posté le 24-04-2008 à 14:34:33

Confidences.

                                    

Jeudi matin dans la salle des profs après la récré de 10h, nous nous retrouvâmes, ELLE, assise à la table et moi enfoncé dans le fauteuil du coin près de la fenêtre. Les autres profs étaient partis et nous, nous avions un " trou " en commun dans notre emploi du temps. ELLE avait la tête baissée sur des copies qu'ELLE feuilletait distraitement. Moi je regardais ailleurs en l'ignorant alors que j'étais raide dingue d'ELLE. En aucun cas je ne voulais la gêner, la déranger ou provoquer en ELLE le moindre désagrément. C'est pourquoi pour éviter de la " dévorer " du regard, je me levais et j'allais dans la salle d'informatique tout à côté. J'ai cherché sur internet un site sur "  l'identification des ions en solution aqueuse " et j'ai lancé l'impression sur l'imprimante lexmark un peu lente et bruyante. ELLE rentra dans la salle quelques minutes plus tard en disant : " j'ai une petite faim, je vais voir dans le frigo s'il n'y a pas quelque chose à manger. " Je ne répondis pas, ne sachant pas si ELLE s'adressait à moi ou si elle pensait à voix haute. ELLE ne trouva rien et vint s'asseoir près de moi pour aller sur internet sur l'ordinateur à côté. Je trouvais soudainement que l'imprimante lexmark faisait un bruit de tambour et sur l'écran j'ai aperçu par moments des caractères japonais ou chinois, allez savoir. Pour dire la vérité, sa présence près de moi provoquait un phénomène digne de la cinquième dimension ou disons qu'ELLE représentait à ce moment là une portion du triangle des Bermudes. ELLE pestait parce qu'elle n'arrivait pas à rentrer dans le site de l'académie de .... Moi j'étais " calme " et apparemment absorbé par mes recherches. " M.... j'en ai assez, c'est toujours pareil, impossible de me connecter depuis quelques jours " pestait-elle en me lançant de petits regards désespérés. Elle me raconta qu'elle cherchait à s'inscrire à un stage pour préparer l'agrégation de lettres l'année prochaine et que le temps pressait. " Tu ne peux pas m'aider ? " me dit-elle alors que j'étais en train de me noyer dans le triangle des Bermudes. " Oui bien sûr ! " dis-je avec l'air détaché et serein d'un condamné à mort que l'on vient de gracier. Et je me suis penché sur ELLE, derrière son dos pour regarder son écran. Mon nez tanguait sur sa nuque et se délectait de son parfum léger et envoûtant. Mes yeux avaient une vue plongeante dans son décolleté dans lequel je voyais des soupçons de merveilles... Peu à peu je devenais du beurre dans une poêle chaude...Je l'ai aidée comme j'ai pu en frôlant à tout moment le bug de l'an 2007. Le problème fut réglé et elle me remercia. Elle se confia un peu à moi. " Tu sais me " dit-elle " que je suis arrivée dans ce collège il y a déjà trois ans alors que j'habitais à ........ (ville située à 150km d'ici) "  J'écoutais sans rien dire muet comme un moine ayant fait le vœu du silence absolu. Elle poursuivit "  en fait c'était à la suite d'une rupture sentimentale. Ca a été horrible et je ne pouvais plus supporter la ville de ..... qui me rappelait trop de souvenirs. Mais maintenant ça commence à se cicatriser... "  Que dire après cela ? J'ai regardé ses beaux yeux un peu tristes et j'ai compté les taches de rousseur de son visage. Je commençais à perdre pied. Savait-elle que sa présence, son parfum, le discret halo qui l'entourait me liaient à elle comme Milou à Tintin ?   La sonnerie de 11h vint à point pour interrompre mon début de panique. Les élèves de 4ème E m'ont vite fait ressortir du triangle des Bermudes. Le marin naufragé redevint le dictateur sans moustaches...

 

 


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1. Lhouria  le 24-04-2008 à 14:45:12  (site)

Salut ! Je trouve que tu parles d'ELLE d'une façon merveilleuse. Tu écris très bien. As-tu déjà penser à écrire un peu plus qu'un blog ?
Bonne après-midi
Bisous

2. indobui  le 24-04-2008 à 18:17:33  (site)

Salut,
je constate que tu aime tout de même bien te noyer en sa présence.
Et que a chaque fois quelque chose viens te sauver.
Un jour peut-être te sauvera t-elle elle même en te disant " je t'aime"

Quoi moi aussi j'ai le droit de rêvè.
Bonne soirée

3. esuna  le 24-04-2008 à 22:57:29

Ah ! Je trouvais ça bizarre de ne pas entendre parler d'Elle !
Mais tu n'arriveras à rien si tu fais l'indifférent !!!!
smiley_id119149Un p'tit sort, on sait jamais !
BisouxxxxxMagicien

4. zorro  le 24-04-2008 à 23:49:10

Tu ne parles pas d'arrêter le blog ici ... Peux-tu m'expliquer ce mystère ?

5. esuna  le 24-04-2008 à 23:56:31

smiley_id124453smiley_id119149smiley_id118688
Magicien

6. Galate2  le 25-04-2008 à 11:15:34  (site)

Ahhh! Je souffre pour toi et avec toi! C'est trop dur ta situation!
Bisous

7. prof83  le 25-04-2008 à 17:31:15  (site)

A zorro
Un mystère ne s'explique pas.Je plaisante. En lisant mon article où tu sais, tu as dû comprendre que je me plaignais du manque de réaction de mes "lecteurs".

8. zoe  le 26-04-2008 à 17:51:10  (site)

pkoi tu l'invites pas à boire un verre?en plus elle est seule!

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posté le 23-04-2008 à 15:21:46

Le compte-tours.

 

               

Le mercredi, j’ai deux groupes de 3ème de 10h à 12h. Si vous vous

souvenez, avant les vacances, j’ai eu une histoire avec un élève, François, qui avait reçu un texto de son frère de «  deux   ans ». Je lui avais demandé son carnet pour lui mettre une observation et il avait prétendu l’avoir perdu. Aujourd’hui, je le vois arriver à 11 h, l’air rigolard avec cette tête de faux jeton, capable sans sourciller de vous planter un « couteau dans le dos ». Je demande aux élèves de sortir leur cahier de leçon et je commence à écrire au tableau une partie du cours concernant la loi d’Ohm (U=R x I ) en vue du contrôle de vendredi. Dix minutes plus tard, je me souviens que j’ai laissé sans surveillance du lait sur le feu (François, près d’un ordinateur) et je m’aperçois qu’il rigole en bavardant avec son compère, le trouble Michel, aussi net que des verres de lunettes dans le brouillard londonien. Et le comble, c’est que François n’a même pas sorti ses affaires. Alors, moi, le prof méchant et sévère je lui demande : « François donne mon ton carnet ! » Innocent que j’étais ! Demander son carnet à François c’est comme demander une augmentation de 0,0001% à Xavier Darcos (le ministre de l’éducation nationale) qui ne donne jamais rien. François me répond (croyant que j’ai la maladie d’Alzheimer et que j’ai oublié l’ histoire de l'autre fois) : « Monsieur, j’ai perdu mon carnet ! » Connaissez-vous le nombre de tours par minute du moteur de la Ferrari de Kimi Raikkonen au départ d’un grand prix de F1 ? Non ? En tout cas, mon cœur avait la même fréquence ! C'est-à-dire que l’aiguille était dans la zone rouge du compte-tours, une zone peu fréquentable et dangereuse dans laquelle le moteur (mon cœur) pouvait casser. Je respire un bon coup et je me demande ce que ferait le dalaï lama dans de telles circonstances. Prier ? Croire aux miracles ? He bien non ! J’élève la voix et je dis : « François, tu vas aller en permanence ! ». François gardait ce sourire niais, aussi incompréhensible que le raisonnement de Schrödinger pour sa fonction d’onde dans la mécanique quantique. Et le pire, c’est que Michel, le copain, l’acolyte, le complice, le fourbe, se lève et me dit : « Monsieur, ce n’est pas juste ! »  Mon cœur n’avait vraiment pas besoin de cela ! Alors, rassemblant le peu d’énergie qui me restait, j’ordonnais:

« Michel, tu vas aller toi aussi en permanence ! »

 Quand les deux nigauds furent partis, je sentis comme un peu d’air frais chatouiller mes narines…

 

 


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1. Lhouria  le 23-04-2008 à 15:31:32  (site)

Salut ! Eh ben, pas faciles les troisièmes... Mais je crois l'avoir remarqué lors d'un stage. J'espère que tça finira par s'arranger.
Bonne après-midi
Bisous

2. Galate2  le 23-04-2008 à 19:33:09  (site)

Non mais euuu! Et elle est où la fin de l'histoire de ELLE?
François, c'est chez le dirlo que tu devrais l'envoyer! C'est vraiment pour ça que je n'ai pas voulu devenir prof. Je crois que j'aurais sorti ma kalachnikof!
bise

3. Esuna  le 23-04-2008 à 21:37:01

Incroyables ces sales mômes !shocked
Tiens, j'ai eu le bulletin trimestriel de mon filston accompagné du compte-rendu du conseil de classe du 2ème trimestre = presque tous les profs parlent d'un groupe d'élèves perturbateurs( toujours avec le même meneur bien connu). C'est vraiment casse-pieds, ces élèves empêchent les autres de travailler.
Une prof' écrit en en parlant "qui trouvent un bon public" et je questionne Guillaume qui répond "on est obligé de rire, ils sont trop marrants". C'est malin !
J'adore une autre prof' qui écrit juste "classe de caractère". C'est tout. Rire

Faut avoir le coeur bien accroché dis donc avec ces élèves !
Les profs de Guillaume sont souvent plus sévères et donnent facilement des heures de colle.

Bonne soirée et bisouxxxxsmiley_id118698

4. indobui  le 23-04-2008 à 21:51:55  (site)

Salut,
moi je sais pourquoi tu ne craque pas.
Car si tu craquais tu ne pourrais plus aller dans la salle des profs et ne plus avoir ton rayon de soleil.(tu sais de quoi je parle).
Bonne nuit.

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posté le 22-04-2008 à 23:30:00

Panique.

Ce matin cours de 9h à 12h avec des 5èmes avec lesquels j'ai eu l'impression de toucher le fond du gouffre. Imaginez sept ordinateurs pour 18 élèves. Autant dire que 4 élèves n'avaient pas de poste. Un drame pour ceux que j'ai mis dans la rangée du milieu pour faire des exercices. Ils regardaient avec envie leurs camarades qui pianotaient sur les claviers. Parmi eux 80% n'arrivaient pas à comprendre les consignes, ni le fonctionnement du logiciel que j'avais écrit sur les éprouvettes graduées. On m'appelait de toutes parts, m'sieu par-ci, m'sieu par-là et j'ai vite regretté mon imprudente prétention informatique. Trois heures comme ça et à midi j'étais aussi épuisé qu'un joueur de tennis qui a perdu son match par 6-0, 6-0, 6-0. Et encore ma journée n'était pas finie. A 14h je devais affronter les terribles 3èmesC et leur expliquer l'électrolyse de la solution de chlorure de cuivre. Autant dire parler en chinois à des pygmées. Ce fut épique, je tenais bon dans l'adversité, je colmatais les brèches, j'allais à droite, à gauche, au tableau pour faire un schéma. Je parlais, j'expliquais, je dessinais, je faisais l'expérience devant trente élèves qui se demandaient pourquoi je les embêtais ainsi, pourquoi je leur faisais subir ce supplice chimique... Bilan de tout ça : une extinction de voix pour un maigre résultat. Je pense qu'ils n'ont rien compris, perdus dans leur agitation incompréhensible, leurs sourires niais et leurs bavardages pathologiques. A 15h la sonnerie m'a sauvé d'une dépression certaine. Je suis allé dans la salle des profs pour souffler un peu , me reposer dans mon fauteuil préféré, boire un verre d'eau et écouter la prof de math que se plaignait des 3èmesD qui n'avaient rien compris au cours de géométrie. Je me sentais moins seul dans cette communauté des profs incompris des élèves, des parents d'élèves, de l'administration, des médias, du facteur, de ma concierge.... ELLE rentra dans la salle, je vis son jean's et ses chaussures blanches et..........

 

 


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1. indobui  le 22-04-2008 à 23:39:01  (site)

re,désolé trop tard pour répondre donc un vrai comme demain.
bonne nuit.

2. feline  le 22-04-2008 à 23:56:42  (site)

kikou! je passe te souhaiter une très bonne soirée! gros bisous
Pas facile de donner cours sans matériel!

3. Lhouria  le 23-04-2008 à 00:17:31  (site)

Ahah ! Il y a donc une ELLE dans l'histoire de ce pauvre prof' martirisé par ses élèves... Affaire à suivre, mdr !
Bon mais dis-moi, c'est tous les jours comme ça ?! Quoi qu'il en soit, tu n'as toujours pas réussi à démotiver la future prof' que je suis, lol !
Bisous

4. carole  le 23-04-2008 à 07:46:47  (site)

je viens te souhaiter un bon mercredi

5. Galate2  le 23-04-2008 à 08:42:22  (site)

Et Quoi!!! Arrgghhh...Tu serais pas un peu sadique des fois à nous faire attendre la suite de tes histoires???
Bise

6. feline  le 23-04-2008 à 12:01:36  (site)

kikou! jute un petit bonjour en passant! gro bizoux

7. Imperatrice  le 23-04-2008 à 13:02:22  (site)

Image hébergée par servimg.comcourage lol!

8. indobui  le 23-04-2008 à 21:49:55  (site)

Salut,
toujours amoureux a ce que je vois.

9. zoe  le 27-04-2008 à 14:59:25  (site)

Et koi ?????????

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posté le 21-04-2008 à 22:51:00

Souvenirs(15)

Céline, arrête de parler ! Elle me regarde avec un sourire indéfini et continue.

Céline, arrête de parler ! Autant dire que ma voix n'atteint pas ses tympans.

Céline si tu continues tu vas avoir une observation !

Elle hésite un peu et puis recommence.

Bon Céline ça suffit maintenant !

Plus rien. Je la regarde du coin de l'œil et je continue mon cours.

Quelques minutes plus tard, je vois Céline écrire sur un morceau de papier qu'elle passe à sa copine Stéphanie, une brune à qui on ne peut pas faire confiance. Tout ça me lasse ; 

 

 mon cours ressemble à de la viande hachée de chez Mac Do...

Je vais vers elle et je lui demande de cesser d'écrire. Alors elle me regarde droit dans les yeux et me dit : " mais monsieur, comme vous m'empêchez de parler je suis bien obligée d'écrire à ma copine ! " Les bras m'en tombent. Je respire un bon coup pour faire rebaisser ma tension qui doit frôler les 22, 18. Je n'oublie pas Nicolas que je dois surveiller constamment comme du lait sur du feu ; il lorgne sur l'ordinateur...Que dire de François qui continue une activité louche que je n'ai jamais réussi à définir.

Céline se retourne maintenant vers Alain qui lui fait les yeux doux. Un grand dadais franchement laid qui plait aux filles ; allez savoir pourquoi... Un autre mystère à éclaircir !

Et Céline se retourne encore et encore.

Je crie : " Céline, regarde devant toi ! "

Une nouvelle fois ses yeux se fixent sur les miens et elle me lance : " Mais monsieur devant il n'y a rien à voir ! " Devant il y a quand même le tableau avec une équation-bilan qu'elle doit recopier et équilibrer, il y a la paillasse avec une expérience de chimie qu'elle doit décrire et surtout il y a moi, le prof ! "  Quel prof ?" Elle n'a pas posé cette question, mais à son air fourbe et insolent j'ai compris que son cerveau avait pensé cela . Ma tension a atteint des sommets vertigineux comme l'aiguille du compte-tours qui va dans la zone rouge.

 

 


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1. imperatrice  le 22-04-2008 à 07:37:06  (site)

Image hébergée par servimg.com

2. Galate2  le 22-04-2008 à 15:12:30  (site)


Zen soyon zen...
Bise

édité le 22-04-2008 à 15:24:00

3. Lhouria  le 22-04-2008 à 21:18:19  (site)

Salut ! Eh ben... Céline et Stéphanie... C'est marrant, je suis l'une et une copine à moi est l'autre (je parle des noms). Bref, c'est sûr que ça doit pas être évident. Mais bon, tu l'as choisi, non ?!
Bonne soirée

4. indobui  le 22-04-2008 à 22:20:09  (site)

Salut,
veux tu que j'écrive a ton ministre pour qu'il vous donne l'autorisation de massacrer les 4 ou 5 élèves de chaque classe qui sont les pires afin de justifier la réduction des effectifs à la rentrée prochaine?
Bonne soirée.

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posté le 21-04-2008 à 10:14:55

Le voyage.

 

Une nouvelle, écrite un jour de pluie, pendant les vacances...

 

Cette année 2008 avait déjà vécu quatre mois. Elle ressemblait aux autres années, dure à démarrer, puis prenant de la vitesse…J’avais vingt ans et on s’était réunis ce samedi soir chez Marco pour faire la fête, boire avec déraison, fumer et aimer. Ce n’était plus de la drague ; les filles qui venaient là, s’offraient sans retenue. On s’asseyait où l’on pouvait et on disparaissait parfois dans la chambre d’à côté, la main serrée sur un préservatif qui nous donnait une illusion de sécurité. L’air se chargeait d’odeurs, les bruits devenaient diffus et nos neurones passablement bousculés tentaient d’établir entre eux des connexions incertaines. Justine avait apporté le dernier CD de Grand Corps Malade, « Enfant de la ville » et on entendait sa voix débiter les mots de sa chanson « 4 saisons » :

………

 j'ai vu les arbres avoir des feuilles

et les filles changer de godasses

j'ai vu les bistrots ouvrir plus tard

avec des tables en terrasses

 

y avait pleins de couples qui s'embrassaient

c'est les hormones, ça réagit

c'est la saison des amours

et la saison des allergies

……..

 

Mais qui écoutait ce texte hautement philosophique ?

Vincent, aussi clair que l’eau de la Seine en Novembre, nous rabâchait sans cesse ses obsessions : le commerce équitable, la faim dans le monde, le danger des OGM… Et parfois, mu par un délire explicable, il lançait sa phrase préférée : « Sauvons la planète ! » Je le regardais alors, allergique aux divagations des médias et il retombait dans un état semi-comateux. Michel sortit du réfrigérateur fatigué, une bouteille de champagne à peine fraîche et je compris alors que tout le monde voulait me faire boire pour vérifier si je tenais bien l’alcool. Ils savaient bien, que j’étais le plus sérieux d’entre eux ou du moins celui qui voulait conserver le contrôle de son cerveau. Je voulais refuser, repousser le verre plein que l’on me tendait et pourquoi pas, m’enfuir de ce lieu si agréable. J’ai vu le regard qu’Emilie a posé sur moi et j’ai cru deviner, dans la noirceur de ses yeux, des promesses de bonheur. J’étais venu pour elle, pour essayer de la séduire. C’est vrai qu’une heure plus tôt, elle avait disparu, main fermée, dans la chambre d’à côté. Avec qui ? Mario ou Sébastien ou Michel ? Alors pour me venger d’elle, j’ai bu un verre, puis un autre ; j’ai ingurgité des mélanges explosifs dans lesquels je détectais au début, des relents de whisky ou de cognac. Ma vue se troublait ; je titubais en m’accrochant à la manche du pull de Stéphanie et puis plus rien. Ma tête était devenue un manège désenchanté, une espèce de champ de bataille brumeux où un tambour vengeur battait la démesure.

J’étais allongé par terre et j’ai senti une main qui tirait la mienne pour me relever. J’ai ouvert les yeux, mes oreilles se sont débouchées grâce à une chanson qui martelait mes tympans :

….

   C'est l'histoire d'un amour, éternel et banal

Qui apporte chaque jour tout le bien tout le mal

Avec l'heure ou l'on s'enlace, celle ou l'on se dit adieu

Avec les soirées d'angoisse et les matins merveilleux

 

Mon histoire c'est l'histoire qu'on connait

Ceux qui s'aiment jouent la même je le sais

Et tragique ou bien profonde

C'est la seule chanson du monde

Qui ne finira jamais.

….

 

Un souffle chaud a fait vibrer mon oreille, une voix féminine répétait : « Alors, tu n’aimes pas cette chanson ? C’est Dalida qui te fait cet effet ? »

Dalida ? Devant moi se tenait une jeune fille ; je voyais sa jupe, gonflée par un jupon froufroutant. A ses pieds, des ballerines rouges, passablement démodées. Elle me serra contre elle en m’entraînant sur la piste de danse. Bizarre, comme elle était vêtue. Elle me demanda si j’avais vu le dernier film de   Richard Brooks, « La chatte sur un toit brûlant », qui venait de sortir. Ce film, je l’avais vu il y a bien longtemps dans un cinéma de quartier qui avait organisé une rétrospective du cinéma américain de l’année 1958. Je ne comprenais plus rien. Elle me donna son prénom : « Gloria ». Elle ajouta, avec un sourire timide « comme Gloria Lasso ; ma chanteuse préférée… » . Elle était si jolie, brune, avec des yeux de braise et des seins si durs…Elle se collait à moi ; j’étais gêné. Elle murmura dans mon oreille, son nom et son adresse et glissa dans ma poche un morceau de papier. « On pourrait se revoir ? » me dit-elle. Son parfum fort me saoulait presque. La tête me tournait ; je sentis le manège redémarrer brutalement pour m’entraîner dans une ronde vertigineuse qui me fit tomber, inconscient sur le sol. En rouvrant les yeux, je vis qu’Emilie était penchée sur moi, inquiète. Grand Corps Malade chantait encore :

….

  

j'ai vu les feuilles qui tournoyaient

comme des ballons de baudruche

j'ai remis une de mes vestes

avec une capuche

 

j'ai vu la pluie, j'ai vu le vent

les rayons de soleil malades

j'ai vu les K-ways des enfants

qui partent aux châtaignes en balade

 

On voulut me faire boire de l’eau fraiche pour me sortir de cette léthargie laineuse, mais le baiser d’Emilie sur ma bouche me ranima brutalement.

Pour éviter les plaisanteries stupides, je cachais à tout le monde ce qui m’était arrivé. Emilie me raccompagna vers ma voiture. J’en profitais pour lui tripoter maladroitement les seins dans l’ascenseur. Elle se laissa faire, mettant ce geste sur le compte de mon malaise.

En arrivant chez moi, je constatais que mon portable avait disparu et je trouvais dans ma poche un morceau de papier plié en quatre sur lequel je lus péniblement un nom et une adresse : Gloria S…., rue….. ».

Le lendemain, espérant récupérer mon portable, je partis à la recherche de cette Gloria. La rue qu’elle m’avait indiquée n’existait plus, remplacée par une station d’essence Esso et une petite superette Casino. Il ne me restait plus qu’Internet pour retrouver cette mystérieuse fille, en espérant qu’elle avait conservé son nom :S…

La chance me sourit : je retrouvai bien une certaine Gloria S… rue des Capucines. Un instant j’ai imaginé sa vie : triste célibataire ou divorcée libérée…Je sonnais à sa porte. Une vieille femme m’ouvrit. Elle avait les cheveux blancs et devait avoir dans les soixante quinze ans. J’étais plutôt décontenancé et je me suis dit qu’elle devait être la mère de la charmante jeune fille brune. « Je n’ai pas de fille ! » me dit la vieille femme soupçonneuse, « Gloria S…, c’est moi ! ». Mes tempes battaient comme soumises aux fureurs d’un marteau pilon ravageur. Elle me regarda droit dans les yeux et murmura : « Mais j’ai l’impression de vous connaître… ». Elle se tut un instant, semblant chercher dans sa mémoire, peut-être défaillante, des souvenirs lointains. Elle poursuivit : « Oui j’ai connu, il y a une cinquantaine d’années, un garçon qui vous ressemblait. Votre père peut-être ? » Je ne savais quoi dire et je lui tendis le papier froissé sur lequel figurait son nom et son adresse. Elle poussa un cri : « ho, mais c’est mon écriture. C’est le billet que j’ai donné à un charmant garçon que j’ai rencontré dans une guinguette des bords de la Seine dans les années cinquante huit…Il a mystérieusement disparu ». J’étais abasourdi, tentant vainement de trouver une explication : « Mais ce billet, c’est une jeune fille brune qui me l’a donné il a quelques jours… » La vérité commençait à remonter à la surface des eaux obscures. J’essayais d’expliquer à la vieille femme ce que je croyais avoir subi : un voyage dans le temps d’une cinquantaine d’années dans le passé. Elle ne sembla pas perturbée par ma théorie fumeuse et déclara rapidement : « Si c’est ça, j’ai un objet à vous rendre que j’ai conservé dans une boîte pendant cinquante ans… » Sa voix se fit plus gênée : « un objet que je vous ai dérobé, quand nous dansions en 1958, le jour de mon anniversaire…Je vais le chercher ! » Elle revint avec une boîte métallique et poussiéreuse, de laquelle elle sortit mon portable qu’elle me tendit en tremblant : «Voilà c’est ça, un objet qui n’a jamais fonctionné…»  

Je quittais la vieille en ne sachant que penser.

Quelque temps tard, j’avais complètement oublié cette affaire, quand mon portable sonna. Une voix féminine me dit : « Bonjour, c’est moi, je t’invite pour fêter mon anniversaire. Je vais avoir vingt six ans. On écoutera le disque de Gloria Lasso qui vient de sortir. Attends, je vais te faire entendre mon morceau préféré :

 

…….

 

Tu m'étais destiné
Dès le premier jour des jours
Ta vie m'était donnée
A... avec l'amour

En te trouvant mon cœur
A reconnu sa joie
Le chemin du bonheur
Venait vers toi

Ton corps est fait pour le mien
Ton bras pour m'enlacer
Ta bouche te fut donnée pour m'embrasser
Ta main pour prendre ma main

Qu'importent les années
Puisque j'ai ton amour
Tu m'étais destiné
Depuis toujours

Tu m'étais destiné
Dès le premier jour des jours
Le chemin du bonheur
Menait vers toi.

……..

 

A la fin de la chanson, elle me dit :

 Mais tu me reconnais au moins ? C’est moi Gloria S… »   

 

 


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1. Galate2  le 21-04-2008 à 10:27:38  (site)

J'ai déjà entendu ce genre d'histoire... Mais en tout cas, elle était captivante.
Bisous

2. esuna  le 21-04-2008 à 11:43:44  (site)

Bravo, tout simplement !
smiley_id117725Bonne journée, profites bien avant demain.

3. carole  le 21-04-2008 à 12:04:14  (site)

beau texte!
bon lundi

4. indobui  le 21-04-2008 à 12:16:08  (site)

Salut,
superbe histoire.
je te souhaite un bon lundi et bonne reprise.

5. leokadiezouloufi  le 21-04-2008 à 14:36:38  (site)

ça me fait un peu penser à " retour vers le futur " le 1er je crois, à la fin quand il est seul sous la pluie, perdu dans le passé et qu'il reçoit une lettre de doc ....
tres belle histoire
merci

édité le 21-04-2008 à 14:36:55

6. LeokadieZouloufi  le 21-04-2008 à 17:49:36  (site)

j'ai toujours adoré l'asie et tout ce qui touche ce continent . pas la dictature, pas les guerres, pas le non respect des droits de l'homme, et toutes ces horreurs . non mais l'art, la bouffe ( +++++ ) etc ....

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