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Finalement, j’étais un homme poursuivi :
-Poursuivi par Monsieur Coqualo qui me draguait.
-Poursuivi par Madame Coqualo qui me harcelait sexuellement.
-Poursuivi par Mademoiselle Belœil qui me faisait les yeux doux.
-Poursuivi par Monsieur Gédebras, le manchot, qui voulait me faire jouer au volley.
-Poursuivi par Aldo, Marco et Pipo qui voulaient m’entraîner dans des soirées gays.
-Poursuivi par Marilyne, la prof de philo qui oubliait Platon lorsqu’elle faisait dresser mon anatomie.
-Poursuivi par Emile, le futur ex-mari de Marilyne, tueur à ses heures perdues et qui voulait vraisemblablement m’assassiner dans son club de tir à l’arc en me faisant jouer le rôle de cible vivante.
Décidément Grasse devenait pour moi une ville dangereuse où je risquais ma réputation et ma vie bien plus que si je résidais à Kaboul où dans le quartier chaud de Harlem à New-York.
Ma seule consolation, le baume qui apaisait toutes mes angoisses, c’était Lola, lorsque je la voyais dans ma coursive (de plus en plus rarement) en train de lancer des paquets de cigarettes à Paulo le taulard, son protecteur, détenu dans la prison pour quinze ans encore ou quand je la voyais déambuler en mini-jupe en remuant des fesses, exerçant, dans la rue de mon immeuble, le plus vieux métier du monde.
Lola, c’était mon sirop à la menthe, ma barbe à papa colorée et ouatée à souhait dans laquelle j’aurais bien aimé me vautrer pour oublier tous mes soucis. Lola, c’était « mon avenir à moi », la fille à laquelle je rêvais d’offrir des bonbons comme dirait Jacques Brel. Quand, après une journée passée dans ma prison (le lycée), je la voyais me lancer des œillades près du hall de mon immeuble, mon cœur se mettait à battre comme une symphonie de Mahler.
Et quel scandale si les grassois apprenaient qu’un prof, éducateur de leur progéniture, était amoureux d’une pute.
Alors, comme pour me faire du mal, je fantasmais sur la relation qui existait entre un vieux professeur et Lola dans l’ange bleu (1), un film de 1930, craignant de terminer ma vie comme lui.
En tout cas, ma relation avec Marilyne ne pouvait plus durer. Elle souhaitait qu’elle fût secrète, alors que moi, pour affirmer mon hétérosexualité, je désirais la montrer aux grassois. Et en plus, son mari avait l’air d’un fou dangereux.
Il ne me restait plus qu’à choisir une nouvelle « victime » dans la salle des professeurs. Je pensais à Jeanne, la prof d’anglais, vieille fille patentée et certifiée presque conforme, car elle m’avait avoué, un soir d’infortune (un conseil de classe qui s’était terminé fort tard) qu’elle était presque vierge. Ce qui semblait plus vague que la théorie quantique relativiste où l’on n’était sûr de rien. Sur le plan physique, on pouvait dire que Jeanne était belle. Mais belle de l’intérieur ! L’extérieur, quant à lui, aurait été plutôt quelconque, si, la pauvre, n’avait pas eu des yeux un peu proéminents. Mais elle était gentille avec moi et souvent, quand j’avais envie d’un café, je l’envoyais en mission périlleuse vers la machine à boissons que l’administration avait eu la malencontreuse idée de placer dans la cour de récréation du lycée. Alors la pauvre, pour me faire plaisir, allait chercher mon café en se faufilant parmi les élèves qui s’écartaient à peine pour la faire passer, sans parler des affreux qui en profitaient pour se coller à elle et s’exciter sur ses fesses. La bandaison a des raisons que la raison ne connaît point, comme dirait Blaise Pascal ou Brassens peut-être…
Ce soir-là, je prétextais une panne de voiture pour demander à Jeanne de me raccompagner chez moi…
A suivre…
Notes :
1 :L'ANGE BLEU
(Der blaue Engel)
Réalisé par Josef von Sternberg
Avec Emil Jannings, Marlene Dietrich, Kurt Gerron, Rosa Valetti, Hans Albers, Reinhold Bernt
Allemagne (1930) – 124 mn
Un professeur très autoritaire sombre dans la déchéance en succombant à la passion dévastatrice qu'il éprouve pour une chanteuse de cabaret...
En Allemagne en 1924, en se rendant dans un cabaret pour empêcher ses élèves de s'y corrompre, un vieux et sévère professeur de lycée célibataire s'éprend d'une séduisante danseuse aux tenues de scène affriolantes, l'épouse et la suit en tournée…
Le mari de Marilyne,
la prof de philo.
Dans ma tête, cette clé qui tournait dans la serrure devenait un roulement de tambour qui annonçait ma perte.
Marilyne se redressa brusquement et saisit à la volée un paquet de copies qui traînaient à ses pieds. Moi, en tremblant, je remballai mon affaire en refermant ma braguette et je m’éloignais d’elle de trente bons centimètres. Et le mari de Marilyne entra dans le salon. Grand et mince, il avait l’allure d’un révolutionnaire russe qui avait tué le tsar Nicolas II (1). Autant dire qu’il aurait même effrayé une armée de bolcheviks habitués aux bains de sang. Il me regarda fixement, comme si son cerveau malade tentait de savoir si j’étais l’amant de sa future ex-femme.
Marilyne essayait de cacher sa nervosité en me présentant comme un collègue qui venait préparer avec elle, le sujet du bac blanc de philosophie.
Alors il me serra la main avec une force qui me faisait présager le pire.
« Vous êtes professeur de philosophie vous aussi ? » dit-il d’un ton lugubre ?
Pouvais-je lui répondre que j’enseignais la physique et que Platon m’était aussi étranger que la mécanique quantique (2) pouvait l’être à un mécanicien d’automobiles.
Alors, malgré moi, je dus mentir et prétendre être un professeur de philo.
Il me répondit :
« Moi, je suis professeur de tir à l’arc ! »
Et devant mon air de débile profond, il ajouta :
« Et je possède aussi une armurerie ! »
Bref, il avait le profil d’un tueur !
C’est à ce moment-là, que je crus voir, sous sa veste, le relief caractéristique d’un révolver gros calibre.
Je me demandai alors, à quel moment il allait tirer sur moi.
Pour détendre l’atmosphère, Marilyne nous proposa de boire un Cognac. Je pensais :
« Le dernier verre du condamné à mort ! »
Le futur ex-mari qui se prénommait Emile, comme Zatopek (3) ou Zola, m’inondait de questions sur les philosophes grecs de l’antiquité. Il était cultivé, certes, mais surtout il devait bien se douter que la philosophie n’était pas la matière que j’enseignais.
Je répondais tant bien que mal en essayant de puiser dans mes anciens souvenirs de lycée. Souvent Marilyne intervenait pour compléter mes réponses aussi vaseuses que les rizières d’Asie. Chaque fois, Emile lui lançait un regard peu sympathique.
J’étais soumis à une véritable torture psychique de la part d’un paranoïaque sadique. J’avais hâte de partir, de quitter ce lieu toxique, de retourner chez moi, dans mon appartement, même s’il était situé au-dessus de la prison de Grasse. Je me levais donc pour prendre congé. Marilyne me lança un regard de détresse. De toute évidence, elle avait peur de rester seule avec Emile.
Il mit sa main sur mon épaule pour me forcer à me rasseoir.
« Mais on dirait que vous êtes pressé de vous enfuir ! » me dit-il.
Il voyait juste le bougre !
Je cherchais une raison valable pour justifier mon départ et je ne trouvais que :
« Je ne voudrais pas manquer mon feuilleton « Plus Belle La Vie ! »
Il se mit à rire comme le ferait Satan dans les gouffres soufrés de l’enfer.
Marilyne était décomposée.
Il fallait que je partisse au plus vite, j’étais au bord de la crise de nerfs. Emile serra très fort mon avant-bras et me dit :
« Je vous invite dans mon club de tir à l’arc. Vous pouvez venir quand vous le désirez ! »
Et pour ajouter à mon effroi, il déclara :
« Car en ce moment, on manque de cibles vivantes ! »…
A suivre…
Notes :
1 : Emprisonné à Perm, puis à Tobolsk et enfin à Iekaterinbourg, Nicolas II et sa famille furent exécutés dans les caves de la villa Ipatiev , le 17 juillet 1918, par un groupe de bolcheviks commandé par Iakov Sverdlov et Iakov Yourovsky, peut-être sur l'ordre de Lénine ; les Bolchéviques craignaient que le symbole même de l'autocratie en Russie, le tsar, ne soit libéré par les Blancs.
Les corps de la famille impériale furent chargés sur un camion puis transférés dans une forêt proche de Iekaterinbourg. Ils sont jetés dans un puits de mine d'où ils furent, quelques jours plus tard, retirés pour être ensevelis sous un chemin forestier.
2 : La mécanique quantique est la théorie physique issue d'un des plus grands défis de la science : celui de vouloir comprendre le comportement des particules qui nous composent, et qui composent jusqu'à nos instruments de mesure ! Et c'est là l'obstacle principal que la mécanique quantique a eu à surmonter. Comment réussir à comprendre le comportement des particules quand les objets que nous manipulons sont constitués de plusieurs milliards de milliards de ces mêmes particules ?
On a beaucoup dit qu'elle était la théorie la plus éloignée de notre logique - disons surtout qu'elle a mis les neurones de beaucoup de monde à rude épreuve.
La mécanique quantique, la théorie, la vraie, ne fournit que des outils mathématiques très complexes qui permettent de prévoir les résultats des mesures. Elle dit "voici ce que vous allez mesurer". Elle ne dit pas "voici ce qui s'est passé". Et pour cause ! Tout ce qui se passe en mécanique quantique n'est pas accessible à notre expérience directe : on ne peut pas constater de nos yeux ce qui se passe.
3 : Emil Zatopek est un coureur de fond tchécoslovaque, né le 19 septembre 1922 à Kopřivnice (Tchécoslovaquie), mort le 22 novembre 2000 à Prague (République tchèque). Zatopek est détenteur de 4 titres olympiques et de 18 records du monde.
L'étagère de Marilyne.
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Franchement, j’étais un peu déçu par l’attitude de Marilyne.
Elle m’expliqua un peu plus tard, qu’elle était en instance de divorce et que son mari avait des tendances paranoïaques. Ma libido (1) déclina brutalement quand j’entendis cela. J’avais bien envie de chercher une excuse quelconque pour fuir ce lieu hautement dangereux.
« Il a la clé de l’appartement ? » dis-je à Marilyne avec le regard fuyant vers une étagère surchargée de livres qui n’allait pas tarder à s’effondrer.
« Oui ! » répondit-elle.
Mon inquiétude commençait à s’amplifier tout comme un soufflé bien portant dans un four à 180°C.
« Et il risque de venir ici sans prévenir ? » murmurais-je, peureux comme une tortue timide.
« Oui, pourquoi ? » s’étonna-t-elle.
Un mari paranoïaque qui surprend sa femme avec un collègue, la nuit dans son appartement, c’était aussi dangereux que de fréquenter les souks de Kaboul pour un GI américain.
Elle était assise à côté de moi sur le canapé et je baignais dans sa sphère parfumée. Pour me recevoir elle avait mis sur sa peau une eau de toilette de Guerlain, « les Jardins de Bagatelle » et je dois avouer que mon nez de chimiste apprécia ces senteurs un peu orientales où planait un discret effluve de jasmin. Elle portait une jupe noire, assez courte qui remontait sur ses cuisses musclées de nageuse peut-être ou de randonneuse. Dans mon cerveau mon bulbe (2) olfactif était à la fête, grisé par des senteurs peu communes. Ma main était prête à explorer ces vallons voluptueux, encore inconnus. Ma main oui, mais pas moi.
Inconsciemment j’élaborais un listing de ce que j’avais envie de lui faire :
- l’embrasser dans le cou,
- mordiller délicatement le lobe de son oreille droite,
- l’embrasser sur la bouche,
- titiller sa langue avec la mienne,
- la serrer dans mes bras pour sentir ses seins sur mon torse,
- lui murmurer dans l’oreille des « je t’aime » pathétiques,
- poser ma main sur sa cuisse,
- remonter ma main vers son aine…
J’en étais à toutes ces considérations romantiques, quand brusquement, elle posa sa main sur ma braguette.
Où étaient-elles, les midinettes effarouchées ? Notre siècle avait enfanté des femmes au potentiel sexuel démesuré.
En même temps, sa bouche se mit à dévorer la mienne et sa langue, épée de chair, livra un combat singulier contre mes papilles.
Je me devais de réagir, de montrer qui menait la gondole dans les canaux de Venise.
Alors carrément, je mis ma main entre ses cuisses et je fus surpris de constater qu’elle ne portait pas de culotte.
Mes doigts découvraient une humidité tiède à la consistance poisseuse, caractéristique des buées biologiques.
« Prends-moi ! » hurla-t-elle en me crachant dans la bouche.
Et sa main devint, en un instant, le fourreau de mon glaive !
C’est à ce moment-là, que j’entendis une clé tourner dans la serrure de la porte d’entrée…
A suivre…
Notes :
1 : libido : ensemble des pulsions sexuelles.
2 : Le bulbe olfactif (BO), parfois appelé lobe olfactif, est une région du cerveau des vertébrés dont la fonction principale est de traiter les informations olfactives en provenance des neurones chémorécepteurs olfactifs. C'est une structure paire - il y a deux bulbes olfactifs - légèrement détachée du reste du cerveau et la plus proche de la cavité nasale.
L'uppercut de Monsieur Coqualo.
L’après-midi, dans le hall de l’immeuble, je rencontrai Monsieur Coqualo et j’eus l’impression qu’il me regardait d’un air bizarre. Sa femme lui avait-elle raconté la gâterie scabreuse qu’elle m’avait pratiquée dans le local à poubelles ? Je n’aimais pas trop cette situation et j’étais horriblement gêné. Il me regarda quand même avec l’air d’un varan (1) affamé ayant jeté son dévolu sur une brebis égarée sur l’île de Komodo (2). Et il me dit :
- Monsieur le prof, vous n’avez pas de problèmes avec votre batterie ?
Que voulait-il dire par là ? C’est vrai que lorsque sa femme reçut dans sa bouche ma rosée séminale, je pensais que je devrais faire attention à ne pas trop vider mes batteries. Et aurais-je par hasard, murmuré à haute voix, dans un moment de sublime abandon, cette phrase à Madame Coqualo lorsque sa bouche prenait les allures d’un aspirateur Tornado ?
Monsieur Coqualo, devant mon air ahuri, précisa :
- Les nuits sont très humides à Grasse et parfois, lorsque les voitures restent à l’extérieur, les batteries se déchargent très vite…
Ouf, je fus un peu soulagé et je me demandais si finalement, je n’avais pas mauvais esprit.
Mais alors que je me croyais tiré d’affaire, Monsieur Coqualo, avec un demi-sourire qui en disait long, m’asséna un dernier uppercut (3), en me disant :
- Ah, au fait, demain à 12h45, ce sera à mon tour de descendre les ordures et peut-être qu’on se rencontrera dans le local à poubelles ?
Voilà, Madame Coqualo avait dû tout lui raconter ! Et lui, voulait profiter de l’aubaine et même me faire chanter peut-être, pour parvenir à ses fins.
Bon et pour m’achever complètement, je me souvins que je devais passer la soirée avec Marilyne, la prof de philo. J’étais bien tenté de tout annuler, car quand on tire trop sur le démarreur, la batterie s’use beaucoup… Mais dans ma gestion de la reconquête de ma réputation, Marilyne jouait un rôle important : montrer aux grassois que j’étais un homme à femmes et que je n’avais aucune attirance pour mes homologues…
Grasse, malgré ses parfums, devenait, de plus en plus, une ville pesante.
Quand elle ouvrit sa porte, Marilyne avait l’air inquiète. Ses yeux balayèrent le palier pour s’assurer qu’aucun voisin ne nous voyait.
- Entre vite ! me dit-elle, Il faut être prudents !
Apparemment, si Marilyne désirait avoir une liaison avec moi, elle voulait que cela se fît très discrètement. Et moi, c’est exactement le contraire que je voulais. Son appartement me mit tout de suite mal à l’aise. Il y régnait un désordre que l’on pourrait qualifier d’organisé. Pour arriver au salon, je dus éviter quelques écueils : une table basse encombrée d’objets hétéroclites, un aspirateur oublié dans un coin avec son tuyau qui courrait sur le sol comme un énorme serpent et partout, des livres et encore des livres et des paquets de copies…
Elle me regarda presque tendrement et me murmura :
- J’ai mis un peu d’ordre dans l’appartement en prévision de ta visite !
En entendant cela, j’eus l’impression de me transformer en statue de sel (4)…
A suivre…
Notes :
1 : Le varan de Komodo est le plus grand lézard du monde.
Les plus vieux peuvent mesurer jusqu’à 3 mètres, 2 en moyenne, pour un poids de 80 kilos. Son corps recouvert d’écailles coniques lui assure une protection maximale face à d’autres prédateurs. Il est armé de puissantes griffes. Sa queue, aussi longue que son corps, est assez forte pour assommer un buffle. Ses mâchoires sont tout aussi impressionnantes: 60 dents de 3 à 4 cm de long, crénelées comme des lames de scie. Mieux vaut ne pas être mordu par ces crocs baveux, infectés d’un cocktail de bactéries et de poison. Habitant de cinq îles microscopiques, le dragon a la chance de contenir naturellement ses proies et a parfaitement adapté sa technique de chasse au terrain. Chassant le plus souvent à l’affût, il se contente généralement de mordre sa proie: dès ce moment, son repas sera prêt en temps voulu. Après quelques heures d’agonie, sa victime succombera immanquablement d’une septicémie foudroyante. Grâce à sa langue fourchue, véritable tête chercheuse, le dragon sera à même de retrouver sa victime à près de 10 kilomètres. Sangliers, buffles et cervidés: ses proies de prédilection sont à la mesure d’un appétit qui peut aussi se contenter de douze repas par année!
2 :Komodo, en indonésien Pulau Komodo, est une île d'Indonésie faisant partie des petites îles de la Sonde et située entre Sumbawa et Florès.
Komodo mesure trente kilomètres de longueur pour seize kilomètres de largeur. Sa superficie est de 390 km2 et sa population d'environ 2000 habitants. Ils sont des descendants d'anciens condamnés exilés sur l'île mêlés à des Bugis originaires de Sulawesi.
L'île n'est pas connue uniquement pour son héritage de condamnés mais aussi pour la faune unique qui y habite. Le Dragon de Komodo, le plus grand lézard vivant au monde, tire son nom de l'île.
3 : Coup de poing remontant ou uppercut est un terme anglais qui se prononce « U-percut ». Geste de percussion réalisé de bas en haut, et délivré le plus souvent à mi-distance avec le bras semi-fléchi.
Il est souvent qualifié de crochet dans le plan vertical, ce qui n'est pas toujours vrai. Sa trajectoire peut être effectivement curviligne mais elle peut être également rectiligne (oblique remontante le plus souvent). Ainsi, une trajectoire perpendiculaire à la cible évite plus facilement des esquives adverses.
4 :Être changé en statue de sel : immobilité, rester figé sous le coup d'une émotion trop forte. Origine : pendant leur fuite de Sodome et Gomorrhe, la femme de Loth fut transformée en statue de sel après, s'être retournée vers les villes que Dieu était en train de détruire par le feu et la grêle.
Non !
Ce n'est pas la bouche
de Madame Coqualo.
Toute la nuit j’ai regretté mon inertie vis-à-vis de Lola. Mais qu’espérais-je retirer de cette situation ? Que Lola me viole dans le hall d’entrée de l’immeuble ? Je l’aurais fait monter discrètement chez moi, par les escaliers pour éviter Monsieur Coqualo qui devait être la réincarnation d’un maton des années vingt, pour ne pas tomber sur sa femme, sorte de fouine, toujours à la recherche d’un bon coup, pour éviter Monsieur Gédebras, le manchot, qui voulait organiser un tournoi de volley. Seul Monsieur Laderovitch, l’Alzheimer de l’immeuble, ne me faisait pas peur.
Et comme un pro-ermite, je passais la nuit seul en imaginant tous les trésors de Lola…
Le lendemain, vers 12h45 je commis une imprudence fatale.
12h45, c’est un moment calme en général. Les gens n’ont pas tout à fait fini de déjeuner, Mademoiselle Belœil n’est pas encore sortie pour promener son chien et Monsieur Coqualo sommeille en cuvant le vin qu’il a bu à midi. Je tentais donc une descente vers le front en supposant que mes ennemis ne reprendraient pas de sitôt la bataille.
Arrivé au rez-de-chaussée, près du local des poubelles, je tombais nez à nez avec Madame Coqualo qui me sourit en découvrant ses dents de louve et en passant sa langue sur ses lèvres siliconées, signe évident d’une promesse obscène.
« Mon compte est bon ! » pensais-je, quand d’une main virile, elle me poussa à l’intérieur du local où planait une odeur de sardines en décomposition bien avancée. Madame Coqualo s’esclaffa :
« Tiens, ça sent comme à la morgue de Tananarive ! »
Et sans plus attendre, elle, avide poisson-ventouse, colla sa bouche sur la mienne et sa langue-marteau-piqueur s’activa sur mes papilles. Jamais je n’avais été embrassé comme ça. Elle connaissait bien son affaire, Madame Coqualo, car en deux minutes j’eus l’impression que la tour Eiffel avait poussé entre mes jambes…Avec sa main droite, elle vérifia la dureté de mon anatomie. Elle sembla satisfaite et elle s’accroupit devant moi, dans une position qui faisait remonter sa jupe sur le haut de ses cuisses et qui m’offrait un spectacle plus qu’affriolant. Sa main dégagea l’objet de ses désirs avant que sa bouche ne l’engloutît. Je ne pouvais, que la laisser faire et je dois l’admettre, ma situation était plus qu’agréable. Finalement, même en pensant à Mademoiselle Belœil qui, la pauvre, était aussi sexy qu’un cadenas de prison, je ne pus retarder le jaillissement de ma lave brûlante dans la bouche de Madame Coqualo, qui avala tout avec un bruit de lavabo bouché.
Elle me demanda de sortir le premier du local à poubelles et je me dis, que malgré les odeurs, dorénavant, j’irai plus souvent jeter mes ordures à 12h45 en espérant la rencontrer, elle, non pas Lola, mais Madame Coqualo…
En sortant de l’ascenseur, je rencontrais Monsieur Gédebras, le manchot, une feuille de papier dans son unique main et qui voulait m’inscrire à son tournoi de volley de samedi en quinze. J’acceptais, encore déboussolé par ces sensations étranges provoquées par Madame Gorge-Profonde (1)…
A suivre…
Notes :
1 : Madame Coqualo, en fait, en hommage à un film des années 70 et intitulé « Gorge profonde ».
Gorge profonde (Deep Throat) est un film pornographique américain de 1972 écrit et réalisé par Gerard Damiano et mettant en vedette Linda Lovelace (pseudonyme de Linda Susan Boreman).
C'est l'un des premiers films pornographiques à comprendre un scénario, un développement des personnages et des normes de production relativement élevées. Gorge profonde devient même un succès public et lance l'ère du porno chic bien que le film soit interdit dans certaines régions et soit l'objet de procès pour obscénité.
A la fin de l’heure, il ne fallait pas se trouver sur le chemin de cette horde d’élèves qui ne pensaient qu’à sortir. C’était la récré de dix heures et la cour du lycée ressemblait alors à la bourse de New-York lors du krach de 1929 (1).
Pourtant, un élève rangeait lentement ses affaires, comme s’il voulait me parler en tête à tête. C’était Luc, le meilleur de la classe avec une moyenne en physique qui frôlait les 19 sur 20. Ce qui ne gâchait rien, c’est qu’il avait une excellente mentalité et je voyais que cette « petite affaire » avec son camarade le tracassait. Il me dit qu’il ne comprenait pas son intervention et m’affirma que toute la classe se moquait de Jérôme. J’étais un peu rassuré et je le remerciais pour ce qu’il venait de me dire.
Dans la salle des profs, je repérais Marilyne qui enseignait la philo et j’allais m’asseoir à côté d’elle. J’avais encore quelques minutes devant moi pour la convaincre d’aller boire un verre quelque part, en fin de journée. Je lui proposais le bar S…… près du lycée. Elle me regarda comme si j’avais dit que Platon (2) était un crétin et me répondit :
« Mais c’est le bar des élèves voyons ! »
C’était le but de la manœuvre, que les élèves me voient avec une femme. Juste pour leur montrer que je les appréciais beaucoup, les femmes. Mais ça, elle, elle ne pouvait pas le savoir. Elle me dit :
« Mais on ne pourra pas s’embrasser en public ! »
Elle se moquait de moi, bien sûr et j’avais envie de lui répondre que c’est ce que je désirais le plus. Elle m’expliqua qu’aujourd’hui ce n’était pas possible car elle devait aller à Cannes en fin d’après-midi. Elle me dit alors :
« Demain, si tu veux, mais je préfère que tu viennes chez moi ! »
Chez elle ? Mais pour faire quoi, mon Dieu ?
La sonnerie de fin de récré abrégea notre dialogue et nous nous séparâmes sans fixer de rendez-vous précis. Finalement, je n’étais qu’un mollusque dépressif.
En fin de journée, vers 17h15 quand j’arrivais près de mon immeuble, je vis sur le trottoir d’en-face, Lola dans une tenue pas très catholique. Mon cœur, usé par cinq heures passées au fond d’une mine de charbon (cinq heures passées avec les élèves) retrouva une nouvelle jeunesse. Lola m’avait reconnu et me regardait à distance. Alors, dans mon cerveau naquit un fantasme que j’ose à peine exprimer :
« Je vais accoster Lola et je vais lui demander combien elle prend pour la totale. On ira chez moi et Monsieur Coqualo ne pourra rien dire ! »
Lola, comme un pêcheur professionnel s’était aperçue qu’elle venait de ferrer sa proie et elle vint à ma rencontre en remuant les fesses. Je voyais son reflet s’agrandir dans la porte vitrée de l’entrée de l’immeuble et moi, comme un zouave en perdition, je tentais de me souvenir du code, en vain. J’essayais 1248, ça ne marchait pas. Puis 2481, encore un échec(3). Ma main tremblait sur le clavier, comme si un danger imminent allait s’abattre sur moi. Je suis très émotif, que voulez-vous. Soudain je sentis son parfum ; elle était derrière moi et j’avais l’impression que ses seins pointus appuyaient sur mon dos. Je sentis son souffle dans mon oreille quand elle me dit à voix basse « 4182 ». J’essayais ce code et c’était le bon. La porte s’ouvrit et je me sentis aussi heureux qu’Ali-Baba quand il prononça : « Sésame ouvre-toi (4) ! » Mais alors, comment me comporter avec Lola ? Mon fantasme s’était désintégré quand je l’avais perçue si proche de moi. Je me sentais aussi nul que Benoît de 1èreS2 qui avait une moyenne de 2,52 sur 20 en physique. Que faire ? Mais que faire ? Vraisemblablement, elle comprit mon désarroi et elle s’éloigna de moi, toujours en remuant les fesses…
J’avais encore raté une occasion de caresser ses cuisses…pour le moins…
A suivre…
Notes :
1 : Le krach de 1929 est une crise boursière qui se déroula à la Bourse de New York entre le jeudi 24 octobre et le mardi 29 octobre 1929. Cet événement, le plus célèbre de l'histoire boursière marque le début de la Grande dépression, la plus grande crise économique du XXe siècle. Conséquence directe, aux États-Unis, le chômage et la pauvreté explosent pendant la Grande dépression et poussent quelques années plus tard à une réforme agressive des marchés financiers.
2 : Platon.
Philosophe grec (Né à Athènes vers 427 avant J-C, mort à Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C.).
Platon est un des philosophes majeurs de la pensée occidentale, et de l'Antiquité grecque en particulier. Son œuvre, essentiellement sous forme de dialogues, se présente comme une recherche rigoureuse de la vérité, sans limitation de domaine. Sa réflexion porte aussi bien sur la politique que sur la morale, l'esthétique ou la science.
3: D'après les probabilités, il y a 24 combinaisons possibles avec les chiffres 1,2,4,8.
4 : formule magique permettant d'accéder à un lieu secret.
Heureusement, cette affaire avec les deux CRS s’est bien terminée et pour une fois j’ai eu de la chance.
Mais les plus gros soucis étaient devant moi et entre autre, je devais résoudre l’énigme du neveu de Monsieur Coqualo. Ce neveu, potentiellement dangereux, car il pouvait répandre des calomnies sur moi et dont j’ignorais le nom, était le fils de la sœur de sa femme. J’aurais pu me renseigner directement auprès de son oncle, mais je ne voulais rien lui demander à celui-là. Alors comment faire ? J’élaborais plusieurs stratégies qui auraient fait honte aux guerriers Sioux, tellement elles étaient fumeuses.
Le lendemain, j’avais précisément une 1ère S à laquelle je devais faire un cours sur les forces capables de provoquer un mouvement de rotation. Les élèves entrèrent dans la salle avec des mines renfrognées en pensant (je l’imaginais) : « Mais qu’est-ce qu’il va encore nous faire ch..r ce prof ! » Même pour des pseudo-scientifiques, les études arrivaient au second plan ou plutôt au dernier plan, après, et dans le désordre, leurs affaires amoureuses, les amis, les sorties, le sport et tous les vices de leur âge…
Je commençais par l’exemple le plus simple : quelles sont les forces qui s’exercent sur une pédale de bicyclette pour la faire tourner ?
Il y eut soudain un silence glacial comme en Sibérie Orientale. Apparemment, ils se fichaient de cet exemple digne des années 1900. Je les regardais, un par un, en essayant de détecter dans leurs yeux une lueur d’intelligence. Rien ! C’était l’obscurité totale des mines de charbon du XIXème siècle. Alors j’insistais, je reformulais ma question en la simplifiant au maximum. Toujours rien ! Apparemment, ils attendaient patiemment la fin de l’heure. Pour avancer un peu, je commençais mon cours en ayant perdu tout espoir. Quand soudain, au fond de la salle, Jérôme, un élève, que je connaissais à peine, tant il était timide et effacé, leva la main pour répondre.
Il était assez grand et maigre, presque un fantôme transparent et insignifiant. Et ce qu’il me dit, me fit l’effet d’une douche froide.
« On ne peut pas trop savoir, car il y a pédale (1) et pédale (2) ! » déclama-t-il avec une tête à gifles. Ces camarades sortirent soudain de leur coma profond et le regardèrent avec un sourire qui en disait long.
« Précise ton affirmation ! » répliquai-je en pensant: « Ca, y est, c’est lui le neveu de Monsieur Coqualo ! »
Il ne répondit pas et se recroquevilla sur sa table après l’effort colossal qu’il venait de produire.
Alors je lui posais la question qui allait me permettre de bien l’identifier :
« Dis-moi, tu as un oncle ? »
Il me regarda avec l’air d’un hérisson poursuivi par une pince à épiler. Oui, j’admets que la question était saugrenue pour tous, mais pas pour moi. Il avait l’air perdu, effaré, quand il me répondit :
« Non, Monsieur, je n’ai pas d’oncle ! »
Et zut, tout était à refaire… !
Mais j’avais déjà éliminé, une possibilité sur soixante-dix…
A suivre…
Notes :
1 : Pédale : levier actionné par le pied humain, permettant de transmettre une force à un dispositif mécanique.
Sur les vélos, les pédales permettent au pied de faire tourner le pédalier.
2 : Pédale : Homosexuel efféminé.
J’avais la tête ailleurs et à la sortie d’un virage, ma voiture livrée un peu à elle-même, chevaucha la ligne continue de quelques centimètres. Je n’avais pas de chance ce jour-là, car à la sortie de la courbe, deux CRS « m’attendaient au tournant » (1).
Ils me firent signe de m’arrêter et de me garer sur le bas-côté de la route. Dans ces moments d’injustice divine, on a l’impression que le ciel va nous tomber sur la tête.
Un CRS, impressionnant dans sa tenue, avec un casque et des lunettes de soleil règlementaires, tapota sur ma vitre pour que je l’ouvre et me dit :
« Bonjour Monsieur, vos papiers s’il-vous-plait ! »
Mes papiers ? Mais encore, il eût fallu que je susse (2) où ils étaient ! Pas dans la boîte à gants en tout cas, ni dans mon portefeuilles et moi je me voyais directement en prison ! Je les trouvais finalement dans la poche de ma veste.
Le CRS faisait sa tête des mauvais jours en me disant :
« Vous savez, que vous avez mordu la ligne continue de plus de vingt centimètres ! »
J’essayais de me défendre comme je pouvais :
« Mais vingt centimètres, ce n’est pas beaucoup ! »
Il me regarda avec un petit sourire bizarre et me dit :
« Ca dépend pourquoi… ! »
Son collègue faisait le tour de ma voiture, regardait les pneus, les phares et l’état de mes essuie-glaces qui étaient en phase terminale.
J’avais le visage en feu et j’étais sûr que j’étais plus rouge qu’une crevette de Thaïlande.
Finalement, ils décidèrent de me faire souffler dans l’alcotest.
Je soufflais, avec l’énergie d’un condamné à mort.
« Votre compte est bon ! » dirent-ils en chœur, « votre taux d’alcoolémie est de 1,18 ! »
C’est vrai qu’une heure plus tôt, j’avais bu un double Cognac.
Voilà, c’était la suspension de permis assurée et j’avais besoin de ma voiture pour aller travailler.
J’essayais de négocier, de les attendrir, de m’aplatir comme une crêpe froide. Rien n’y fit. Ils commencèrent par me dresser une contravention. A la limite, je les aurais soudoyés pour qu'ils me laissent tranquille. Un des CRS murmura quelque chose à l’oreille de son collègue qui me dit :
« Voilà, on peut passer l’éponge, si… »
Soudain, Waterloo ne fut plus une « morne plaine ».
Il se racla la gorge et ajouta :
« Il suffit de nous faire une bise à chacun ! »
Mais sur qui étais-je tombé ? Mais les homosexuels sont partout et on ne les voit pas, comme les envahisseurs (3) d’une célèbre série américaine.
Je descendis de ma voiture, prêt à n’importe quoi pour sauver ma peau.
Et les deux CRS éclatèrent de rire en voyant ma mine déconfite. Ils ôtèrent leurs lunettes de soleil, leurs casque et je vis apparaître Aldo et Pipo, les amis de Monsieur Coqualo, rencontrés lors de son Coming Out. Je ne savais pas si c’était positif ou négatif. Alors Aldo me dit :
« Ne vous inquiétez pas Monsieur, on oublie tout. On est de la même confrérie non ? Les amis de Monsieur Coqualo sont nos amis ! Vous pouvez partir tranquille ! »
A ce moment-là, je les aurais réellement embrassés et je les trouvais vraiment gentils et hyper-sympathiques.
Comme quoi « il ne faut jurer de rien (4) » et qu’il ne faut jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau (5) ! »
« On se reverra peut-être à la prochaine soirée de notre cher Coqualo ! » me dirent-ils, alors que je démarrais. Je leur fis un signe de la main pour les remercier…J’espère que ce n’était pas un geste efféminé…
A suivre
Notes :
1 : attendre quelqu'un au tournant :
Se venger à la première occasion [Familier].
2 : susse : 1ère personne du singulier de l’imparfait du subjonctif du verbe savoir.
3 : Les envahisseurs (The Invaders), diffusé du 10 janvier 1967 au 26 mars 1968, Etats-Unis, 43 épisodes de 50 minutes, 2 saisons, couleur.
4 : Il ne faut jurer de rien :
Ce proverbe incite à ne jamais affirmer avec certitude, il faut toujours être conscient qu'il existe une marge d'erreur.
Il ne faut jurer de rien est une pièce de théâtre d'Alfred de Musset, écrite en 1836.
Le genre de la pièce est le proverbe dramatique. C’est une courte comédie (trois actes) qui illustre un proverbe qui sert de titre à la pièce et qu'on trouve aussi dans sa toute dernière réplique. Ce proverbe affirme qu'il ne faut jamais être trop sûr de soi puisque tout peut toujours changer.
5 : Il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau :
Ce proverbe fait allusion à l’aventure d’un ivrogne qui avait juré qu’il ne boirait jamais d’eau et qui se noya dans le bassin d’une fontaine. On le cite comme un conseil donné à quiconque ne veut participer à aucune des pratiques usitées dans les affaires et ne jamais s’adresser à des gens qui lui sont antipathiques. On cherche à lui faire comprendre qu’il peut dans l’avenir avoir besoin de revenir aux choses ou aux personnes dont il avait résolu de se tenir éloigné.
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Un peu curieux et surtout très inquiet, je me rassis assez brutalement sur la chaise, ce qui me fit mal aux fesses. Monsieur Coqualo s’en aperçut et eut un sourire malsain. Il avait gardé le meilleur du pire pour la fin. Il faisait durer le suspense, juste pour pouvoir se régaler de ma réaction. Il se racla la gorge en faisant un Borborygme* bruyant qui n’attira pas ma sympathie.
« Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais vous avez mon neveu, le fils de ma sœur, en 1ère S ! »
Après avoir dit cela, il attendit que je réagisse, comme le pêcheur patiente après avoir lancé sa ligne dans l’eau.
Moi, habitué à la guerre des tranchées (à enseigner dans les classes agitées), j’avais acquis au fil des années, une maîtrise parfaite de ma gestuelle en face de mes pires ennemis (les élèves insolents et paresseux), ce qui fit que ma physionomie n’évolua pas d’un iota.
Je répondis : « Et alors ? ». Il fut aussi déçu que l’acnéique qui compte ses boutons. Il se leva brutalement et me dit : « Bon, je file ; je dois aider ma femme à préparer les cartons d’invitation ! » Et il partit sans m’attendre.
Moi, je restais assis, tétanisé par cette information. Quitte à sombrer dans un coma éthylique, j’allais au bar pour commander un double Cognac que je bus rapidement en pensant à ma glace Tiramisu qui n'allait pas tarder à tourner de l'œil.
J’étais déjà dans ma voiture quand l’alcool commença à titiller mes connexions neurales**, en donnant de l’amplitude à mes divagations.
Je regrettais d’abord de ne pas avoir demandé le nom de famille du neveu, qui ne s’appelait pas Coqualo, puisqu’il il était le fils de sa sœur ! (comprenez-vous ce que je dis, car je crains d’être profondément ébréché, euh, éméché) !
J’avais deux 1ères S, ce qui faisait soixante-dix élèves.
Ma première mission était de repérer, le neveu de la « langue de pute », Monsieur Coqualo en l’occurrence. Car enfin, j’étais sûr que cet énergumène à la chemise rose, avait dressé, à son neveu, un portrait peu reluisant de moi, en mettant en exergue mes soi-disant vices cachés. Et de fil en aiguille tout le lycée allait être au courant de mes supposées turpitudes.
Déjà, je me devais de me refaire une virginité virtuelle de ma réputation. Et quoi de mieux que les gens me voient avec des femmes, partout dans la ville de Grasse pour introduire le doute dans le cerveau des commères professionnelles.
Tout en conduisant, je passais en revue, toutes les filles qui étaient à ma disposition :
- Marilyne la prof de philo, sur qui je pouvais compter,
- Claudine la prof de lettres modernes qui venait de Paris,
- Cécilia la prof d’italien, divorcée et un peu nymphomane,
- Jeanne la prof d’anglais, aux yeux globuleux…
- Mademoiselle Belœil.
Malheureusement, il n’y avait pas Lola (la meuf de Paulo) sur ma liste !
Mais voilà, je devais surmonter quelques obstacles de taille :
- la prof de lettres modernes était mariée au prof d’espagnol qui enseignait dans notre lycée. Mais ma chance était que ce prof d’espagnol, la trompait avec la prof de lettres classiques.
- la prof d’italien avait un magnifique herpès sur sa lèvre inférieure.
- la prof d’anglais, un peu vieille fille, m’avait avoué, un soir, à la fin d’un conseil de classe soporifique, qu’elle était presque vierge. Et moi, je n’avais pas envie de terminer le travail commencé par un autre !
- Mademoiselle Belœil était 100% vierge, appellation d’origine contrôlée.
Mon choix était donc restreint.
Et tout à mes pensées, je ne m'aperçus pas que...
A suivre…
Notes :
*Borborygme :
Bruit stomacal ou intestinal produit par des gaz. Synonyme : gargouillement.
**Neural,ale,aux :
Qui a rapport au système nerveux.
Monsieur Coqualo.
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Monsieur Coqualo m’attendait à la sortie du supermarché. Comment avait-il fait, le bougre, pour sortir avant moi ? Il avait dû utiliser une caisse automatique, que moi je fuis comme la peste. Il avait fait une provision de préservatifs (au moins dix boîtes), en prévision peut-être d’une autre soirée avec ses amis. Cette fois-ci je me méfiais et déjà je préparais ma réplique, s’il lui venait l’idée saugrenue de m’inviter une nouvelle fois. Je faisais ma tête des mauvais jours, sans me forcer d’ailleurs, car je suis bien rodé à ce genre d’exercice.
Il prépara le terrain en m’invitant à aller boire un verre dans la cafétéria du supermarché. J’avais trouvé l’excuse idéale pour refuser : « désolé, mais j’ai des produits surgelés ! ». Il regarda ma glacière qui était encore dans mon caddie et affirma : « ho, ne vous inquiétez pas, ça ne sera pas long et il faut plusieurs heures pour que les produits se décongèlent ! » Comme si j’allais le croire, maniaque comme je suis. J’avais envie de lui dire vulgairement qu’il me faisait ch… et que j’avais envie de vomir quand je le voyais. Mais mon verni d’homme civilisé censura tous mes mots grossiers. Comment faire pour me décoller de cette glu super-efficace, de cette colle-minute qui résiste à tout ? J’acceptais donc pour me débarrasser le plus vite possible de lui.
Il prit un café et moi un déca ; j’avais le cerveau
qui frôlait l’apoplexie* et il ne fallait pas en rajouter. Il s’assit sur une
banquette en moleskine rouge et moi sur une chaise en face de lui. Il avait le
rictus des dauphins en chaleur. J’avais l’impression que son regard me
déshabillait. Avec un petit sourire qui se voulait enjôleur, il me
dit : « mais venez-donc, vous asseoir sur la banquette, à côté
de moi ; c’est plus confortable. » Et pour me convaincre tout à fait,
il ajouta : « et en plus, ça évite d’avoir mal aux
fesses ! » Oh les fesses, un mot qu’il ne fallait pas
prononcer ! J’allais me lever et partir, me sauver comme un voleur de sac
de vieille dame. Mais je restais ; j’étais un faible, ça je le savais
depuis longtemps. Il me parla de sa femme qui me trouvait très sympathique.
Phrase banale en soi, mais moi, avec mon esprit mal tourné, je le soupçonnais
déjà de vouloir organiser un trio entre lui, sa femme et moi. Mais qu’étais-je
donc venu faire à Grasse ? Pourquoi avais-je demandé ma mutation pour cet
enfer ? Je regardai ma montre, j’étais réellement inquiet pour mes surgelés et surtout pour ma glace
tiramisu qui était très fragile. Je soulevais
mes fesses pour me lever Je pris appui sur mes jambes pour me lever.
Monsieur Coqualo me regarda, étonné : « mais attendez, j’ai
encore quelque chose à vous dire ! »
Et ce qu’il me révéla alors dépassa de beaucoup le pire que je pouvais redouter…
A suivre…
*apoplexie : Coma soudain provoqué par une lésion cérébrale.
2. gabycmb le 13-12-2012 à 11:23:36
Bonjour
Heureux de pouvoir écrire de nouveau sur le blog.
Suspense!! La suite! La suite! La suite!
Bonne journée
3. prof83 le 13-12-2012 à 18:15:33 (site)
A Gaby
Bonsoir.
Merci pour ton com.
Les coms se sont ouverts tous seuls et je vais les refermer, tu sais pourquoi.
Bonne soirée.
Commentaires