. Il buvait un Cognac. Son visage bouffi et coloré m’indiquait qu’il n’en était certainement pas à son premier verre d’alcool. Il traînait derrière lui une réputation d’ivrogne peu compatible avec sa fonction de gardien dans un établissement relevant de l’éducation nationale. C’était ma chance ! Je m’assis près de lui et je lui offris encore deux verres de Cognac qu’il avala rapidement. Il me dit ensuite :

- Tu es mon ami pour la vie !

Je n’en demandais pas tant ! Je lui expliquais comme je pouvais que j’avais oublié mon ordinateur portable au lycée et que j’avais besoin de lui pour qu’il m’ouvrît quelques portes. Il accepta de bon cœur et nous allâmes ensemble dans mon labo où je pus prendre la loupe la plus puissante que je possédais. En sortant de la salle, je vis le concierge affalé contre le mur et ronflant comme une machine à vapeur du dix-neuvième siècle. Je refermai la porte, plaçai les clés dans sa main droite et je filais comme une anguille.

Chez moi, je m’installais à mon bureau et j’examinais à la loupe la photo de la partouze de Lola. Un des hommes présents attira mon attention et je pus ainsi reconnaître un visage familier…

- Oh, ce n’est pas possible ! m’écriais-je…

 

A suivre…   

 

Notes :

* Bacchus est un dieu romain correspondant à Dionysos dans la mythologie grecque, beaucoup plus ancien. Les Romains l'ont adopté, comme beaucoup d'autres divinités étrangères dans la mythologie romaine.

C'est le dieu du Vin, de l'Ivresse, des Débordements sexuels.

 


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1. gabycmb  le 27-11-2013 à 17:32:11

Du coup, j'ai eu la chance de lire les deux articles! Çà va finir par coûter cher cette enquête.
Quand on aime on compte pas, n'est ce pas?
A bientôt pour la suite!

2. prof83  le 27-11-2013 à 23:20:43

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour les coms.
Bonne soirée.

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posté le 22-11-2013 à 07:24:40

Grasse (60).

 La poupée en porcelaine de Brigitte...

 

Je suivis Brigitte dans son studio situé au troisième étage d’un vieil immeuble sans ascenseur. Elle monta devant moi et j’eus presque honte de lorgner  ses fesses qui oscillaient en cadence sur les marches de l’escalier.

Lorsqu’elle ouvrit la porte, une bouffée d’air odorant s’échappa à l’extérieur. Son studio embaumait le chou. Dans la pièce, un lit étroit occupait une grande place. Il était recouvert d’une couette saumon assez défraîchie, sur laquelle était assise une vieille poupée en porcelaine vêtue d’une robe bleu-ciel. La poupée de son enfance certainement. Un instant, une vision traversa mon esprit : celle d’une petite fille innocente jouant avec cette poupée. Elle ignorait quelle serait sa triste destinée, une vingtaine d’années plus tard, pute dans une rue mal éclairée, sous un réverbère diffusant  une lumière famélique et blafarde. Sur une petite étagère au-dessus du lit, un cadre en bois doré contenait la photo d’un jeune garçon souriant, son fils certainement. Mon cœur, tendre comme de la moelle de sureau* se comprima quand je pensai à la situation de Brigitte qui n’avait certainement pas fait d’études et qui luttait, comme elle pouvait, pour subvenir aux besoins de sa petite famille. Elle ouvrit le petit tiroir de sa table de nuit et prit un préservatif, puis elle retourna le cadre qui contenait la photo de son fils : il ne devait pas voir ce qu’allait faire sa mère ! Elle commença à se déshabiller. Je l’arrêtais aussitôt :

- On pourrait parler un peu si ça ne vous dérange pas.

Elle regarda sa montre et s’assit sur le lit, passive. Je m’installais à côté d’elle en essayant de ne pas la toucher. Je craignais des réactions physiques incontrôlables quelque part en moi.

- Voilà, si je suis venu vous voir, ce n’est pas pour faire l’amour !

Elle me toisa comme si j’avais commis un sacrilège.

Elle se mit à rire :

- Ah, je vous reconnais, vous êtes l’amoureux de Lola, la pauvre… !

Il était temps qu’elle s’en aperçût !

J’étais plus que gêné :

- Auriez-vous par hasard des photos de Lola ? lui dis-je.

Un petit rictus vint assombrir son joli visage.

- Heu, oui peut-être… !

- Pourriez-vous m’en donnez une s’il vous plait ? murmurais-je plein d’espoir.

- C’est que… elles ne sont pas très convenables…

Bête comme un radis, je répliquais :

- Mais que voulez-vous dire par là ?

- Heu ce sont des photos qui ont été tirées au cours d’une partouze !

- Pourrais-je les voir ?

Brigitte ne savait que faire. Enfin, elle se décida et rouvrit le petit tiroir et en sortit une dizaine de photos, disons pornographiques où l’on voyait Lola, nue, en pleine action.

- Tenez, choisissez, me dit-elle.

En quelques minutes je découvris absolument toutes les parties du corps de Lola. Je choisis la photo la moins choquante, mais qui aurait quand même traumatisé une bande de légionnaires en rut.

J’abandonnais cent euros sur le lit et je filais comme une souris poursuivie par un chat.

Mon problème maintenant, était de montrer cette photo de Lola à Monsieur Laderovitch sans qu’il sombrât complètement dans une démence fatale…

 

A suivre

 

Notes :

 

* Sureau : Arbre de la famille des chèvrefeuilles, dont les branches sont remplies d’une moelle tendre et abondante et qui produit des fleurs blanches d’une odeur particulière et forte, auxquelles succèdent des fruits rouges-noirâtres.  

 


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1. anaflore  le 22-11-2013 à 09:44:01  (site)

belle poupée de collection affaire à suivre .....bon wk

2. anaflore  le 26-11-2013 à 09:17:41  (site)

merci de ton com et bien ici froid et sec c'est le monde à l'envers !!!

3. gabycmb  le 27-11-2013 à 17:25:04

Bonsoir Prof
Avec un peu de retard, j'ai pu lire la suite de Lola.
Belle poupée, la robe n'est pas bleu-ciel, tant pis la photo vaut le coup.
Bonne soirée

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posté le 18-11-2013 à 07:03:29

Grasse (59).

 

Monsieur Laderovitch: "Je ne suis pas fou ! "

Après plusieurs refrains de chansons enfantines qui faisaient réagir Monsieur Laderovitch, pourtant âgé de plus de soixante-dix ans, je me hasardais à lui dire :

- Lola, Lola…

Aussitôt son regard se figea et ses yeux prirent l’aspect de billes translucides et dépourvues de vie.

Ma méthode que je crus un instant géniale, montrait ses limites et je compris que les neurones de mon voisin étaient définitivement noyés dans la glu isolante de la maladie d’Alzheimer. Je n’avais plus à côté de moi, qu’un pantin à la mémoire désarticulée, muré dans un silence digne des moines trappistes (1), insectes muets dans leur gigantesque cathédrale.

Il ne me restait plus qu’à raccompagner Monsieur Laderovitch chez lui, en le guidant par l’avant-bras. Sa femme, inquiète, me dit :

- Oh, merci. Victor s’est échappé ce matin sans prendre ses neuroleptiques (2) !

Et immédiatement, dans un demi-verre d’eau, elle introduit au moins vingt gouttes de la précieuse camisole chimique, que son mari avala sans rien dire. Presqu’aussitôt, Victor sombra dans le monde du silence peuplé de créatures improbables et monstrueuses.

Moi, je regagnais mon appartement déçu par mon échec.

Que pouvais-je faire pour retrouver Lola ?

Si au moins j’avais eu une photo d’elle, j’aurais pu la montrer à Monsieur Laderovitch pour ranimer sa mémoire qui ne tenait qu’à un fil. Rien, je n’avais absolument rien de Lola, seule sa beauté hantait mon cerveau et le remplissait à ras-bord.

Ma nuit fut un voyage au long cours dans un lit balloté par les cauchemars. Et, vers deux heures du matin, une idée germa dans mon cerveau comme une graine dans un champ de misère :

- Mais peut-être que Brigitte possédait une photo de Lola ?

Brigitte était sa copine et l’avait remplacée à la cuisse levée (3) sur le trottoir. Pour être  plus clair, Brigitte était une pute qui tapinait dans ma rue. Seulement, elle avait des horaires de fonctionnaire veilleur de nuit : de 21h à 5h du matin.

Ce n’était pas un créneau convenable pour un professeur respectable comme moi ! Et pourtant, amour quand tu nous tiens…

Je décidais d’aller voir Brigitte le soir même vers 21h15, juste pour lui demander si elle avait une photo de Lola. Par précaution, je plaçais deux billets de cinquante euros et un de vingt euros dans mon portefeuille, dans le cas fortement improbable où je devais « donner de ma personne ». Je ne connaissais pas les tarifs des belles de nuit…

Je reconnus Brigitte de loin, elle tapinait sous un réverbère situé juste en face de la boucherie chevaline « Pégase » ; le boucher était un poète inspiré par la mythologie grecque…

Je passais devant elle en louchant sur ses belles cuisses qui apparaissaient au-dessous de sa mini-jupe en cuir noir. Timide comme j’étais, je n’osais pas l’aborder et au bout d’une cinquantaine de mètres, je fis demi-tour pour traverser, une nouvelle fois, la sphère impalpable de son parfum envoûtant.

En pècheresse experte, Brigitte huma le poisson frétillant et elle le  ferra d’une manière classique :

- Tu viens chéri ?

Heureusement que la lumière blafarde du réverbère atténua la rougeur qui naquit sur mes deux joues.

Je ne pouvais plus reculer !

Je devais me sacrifier pour la bonne cause !...

 

A suivre

 

Notes :

 

1 : Moine trappiste : Moine cloîtré appartenant à l'ordre cistercien de la stricte observance et vivant dans le silence, la prière et le travail manuel.

2 : Les neuroleptiques (du grec neuron, nerf et leptos, qui affaiblit) ou antipsychotiques (contre la psychose) sont des médicaments utilisés pour leur effet tranquillisants, anti-délirants et contre la désorganisation des pensées. Ils sont utilisés notamment dans le traitement de certaines affections psychiatriques telles que la schizophrénie, les troubles bipolaires et certains autres syndromes comportant des hallucinations, un délire et de l'agitation psychomotrice.

3 : Au pied levé.

 


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1. anaflore  le 18-11-2013 à 07:22:08  (site)

j'espère que la sacrifice apportera une réponse ......bonne semaine

2. gabycmb  le 18-11-2013 à 10:10:02

Bonjour prof.
Se sacrifier pour arriver ses fins, il faut le faire.
La pluie depuis trois jours sur le Languedoc.
Bonne semaine.

3. prof83  le 18-11-2013 à 12:45:15

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Ici aussi il pleut et avec du vent.
Bonne semaine.

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