posté le 16-02-2014 à 08:13:21

Grasse (77).

 

  

Edmond Trianglo, 69 ans (ou plus), professeur de mathématiques.

  

Edmond me regardait, mais pas franchement. Il avait l’attitude apeurée de celui qui allait mal finir. Dans peu de temps certainement. Je n’étais pas sûr qu’il me reconnût. Le bureau, derrière lequel il était assis, avait l’aspect d’un champ de bataille qui me mettait mal à l’aise.

- Tu vends de la philo, c’est ça ? murmura-t-il.

Il avait oublié que j’étais prof de physique. Je le lui dis. Oui je vendais de la physique au poids, j’en vendais des tonnes, des mètres cubes, des kilomètres à des élèves qui n’assimilaient rien, préoccupés par des activités plus que douteuses qui détruisaient leur cerveau.

Franchement j’avais envie de fuir, comme ça, tout abandonner, cesser de lutter. Mon cerveau devenait de la bouillie « premier âge », à la citrouille parfumée à la citronnelle. Mais il fallait que je lui demandasse, à ce prof-vintage, égaré dans l’espace-temps, des précisions sur Gaëlle et Roxane. J’essayais d’articuler le mieux possible pour que mon message ne fût pas brouillé par sa surdité plus qu’avancée.

- Dis-moi, que penses-tu de Gaëlle et de Roxane, de terminale S ?

- Gaëlle et Roxane ? Gaëlle et Roxane ?

Il psalmodiait des noms, certainement inconnus de lui ou plutôt oubliés.

- J’ai remarqué qu’elles avaient toujours 18 en mathématiques.

- Peut-être oui, ne se mouilla-t-il pas.

- Peux-tu vérifier sur ton carnet de notes, s’il te plait ?

Edmond Trianglo pataugeait encore dans des carnets de notes que les librairies et les papeteries ne vendaient plus, vu que c’était démodé et qu’en plus elles avaient toutes fait faillite.

Il chercha dans ses affaires, le pauvre, et par un miracle incompréhensible il le trouva. C’était une sorte de cahier rouge à la mine chiffonnée. La couverture cartonnée était ridée et tachée comme son visage. Ses doigts déformés par de l’arthrose, gonflés et tordus comme ceux d’une sorcière, avaient du mal à faire défiler les pages.

- Oui vous avez raison, s’étonna-t-il.

Ciel, il ne me tutoyait plus ! Ma visite avait dû lui faire perdre quelques milliers de neurones. Et les souvenirs qui vont avec.

Bon il fallait bien que je menasse cette affaire jusqu’au bout :

- C’est bizarre, avec moi elles ont toujours zéro. Elles sont nulles en physique et je me demande bien comment elles se retrouvent en terminale S.

Il parut gêné, Edmond. Secoué par mon attaque peu amicale, quelques DEL peu lumineuses avaient dû s’allumer dans son cerveau. Il trouva une parade de pacotille :

- Je leur donne des cours particuliers !

- Ne serait-ce pas plutôt elles qui vous donnent quelque chose ? Ou plutôt qu’elles vous vendent ?

Je soupçonnais tout simplement, qu’en échange de leurs strings, Edmond mettait 18 à tous leurs contrôles. Il lança un « heu » qui ressemblait à un hennissement prolongé d’un vieux cheval mené à l’abattoir.

Je craignis brusquement qu’il me fît là, brutalement, un infarctus pédagogique. Et ce sont les pires ! Il se leva sans rien dire et se dirigea vers une armoire métallique grise, cabossée et rouillée aux entournures. Il revint avec une boîte en carton qu’il posa devant moi.

- Tenez, je vous donne tout si vous n’avertissez pas le proviseur !

Quel marché me proposait donc Edmond Trianglo, le professeur de mathématiques ?

Un peu curieux, quand-même, je soulevai le couvercle en carton et je découvris…

 

A suivre

 

 


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1. gabycmb  le 16-02-2014 à 09:26:41

Bonjour Prof.
Je me suis absenté une semaine, j'ai mis ma lecture à jour.
Je ne connaissais pas l'infarctus pédagogique.
Bonne semaine, les vacances sont proches!

2. anaflore  le 16-02-2014 à 09:48:02  (site)

heu ce n'est pas ma gaelle!!!!!bon dimanche

3. prof83  le 16-02-2014 à 14:57:10

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Les vacances seront les bienvenues.
Bonne soirée.

4. anaflore  le 17-02-2014 à 08:52:03  (site)

bon il y a quoi sous le couvercle???bon lundi nous toujours noyé...

5. concreteblockmachine  le 19-02-2014 à 11:08:35  (site)

Bonjour Prof.et bonne journee

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posté le 11-02-2014 à 07:10:48

Grasse (76).

 Françoise Jétoulu, la documentaliste...

 

 

Avec tous les trous qu’il avait, mon emploi-du-temps semblait avoir été criblé de balles. Justement ce jour-là, je n’avais pas  cours de quinze heures à seize heures, j’en profitais pour aller rendre visite à Françoise Jétoulu, histoire de lui rapporter son string et de trouver une oreille compatissante pour écouter tous mes petits soucis. Le hic, c’était que Françoise n’avait pas la « fibre maternelle » et aller pleurer dans son giron, c’était se comporter à ses yeux comme une limace dépourvue de virilité. Le CDI était désert comme d’habitude ! Les livres-papier n’avaient plus la cote en ce début de XXIème siècle. Elle  me vit de loin et vint vers moi, souriante, peu coutumière du fait et les bras chargés de livres et de classeurs.

- J’ai pensé à toi, me dit-elle, en me tendant une abondante documentation sur Bamako.

- Et moi à toi, lui-répondis-je, en lui rendant son string noir.

Elle sourit. Je me méfiais d’elle. Elle avait le regard d’une louve affamée…Elle dégoulinait d’hormones. Je me suis dit que j’avais intérêt à rompre le contact, quand elle me saisit l’avant-bras en me murmurant :

- Tu veux qu’on aille faire un tour du côté de la photocopieuse ?

L’invitation était claire et moi je n’avais pas trop envie de remuer mes neurones, ni de faire croître mon organe érectile au toucher… Comment refuser sans la fâcher ?

- J’ai du travail et j’ai cours à seize heures !

Son sourire se figea sur son visage qui parut battu par les flots impétueux d’une tempête bretonne. Je savais qu’elle allait devenir méchante.

- De toute façon, toi en cinq minutes c’est fini !

Avait-elle chronométré la durée de notre dernier assaut amoureux ? Elle me lança sa dose de venin habituelle :

- Allez dégage et ne viens plus me relancer !

Je ne me fis pas prier pour quitter le CDI. Françoise devenait fatigante à la longue.

C’est vrai que je devais mener une petite enquête au sujet de Gaëlle et de Roxane, mes deux élèves qui avaient essayé de me vendre leurs strings ou de les échanger contre un 18 aux contrôles de physique. J’allais en salle 17 où j’étais sûr de trouver Edmond, un prof de math qui enseignait dans la même terminale que moi.

Edmond campait pratiquement dans le lycée et sa salle était devenue presque son pied-à-terre pédagogique. Je frappais à la porte et j’entrais dans la classe. Pas d’élèves, bien sûr, car Edmond s’était débrouillé pour n’avoir cours que le matin. Comment avait-il fait ? Mystère ! Il était assis à son bureau, occupé à une activité harassante, angoissante, « chiante » : la correction des copies. Il avait les cheveux blancs, Edmond, il n’était pas tout jeune, je lui donnais bien dans les soixante-neuf ans. Il ne m’entendit pas entrer, car il était presque sourd : les bavardages et les cris des élèves sont comme des coups de canon, ça abîme les tympans. Il leva la tête, choqué par une nouvelle formule mathématique découverte sur la copie d’un cancre et il me vit !

- Tiens bonjour toi !

Il avait oublié mon prénom.

Me reconnaissait-il au moins ? Les profs en vieillissant longuement dans les établissements scolaires, victimes du stress et de l’usure psychique, avaient tendance à perdre la mémoire et même à « choper »  la maladie d’Alzheimer.

J’avais intérêt à être clair et concis.

- Je viens au sujet de Gaëlle et de Roxane…

- Qui ?

J’avais prévu le coup et j’avais apporté le trombinoscope photographique de la terminale S que nous avions en commun. Du doigt, je lui désignais les deux vendeuses de strings.

La vue d’Edmond avait connu des jours meilleurs. Il voyait aussi bien qu’il entendait, ce qui faisait de lui  un primo-handicapé : presque sourd et aveugle, le pauvre !

- Jolies cuisses ! finit-il par dire.

Bon, il les avait reconnues…



A suivre


 


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posté le 06-02-2014 à 09:01:35

Grasse (75).

 
 

Debout devant moi Gaëlle et Roxane attendaient ma réponse.

Je ne savais pas quoi dire et je me méfiais de l’attitude des élèves de cette génération. Ils avaient peu à peu rogné la distance entre eux et les profs et notre statut ne possédait plus l’aura* d’antan.

- Quoi ? répondis-je vaguement en les regardant dans les yeux.

Gaëlle, jolie blonde, je dois l’avouer, parla la première :

- Monsieur, on a remarqué que vous aimiez beaucoup les strings !

Et voilà, elles avaient tout vu, les coquines et je m’attendais au pire avec ces deux délurées. Il fut un temps où une bonne « engueulade » et une menace de sanction auraient annihilé toute velléité de copinage avec un prof, mais l’époque avait changé et il fallait jouer finement maintenant pour éviter tout débordement. Je me trouvais presque dans l’obligation de me justifier.

- C’était juste pour essuyer mon front. Il fait si chaud dans cette salle !

La réplique de Roxane, la rousse, fut immédiate :

- Avec un string ?

J’avais envie de la gifler cette pimbêche qui redoublait sa terminale et qui avait zéro à tous ses contrôles de physique.

Françoise Jétoulu, la documentaliste, avait absorbé toute mon énergie et je me sentais aussi faible qu’un têtard anorexique.

- Mais vous voulez quoi au juste ? commençais-je à m’emporter, pour ensuite modérer ma colère naissante.

Gaëlle, avec un aplomb insolent me répondit :

- On peut vous donner nos strings si vous voulez !

Roxane lui coupa presque la parole pour préciser :

- Ou plutôt vous les vendre !

Dans quel guêpier m’étais-je fourré ? J’avais bien remarqué qu’elles portaient des strings lorsque je circulais dans les rangs pour surveiller  les contrôles. Des strings qui apparaissaient au bas de leur dos en débordant de leurs jeans taille basse. Elles avaient peut-être remarqué mes regards innocents qui s’égaraient parfois sur le haut de leurs fesses. C’étaient déjà des femmes à dix-huit et dix-neuf ans.

- Me les vendre ? Je réagis comme je pouvais, au bord de l’épuisement.

- Oui quinze euros pièce gloussa Gaëlle.

Et Roxane ajouta :

- Mais c’est plus cher si vous désirez des strings portés plusieurs jours !

C’était du délire ! Existait-il donc un commerce de culottes dans ce lycée ? Mes collègues mâles était-ils au courant de cet odieux trafic ?

Mon mutisme leur fit croire que j’hésitais à accepter, alors que mon cerveau commençait  à se ramollir presque comme celui de Monsieur Ladérovitch, mon malheureux voisin atteint de la maladie d’Alzheimer.

C’est alors que Gaëlle me relança :

- On sait que les professeurs n’ont pas un gros salaire, alors on pourrait s’arranger…

En fait je me souvenais d’une information que j’avais lue il y a quelque temps et qui affirmait que certaines lycéennes japonaises, surtout à Tokyo, vendaient leurs culottes à de vieux messieurs friands des arômes juvéniles.

Et moi je n’étais friand que de Lola !

Roxane, pour la première fois, parut gênée, quand, à son tour, elle prit la parole.

- En fait, vous pourriez remplacer les quinze euros par…

Elle cessa de parler en jetant un regard presque désespéré à sa copine, qui, aussitôt, prit le relai.

- Voilà, pour chaque string que l’on vous offre, vous nous mettez un 18 aux différents contrôles.

Je leur répondis tout simplement :

- Non !

Les deux donzelles se figèrent comme des statues de sel et elles sortirent de concert leur smartphone en me disant :

- Désolées, alors on va être obligées de twitter sur vous…

Et elles sortirent de la salle en se déhanchant de manière à me montrer, encore plus, le haut de leur string qui dépassait de leur jean taille basse…

Moi je commençais à ressentir une certaine angoisse, comme celle d’une écrevisse prisonnière d’une nasse**…

 

A suivre

 

 

Notes :

 

* Aura : rayonnement qui semble émaner d'une personne ou d'une chose.

** Nasse : panier de pêche dont l'entrée très resserrée piège le poisson ou les crustacés.

 
 

 

 

 

 


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1. gabycmb  le 06-02-2014 à 11:45:50

Bonjour Prof
Ça sent l'arnaque! Les élèves aujourd'hui savent vous manipulez
Bonne journée.

2. prof83  le 06-02-2014 à 14:34:18

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Oui c'est un métier difficile.
Bonne soirée.

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posté le 01-02-2014 à 09:05:29

Grasse (74).

 
Gaëlle et Roxane.
 

Inutile de décrire, je crois, ce qu’il se passa dans la salle de reprographie. Disons, que pendant trente minutes j’ai eu à faire à une espèce de nymphomane déchaînée avec beaucoup de vigueur et d’imagination. Quand je sortis de ce petit lieu de « débauche » pour aller dans le CDI, j’aperçus Jeanne, la prof d’anglais, qui corrigeait encore des copies. Françoise Jétoulu avait tari mes précieuses réserves de carburant bio en usant et en abusant de ses avantages buccaux et vaginaux qui semblaient mener une vie totalement indépendante d’elle. Moi, j’avais les jambes qui flageolaient et les neurones saturés de décharges d’influx nerveux qui me mettaient au bord du court-circuit cérébral. Je n’avais même pas cherché de documentation sur le Mali et donc je savais bien que je devrai retourner un de ces jours au CDI.

J’avais cours à quatorze heures avec une terminale plutôt tranquille, qui, à ce moment de la journée, digérait le repas de la cantine, se reposait des galipettes perpétrées dans les coins peu fréquentés du lycée et tentait d’assimiler les composés toxiques des différents produits illicites consommés à l’ombre des toilettes des filles et des garçons. C’était le train-train quotidien qui ne dérangeait plus personne.

Les élèves, pseudos-zombies, s’assirent en silence, comme bâillonnés par une bande-Velpeau chimique. Ils ne protestèrent pas lorsque je leur dis qu’on allait faire une série d’exercices de physique pour les préparer au Baccalauréat. Ils allaient ainsi pouvoir dormir tranquillement et moi aussi.

Dans la rangée centrale, au premier rang, juste en face de mon bureau, étaient assises Gaëlle et Roxane, deux filles multi- redoublantes, déjà majeures et vaccinées. Vêtues de jupes assez courtes, elles me montraient parfois leurs cuisses, volontairement ou pas, je l’ignore. En tout cas, je dois l’avouer, il arrivait que mon regard se posât sur leurs jambes, sans état d’âme puisqu’elles avaient plus de dix-huit ans.

Il faisait chaud dans la salle, pas loin de vingt-trois degrés Celsius affichés par mon thermomètre électronique qui était posé sur ma table. La fatigue et l’atmosphère confinée de la classe me firent transpirer : quelques gouttes de sueur s’épanouirent sur mon front presque brûlant. Avais-je de la fièvre ? Instinctivement ma main plongea dans la poche de mon pantalon à la recherche d’un mouchoir. Ouf j’en trouvais un, avec lequel je tamponnais mon visage pour faire disparaître toute trace de transpiration. C’est à ce moment-là que Gaëlle et Roxane éclatèrent de rire. Je venais d’essuyer ma peau avec un string noir plutôt négligé. C’était le string de la documentaliste, qu’elle avait dû glisser dans ma poche au cours de nos ébats amoureux. J’étais plus que gêné !

Heureusement la sonnerie de fin de cours retentit et les élèves commencèrent à ranger leurs affaires. A part les deux filles du premier rang, personne n’avait rien remarqué. La salle se vida très vite, ou presque, car en relevant la tête, je vis, debout devant moi, avec un air égrillard, Gaëlle et Roxane qui me dirent en chœur :

- Monsieur, on a une proposition à vous faire !...


A suivre


 


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1. gabycmb  le 01-02-2014 à 13:35:01

Bonjour Prof.
Houlà! Ça se corse !!
La pluie sur le Languedoc, nous y avons droit, tous les samedis depuis trois semaines.
Bonne après midi.

2. prof83  le 01-02-2014 à 14:18:40

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Ici le temps est variable. En ce moment il fait assez beau.
Bonne soirée.

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posté le 27-01-2014 à 07:10:54

grasse (73).

 

 

Finalement, grâce à Monsieur Ladérovitch, je pouvais supposer que Lola se trouvait probablement à Bamako, la capitale du Mali et, fait troublant, que l’instigateur de son rapt, par le gang des parfumeurs grassois, était tout simplement Monsieur Gédebras, ancien chimiste qui avait perdu un bras lors de l’explosion, il y a quelques années, survenue dans son labo de synthèse des parfums à Grasse. De plus la plaque vissée sous la selle de son vélo de course :

 

 

 

 

 

représentait la carte du Mali et le sigle U.C.B pouvait signifier tout simplement « Union Cycliste de Bamako ».

Au cours de l’enlèvement nocturne de Lola, Monsieur Ladérovitch, témoin involontaire de ce délit avait dû entendre une phrase du genre :

- Lola, sale pute, on va t’envoyer tapiner dans un bordel de Bamako !

Peu à peu le puzzle prenait forme.

Lola se trouvait en Afrique et devait certainement vivre un enfer !

Mon moral fit un saut dans un gouffre sans fond et je me dis que j’avais perdu définitivement ma « chérie ».

La nuit qui suivit, blanche et noire en même temps, fut une sorte de combat, perdu d’avance, contre l’insomnie qui ramollissait mon cerveau en dissolvant le peu de neurones qui me restaient.

Le matin, j’avais récupéré un peu de ma « substantifique moelle » et je pensais que je devais tenter quelque chose pour venir en aide à la pauvre Lola.

Pour moi, le Mali était un pays lointain et parfaitement inconnu et, au lycée, vers treize heures dix, j’allais demander de l’aide à Françoise Jétoulu, la documentaliste. Je la trouvais au CDI en train de ranger quelques livres sur une étagère.

Elle m’ignora complètement la salope !

Depuis notre « contact » raté du mois précédent, elle était fâchée contre moi et me traitait d’impuissant, d’ectoplasme gélatineux et de multiples autres mots aussi doux que le fiel frelaté d’un démon sénile.  

Dans le fond du CDI, près de la fenêtre, Jeanne, la prof d’anglais aux yeux globuleux, corrigeait des copies. Elle jeta vers moi un demi-regard qui se voulait indifférent, mais qui dégoulinait de curiosité plutôt malsaine. Je voulais demander à Françoise Jétoulu de la documentation sur le Mali. Elle ne me regarda pas et me dit :

- Débrouille-toi tout seul ! Je ne suis pas ta bonniche !

La fine oreille de Jeanne capta cette réplique cinglante et sur son visage s’imprima un sourire tout britannique. J’étais bien entouré dans ce lieu rempli de livres et où deux femelles me voulaient du mal ou peut-être trop de bien, allez savoir.

J’errais un petit instant parmi les rayonnages bourrés de livres qui me donnaient la nausée. Françoise, l’air de rien, louchait sur moi, savourant sa vengeance de femme rejetée.

Moi, j’eus une pensée comme ça, qu’il était moins dangereux d’affronter un dragon de l’île de Komodo* que deux dames jalouses, revendicatrices, nymphomanes et capables de tout lorsqu’on abordait avec elles les rivages escarpés de la sentimentalité sexuelle.

J’avais envie de partir et d’aller parler avec le prof d’EPS, un homme lui, aux idées aussi linéaires que la fonction mathématique du même nom. Mais allais-je me décourager si facilement et abandonner, dès les premiers obstacles, la longue épreuve de la recherche de Lola ?

J’allai dans la petite salle de reprographie avec une petite idée presque machiavélique dans la tête. Un lieu sans fenêtre, éclairé par Léon, le néon, ou plutôt son remplaçant, car Léon avait péri un après-midi, lorsque Françoise s’était assise sur une petite table pour me demander de contempler tous ses trésors intimes et à l’occasion de les câliner avec ma langue.

Caroline, la machine-photocopieuse sembla me regarder, inquiète. La pauvre, elle avait un certain âge et les émotions fortes pouvaient la tuer. Je soulevais son couvercle et je passais ma main droite sur la vitre épaisse, comme pour la rassurer.

Mais qu’allais-je photocopier ? Je me traitais d’IDIOT car je n’avais rien prévu. Finalement, un peu inquiet quand même, je plaçais ma carte d’identité au centre de la vitre, je mis deux cents feuilles blanches et vierges dans le bac prévu à cet effet et, idée géniale, je dévissais la petite pièce métallique dans le bac de réception des photocopies, qui servait à retenir les feuilles imprimées. Et je programmai cent-cinquante exemplaires. Le sort en était jeté : j’appuyai sur le bouton de départ. La première copie tomba par terre et la deuxième aussi ainsi que les cent-quarante-huitièmes suivantes. Le sol de la petite salle était recouvert de feuilles.

J’allais demander de l’aide à Françoise Jéloulu qui me traita de débile et qui ferma la porte de communication avec le CDI. Elle s’assit par terre, sur les feuilles en retroussant sa jupe et elle me dit :

- Maintenant, il faudra que tu m’obéisses pour réparer ta « connerie » !

Et j’ai dû réparer !...

 

A suivre

 

Notes :

 

 

 

 


* Le Dragon de Komodo est une espèce de varans qui se rencontre dans les îles de Komodo, Rinca, Florès, Gili Motang et Gili Dasami en Indonésie centrale. Membre de la famille des varanidés, c'est la plus grande espèce vivante de lézard, avec une longueur moyenne de 2 à 3 mètres et une masse d'environ 70 kg. Sa taille inhabituelle est attribuée au gigantisme insulaire car il n'existe pas, dans son habitat naturel, d'autres animaux carnivores pouvant occuper ou partager sa niche écologique, et aussi à ses faibles besoins en énergie. En raison de leur taille, ces varans, avec l'aide de bactéries symbiotiques, dominent les écosystèmes dans lesquels ils vivent. Bien que les Dragons de Komodo mangent surtout des charognes, ils se nourrissent aussi de proies qu'ils chassent, invertébrés, oiseaux ou mammifères.

 

 


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1. anaflore  le 27-01-2014 à 08:54:10  (site)

bon iras tu à bamako ? moi pour l'instant j'attends mon
passeport mais pas vraiment besoin car avec mes microbes déjà bien si j'arrive à sortir de mon antre et surtout de mon lit!!!bonne semaine

2. gabycmb  le 27-01-2014 à 15:35:15

Bonjour Prof.
Il faut être un bon bricoleur dans la vie, si on veut s'en sortir!
Bonne soirée

3. prof83  le 27-01-2014 à 22:09:02

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Bonne soirée.

4. iso 22000  le 08-02-2014 à 12:43:38  (site)

profiter la vie vous avez une seul occasion

5. IFs  le 08-02-2014 à 12:50:24  (site)

prof meci pour cet intervention

6. prof83  le 09-02-2014 à 08:49:22

A iso 22000 et IFs
Merci pour les coms.

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posté le 22-01-2014 à 08:46:55

Grasse (72).

 
Une anagramme... 
 

Bokama ! Mais que signifiait ce mot dans la bouche de Monsieur Ladérovitch ?

Un instant lucide, mon voisin retomba bien vite dans le néant, certainement une lointaine planète habitée par des monstres. Il se recroquevilla ensuite comme un fœtus apeuré pour offrir le moins d’accès possible à tous ses ennemis qui lui voulaient bien du mal.

Je désertai ce local aux deux roues déjà préoccupé par ce mot mystérieux qui ne voulait peut-être rien dire. J’emportais cette énigme chez moi pour essayer de la résoudre le plus rapidement possible.

Et si Monsieur Ladérovitch, qui mélangeait déjà les mots dans son cerveau périmé, mélangeait aussi les lettres comme dans une anagramme ? N’avait-il pas déjà remplacé « Lola » par « Allo » et ensuite « Allo » par « téléphone » ?

Voyons voir, jouons à ce petit jeu alphabétique !

En partant de « Bokama » et en permutant les lettres de ce mot j’obtenais :

- Makabo,

- Obamak,

- Kamabo,

- Mobaka,

- Bomaka,

- Komaba,

Tous ces mots n’avaient aucune signification!

Peu à peu j’avais l’impression que mon cerveau se diluait dans mon crâne, criait « au secours ! », perdait des neurones…

Minuit déjà et je ne dormais point ! Mais pourquoi a-t-il fallu que je tombasse amoureux de cette pute qui se fichait littéralement de moi ? Pourquoi ne pas me laisser faire par Jeanne, la demi-vierge, la prof d’anglais aux yeux globuleux qui me poursuivait de ses assiduités amoureuses dans les longs couloirs du lycée et dans la salle des professeurs ?

« 1 :23 » c’était l’heure projetée sur le plafond, en chiffres lumineux rouges, par mon radioréveil silencieux comme un muet de naissance.

« Alain, tu es nul en anagrammes ! » pensait mon cerveau presque vide, à demi submergé par les brumes du sommeil cotonneux.

Le lendemain, j’avais cours à huit heures, c’est à dire que je devais me lever à cinq heures du matin, une vraie torture ! Et en plus je commençais par la 1èreS1, une classe d’antipathiques, paresseux comme des unaus* dépressifs. Décemment je ne pouvais pas leur imposer encore un contrôle surprise !

« 1 :37 » après un « Oambka » cauchemardesque, en sueurs sous mes cinq couvertures en laine, je trouvais enfin le MOT :

- Bamako !

La capitale du Mali !

« 1 :39 » j’allais dans la cuisine boire un verre d’  « Evian », la bouche aussi sèche que les chaussettes de qui vous savez…

J’en profitais pour aller faire un tour aux toilettes, histoire de passer une fin de nuit tranquille…

Mais pourquoi Bamako ?...

 

A suivre

 

Notes :

 

* Unau :

Mammifère édenté des forêts d'Amérique tropicale, encore appelé paresseux à deux doigts. (L'unau se déplace avec lenteur dans les branches, tête en bas, accroché par les fortes griffes de ses membres).

 
 


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1. gabycmb  le 22-01-2014 à 12:02:58

Bonjour Prof.
La recherche continue, Bamako celle aussi il fallait la trouver.
Bonne journée

2. prof83  le 22-01-2014 à 15:10:31

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Bamako c'est si loin...
Bonne soirée.

3. anaflore  le 22-01-2014 à 17:20:46  (site)

bamako pas trop loin!!j'ai failli y habiter !!il y a trés longtemps ....bonne semaine

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posté le 17-01-2014 à 07:17:33

Grasse (71).

Deux manières de perdre la tête...
 

 

Quand mon regard effleura le portrait de Lavoisier punaisé sur le mur au-dessus de l’évier, j’eus donc comme un éclair de clairvoyance, comme si, ce malheureux chimiste, depuis l’au-delà, m’avait envoyé un code secret qui allait me permettre de comprendre pourquoi Monsieur Ladérovitch, l’homme sans mémoire, avait prononcé le mot « téléphone » en regardant la photo de Lola.

Pourquoi cette aide venue du lointain passé ?

Lavoisier fut guillotiné lors de la Terreur à Paris le 8 mai 1794, à l'âge de cinquante ans, considéré comme traître par les révolutionnaires.

Alors quel lien unissait ce célèbre chimiste à Monsieur Ladérovitch ? Hé bien, on peut dire que tous les deux avaient perdu la tête, l’un par la guillotine et l’autre à cause de la maladie d’Alzheimer.

Quand on décroche son téléphone, on commence par dire « allo » et il se trouve que « allo » n’est autre que l’anagramme* de « Lola ». Ce qui semble signifier qu’en disant « téléphone », Monsieur Ladérovitch « pensait » en fait à Lola. Drôle de détour pour exprimer sa pseudo-pensée ! Ce qui était encourageant, c’était qu’il y avait peut-être un moyen de communiquer avec une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mon malheureux voisin avait assisté au rapt de Lola par le gang des « parfumeurs grassois » et il avait certainement entendu quelques phrases prononcées par les ravisseurs.

Tout cela allait m’obliger à « embêter » encore Monsieur Ladérovitch, encore fallait-il que je le rencontrasse. Il errait souvent dans l’immeuble, dans les couloirs, dans les coursives et même au sous-sol près des nombreuses caves parfois mal fermées. Il y avait aussi les locaux à poubelles et aux deux roues qu’il appréciait tout particulièrement.

Il fallait aussi que j’évitasse le plus possible Monsieur Gédebras qui aimait se promener dans tout l’immeuble avec sa mine de défroqué sadique. Madame Coqualo, elle, fréquentait assidûment le local à poubelles en vue de satisfaire ses pulsions labiales et son goût immodéré pour cette liqueur tiède, blanche et sirupeuse que l’on pourrait qualifier de cent pour cent bio, issue de l’appendice dressé d’un mâle en extase…

Quant à moi, je cherchais une occasion favorable pour rencontrer Monsieur Ladérovitch, le fantôme de l’immeuble. Je savais bien qu’il aimait se réfugier (par hasard) dans le local à vélos où il semblait trouver un semblant de sécurité. C’est comme cela, qu’un après-midi, vers 16h10, après avoir affronté les multiples dangers du lycée, je décidai d’aller faire un tour dans la petite pièce du rez-de-chaussée pleine d’objets hétéroclites allant des vélos  aux landaus en passant par des bidons métalliques parallélépipédiques rouillés et pleins de substances odorantes et plutôt inquiétantes. C’est là que je retrouvais mon voisin à la mémoire effacée, sommeillant, assis par terre contre le vélo de course de Monsieur Gédebras.

Il ne dormait que d’un œil, l’autre lui servant à détecter la présence des nombreux démons cornus aux pieds fourchus qui le poursuivaient sans cesse. Il eut l’air de me reconnaître à moitié en contractant ce qu’il lui restait de muscles qui apparaissaient sous la peau fripée de ses bras nus.

Une nouvelle fois je lui montrais la photo du visage de Lola. Rien aucune réaction ! Son état psychique s’était-il, en si peu de temps, dégradé à ce point? J’allais partir, aussi déçu qu’une abeille bannie de sa ruche, quand j’eus l’idée saugrenue de lui tendre la photo en plan large de la partouze où Lola s’adonnait, nue, à des activités plus que charnelles. Une petite LED blanchâtre et coquine s’alluma dans son œil mort et il s’esclaffa :

- bokama, bokama !

Que voulait-il dire par là ?

 

 

 

A suivre...

 

Notes :

 

*Anagramme : mot ou groupe de mots obtenus en mélangeant les lettres d'autres mots.

 

 

 

 

 


Commentaires

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1. gabycmb  le 18-01-2014 à 11:32:26

Bonjour Prof
Il fallait être futé pour trouver!
Bonne fin de semaine.

2. prof83  le 18-01-2014 à 13:17:23

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Ici il pleut fort avec une alerte orange.
Bon week-end.

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posté le 12-01-2014 à 09:01:28

Grasse (70).

 

Le vélo de course de Mr. Gédebras, le manchot. 

 

La rencontre avec Monsieur Ladérovitch, dans le local aux deux roues, m’avait fortement déçu. Mon malheureux voisin, à la vue de la photo de Lola, s’était contenté de me dire « téléphone ». Une réponse bien sûr inappropriée, pas étonnante de la part d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il ne me restait plus qu’à repartir de zéro. Pourtant, par acquis de conscience, je me décidai à aller faire une dernière visite au fameux local pour m’assurer que je n’étais pas passé à côté de preuves utiles à mon enquête. Le vélo de course de Monsieur Gédebras était toujours là, probablement laissé à l’abandon par son propriétaire, manchot depuis pas mal d’années. Je soupçonnais mon voisin mutilé de faire partie du gang des parfumeurs grassois qui avait organisé l’enlèvement de Lola, ma pute chérie. Le vélo de course était banal. Les freins n’étaient certainement pas fonctionnels à la vue de leurs manettes trop molles et les boyaux des roues étaient crevés.

- Un objet du passé, murmurais-je en me dirigeant vers la sortie.

Cependant  un faisceau lumineux tombant sans se presser du néon maladif vint illuminer quelque chose située sous la selle de la bicyclette. En me penchant, malgré un lumbago qui m’agressait le bas du dos, j’aperçus sous la tige qui soutenait la selle, une plaque fixée par un collier métallique rouillé.  Pour une fois, mon portable me servit à quelque chose, juste à photographier la plaque avec une résolution de dix mégas pixels.


Voici la photo obtenue :

 

 

 Qui pourrait m’aider à comprendre ?

Apparemment, la partie verte représente la carte d’un pays, mais lequel ? Et les trois lettres « U.C.B », un sigle  qui pourrait signifier :

* Union des Corsaires Borgnes ou

* Union des Cocus Bruxellois ou

* Union des Corses de Bretagne ou

* Unis Contre Bayrou … etc.

Pendant toute la nuit qui suivit, je trouvais ainsi, pas le sommeil, mais des centaines de solutions possibles avec les trois lettres U,C,B.

Au petit matin, j’étais devenu un champion des « Chiffres et des Lettres ». Mon cerveau bouillonnait comme un potage de grand-mère oublié sur la cuisinière à bois d’une ferme provençale. Ma tête était aussi molle qu’un Reblochon* qui se pavanait au soleil et je me demandais comment j’allais pouvoir affronter :

-  les 1eres S, proches de la révolte à cause des contrôles surprises et donc inopinés,

- Jeanne, la prof d’anglais, demi-vierge par vocation, qui me faisait la « gueule » parce que je n’allais pas à ses rendez-vous,

- Françoise Jétoulu, la documentaliste, morte de rage depuis la mort du néon dans la salle de reprographie du CDI et qui me traitait d’impuissant chaque fois qu’elle me rencontrait dans les longs couloirs du lycée…

Bref, seule Lola aurait pu me remonter le moral et Lola avait disparu !

A douze heures quarante-cinq, enfermé à double tour dans mon labo de chimie, j’eus, en regardant le portrait de Lavoisier punaisé sur le mur défraîchi au-dessus de l’évier, comme une révélation : je venais de trouver la raison pour laquelle Monsieur Ladérovitch avait prononcé le mot « téléphone » en regardant la photo de Lola. Et vous ?...



A suivre 


Notes :


 * Reblochon: fromage de lait de vache fabriqué en Savoie (France), à pâte molle non cuite et à croûte de couleur rosée.

 

 

** Lavoisier: Antoine Laurent de Lavoisier, né le 26 août 1743 à Paris et guillotiné le 8 mai 1794 à Paris, est un chimiste, philosophe et économiste français. Il a énoncé la première version de la loi de conservation de la matière, démis la théorie phlogistique, baptisé l'oxygène et participé à la réforme de la nomenclature chimique. Il est souvent fait référence à Antoine Laurent de Lavoisier en tant que père de la chimie moderne.

 

 

 

 

 

 


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