posté le 17-12-2012 à 07:39:52

Grasse (17).

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Un peu curieux et surtout très inquiet, je me rassis assez brutalement sur la chaise, ce qui me fit mal aux fesses. Monsieur Coqualo s’en aperçut et eut un sourire malsain. Il avait gardé le meilleur du pire pour la fin. Il faisait durer le suspense, juste pour pouvoir se régaler de ma réaction. Il se racla la gorge en faisant un Borborygme* bruyant qui n’attira pas ma sympathie.

« Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais vous avez mon neveu, le fils de ma sœur, en 1ère S ! »

Après avoir dit cela, il attendit que je réagisse, comme le pêcheur patiente après avoir lancé sa ligne dans l’eau.

Moi, habitué à la guerre des tranchées (à enseigner dans les classes agitées), j’avais acquis au fil des années, une maîtrise parfaite de ma gestuelle en face de mes pires ennemis (les élèves insolents et paresseux), ce qui fit que ma physionomie n’évolua pas d’un iota.

Je répondis : « Et alors ? ». Il fut aussi déçu que l’acnéique qui compte ses boutons. Il se leva brutalement et me dit : « Bon, je file ; je dois aider ma femme à préparer les cartons d’invitation ! » Et il partit sans m’attendre.

Moi, je restais assis, tétanisé par cette information. Quitte à sombrer dans un coma éthylique, j’allais au bar pour commander un double Cognac que je bus rapidement en pensant à ma glace Tiramisu qui n'allait pas tarder à tourner de l'œil.

J’étais déjà dans ma voiture quand l’alcool commença à titiller mes connexions neurales**, en donnant de l’amplitude à mes divagations.

Je regrettais d’abord de ne pas avoir demandé le nom de famille du neveu, qui ne s’appelait pas Coqualo, puisqu’il il était le fils de sa sœur ! (comprenez-vous ce que je dis, car je crains d’être profondément ébréché, euh, éméché) !

J’avais deux 1ères S, ce qui faisait soixante-dix élèves.

Ma première mission était de repérer, le neveu de la « langue de pute », Monsieur Coqualo en l’occurrence. Car enfin, j’étais sûr que cet énergumène à la chemise rose, avait dressé, à son neveu, un portrait peu reluisant de moi, en mettant en exergue mes soi-disant vices cachés. Et de fil en aiguille tout le lycée allait être au courant de mes supposées turpitudes.

Déjà, je me devais de me refaire une virginité virtuelle de ma réputation. Et quoi de mieux que les gens me voient avec des femmes, partout dans la ville de Grasse pour introduire le doute dans le cerveau des commères professionnelles.

Tout en conduisant, je passais en revue, toutes les filles qui étaient à ma disposition :

- Marilyne la prof de philo, sur qui je pouvais compter,

- Claudine la prof de lettres modernes qui venait de Paris,

- Cécilia la prof d’italien, divorcée et un peu nymphomane,

- Jeanne la prof d’anglais, aux yeux globuleux…

- Mademoiselle Belœil.

Malheureusement, il n’y avait pas Lola (la meuf de Paulo) sur ma liste !

Mais voilà, je devais surmonter quelques obstacles de taille :

- la prof de lettres modernes était mariée au prof d’espagnol qui enseignait dans notre lycée. Mais ma chance était que ce prof d’espagnol, la trompait avec la prof de lettres classiques.

- la prof d’italien avait un magnifique herpès sur sa lèvre inférieure.

- la prof d’anglais, un peu vieille fille, m’avait avoué, un soir, à la fin d’un conseil de classe soporifique, qu’elle était presque vierge. Et moi, je n’avais pas envie de terminer le travail commencé par un autre !

- Mademoiselle Belœil était 100% vierge, appellation d’origine   contrôlée.

Mon choix était donc restreint.

Et tout à mes pensées, je ne m'aperçus pas que...

A suivre

Notes :

*Borborygme :

    Bruit stomacal ou intestinal produit par des gaz. Synonyme :   gargouillement.

 **Neural,ale,aux :

     Qui a rapport au système nerveux.

 


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posté le 13-12-2012 à 10:09:26

Grasse (16).

  

  

                                                     Monsieur Coqualo.

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Monsieur Coqualo m’attendait à la sortie du supermarché. Comment avait-il fait, le bougre, pour sortir avant moi ? Il avait dû utiliser une caisse automatique, que moi je fuis comme la peste. Il avait fait une provision de préservatifs (au moins dix boîtes), en prévision peut-être d’une autre soirée avec ses amis. Cette fois-ci je me méfiais et déjà je préparais ma réplique, s’il lui venait l’idée saugrenue de m’inviter une nouvelle fois. Je faisais ma tête des mauvais jours, sans me forcer d’ailleurs, car je suis bien rodé à ce genre d’exercice.

Il prépara le terrain en m’invitant à aller boire un verre dans la cafétéria du supermarché. J’avais trouvé l’excuse idéale pour refuser : « désolé, mais j’ai des produits surgelés ! ». Il regarda ma glacière qui était encore dans mon caddie et affirma : « ho, ne vous inquiétez pas, ça ne sera pas long et il faut plusieurs heures pour que les produits se décongèlent ! » Comme si j’allais le croire, maniaque comme je suis. J’avais envie de lui dire vulgairement qu’il me faisait ch… et que j’avais envie de vomir quand je le voyais. Mais mon verni d’homme civilisé censura tous mes mots grossiers. Comment faire pour me décoller de cette glu super-efficace, de cette colle-minute qui résiste à tout ? J’acceptais donc pour me débarrasser le plus vite possible de lui.

Il prit un café et moi un déca ; j’avais le cerveau qui frôlait l’apoplexie* et il ne fallait pas en rajouter. Il s’assit sur une banquette en moleskine rouge et moi sur une chaise en face de lui. Il avait le rictus des dauphins en chaleur. J’avais l’impression que son regard me déshabillait. Avec un petit sourire qui se voulait enjôleur, il me dit : «  mais venez-donc, vous asseoir sur la banquette, à côté de moi ; c’est plus confortable. » Et pour me convaincre tout à fait, il ajouta : « et en plus, ça évite d’avoir mal aux fesses ! » Oh les fesses, un mot qu’il ne fallait pas prononcer ! J’allais me lever et partir, me sauver comme un voleur de sac de vieille dame. Mais je restais ; j’étais un faible, ça je le savais depuis longtemps. Il me parla de sa femme qui me trouvait très sympathique. Phrase banale en soi, mais moi, avec mon esprit mal tourné, je le soupçonnais déjà de vouloir organiser un trio entre lui, sa femme et moi. Mais qu’étais-je donc venu faire à Grasse ? Pourquoi avais-je demandé ma mutation pour cet enfer ? Je regardai ma montre, j’étais réellement inquiet  pour mes surgelés et surtout pour ma glace tiramisu qui était très fragile.  Je soulevais mes fesses pour me lever  Je pris appui sur mes jambes pour me lever. Monsieur Coqualo me regarda, étonné : « mais attendez, j’ai encore quelque chose à vous dire ! »

Et ce qu’il me révéla alors dépassa de beaucoup le pire que je pouvais redouter…

A suivre

  *apoplexie : Coma soudain provoqué par une lésion cérébrale.

 


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1. hibernatus  le 13-12-2012 à 10:13:09  (site)

je suis en état de Grasse

2. gabycmb  le 13-12-2012 à 11:23:36

Bonjour

Heureux de pouvoir écrire de nouveau sur le blog.
Suspense!! La suite! La suite! La suite!
Bonne journée

3. prof83  le 13-12-2012 à 18:15:33  (site)

A Gaby
Bonsoir.
Merci pour ton com.
Les coms se sont ouverts tous seuls et je vais les refermer, tu sais pourquoi.
Bonne soirée.

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posté le 09-12-2012 à 08:17:34

Grasse (15).

             

-----J’étais arrivé, tant bien que mal, à éviter tout contact avec mes voisins en élaborant une stratégie digne du général Marc Antoine(1). Mais il y avait un autre lieu autrement plus dangereux que l’immeuble : c’était le supermarché. Un lieu obligé comme on dit. J’y allais deux fois par semaine, vu que j’aime les produits frais et que je n’avais pas de congélateur. Dans cet endroit aussi périlleux que le Bronx(2) à minuit, rempli de personnes bizarres qui vous regardent de travers, où le danger pouvait survenir à chaque coin de rayon, je voulais me rendre méconnaissable en revêtant une tenue de camouflage : feutre, lunettes de soleil, long manteau presque kaki, un véritable retraité du Viêt-Nam. Mon caddie, c’était mon char d’assaut, je fonçais dans la foule des clients sans regarder, saisissant au passage les articles dont j’avais besoin. Pour aller vite, je ne regardais pas sur les étiquettes, l’origine des produits que j’achetais. Je triais en arrivant chez moi et c’était un vrai massacre :

- les avocats du Mexique, à la poubelle,

- les bananes de Côte d’Ivoire, à la poubelle,

- les escargots de Bourgogne de Roumanie, à la poubelle,

- les tomates de Belgique, à la poubelle,

- le thon à l’huile d’olive de Sumatra, à la poubelle.

Mais bon sang, il n’y avait rien de français dans mes achats ? Si, peut-être, cette brosse à dents qui paraissait sympathique. Pas pour longtemps ! Elle fit un saut périlleux dans la poubelle, quand je vis avec une loupe cette inscription qui me brisa le moral : made in India. Que des produits exotiques ne soient pas français, ça je l’admets, mais que des tomates soient importées de Belgique, alors qu’en Provence (France) il y en a de si belles, ça c’est inadmissible !

Finalement, la soirée de Monsieur Coqualo me coûtait bien cher.

Monsieur Coqualo, je l’avais oublié celui-là, quand je le vis de loin dans le rayon parapharmacie. « Damned(3) ! » me dis-je en tournant les talons avec la furieuse envie de me défaire de mon caddie n’importe où, comme la miséreuse qui abandonnait son bébé dans un couffin devant la porte d’une église au XIX ème siècle.

Ouf, j’avais terminé d’acheter l’essentiel et j’étais devant la caisse où il me semblait que la queue était la moins longue. Je me faisais des illusions car :

- la caissière était atteinte de logorrhée(4) chronique : elle discutait  avec sa copine de la caisse voisine,

- un vieux monsieur avait oublié le code de sa carte bancaire,

- une dame avait omis de peser ses légumes sur la balance automatique etc…

La routine, quoi !

Et mon tour arriva ; j’étais presque sauvé, j’étais sur la chaloupe qui s’éloignait du bateau qui sombrait, quand une main s’abattit sur mon épaule gauche. C’était la main du diable. C’était la main de Monsieur Coqualo !

Il était derrière moi !...Il était content de me voir, pas moi !

« Ah comme on se retrouve ! » dit-il avec une voix forte. « Vous vous êtes esquivé l’autre lundi lors de la soirée de mon coming-out(5) ! » Il avait un air plus vicieux que malicieux. Il se racla la gorge et ajouta : « Et vous avez disparu dans les toilettes en même temps que Pipo ! » J’étais devenu plus vert que les concombres du Chili acheté par le client précédent.

Les gens commençaient à nous regarder ; j’avais honte ! Parmi eux, il pouvait y avoir des parents d’élèves qui me connaissaient.

Je voulus répliquer : « Mais vous faites erreur, Monsieur Coqualo… ! » Il me coupa la parole : «  Taratata, je sais tout ! Mais je serai muet comme une bonbonnière(6) ! » A ce moment-là je ressemblais à de la morue décongelée depuis quarante-huit heures. Il ne me restait plus qu’à aller à Cannes pour me noyer dans le port. (Grasse n’est pas au bord de la mer)…

A suivre

Notes :

 

1:Marc ANTOINE (83 av JC-30 av JC).

Général, Homme politique et Militaire (Romain)

Entre -58 et -56, il servit comme officier de cavalerie durant les campagnes romaines en Palestine et en Égypte et, de -54 à -50, en Gaule sous Jules César qui se l’attache comme questeur en -53. Il est ensuite, toujours avec l’appui de César, augure et tribun de la plèbe. Marc Antoine, toujours prêt à prendre de téméraires résolutions, n’est sans doute pas totalement étranger à la décision de César de franchir le Rubicon. Il fut nommé commandant en chef de César en Italie et élimina les partisans de Pompée à Pharsale en -48 (il contrôlait l’aile droite de l’armée). Maître de cavalerie, premier lieutenant de César, il se comporte à Rome comme un véritable dictateur en second.

2 : Le Bronx est l'un des cinq arrondissements de la ville de New York aux États-Unis (avec Manhattan, Brooklyn, Queens et Staten Island). En 2010, sa population était de 1 400 761 habitants. Son nom provient de Jonas Bronck, un émigrant suédois qui fut le premier à coloniser cette zone.

Le Bronx est mondialement connu pour être l'un des coins les plus dangereux de New-York du fait de la violence des gangs et des trafics. Le Bronx est également connu pour être le berceau de la culture hip-hop.

3 : je suis maudit.

4 : logorrhée : trouble du langage caractérisé par un abondant flot de paroles débitées rapidement sur de longues périodes.

La logorrhée est un signe particulièrement caractéristique d'un trouble psychiatrique, la manie, ou accès maniaque. Le malade saute d'une idée à une autre, multiplie les jeux de mots. Son attention s'éparpille au gré des sollicitations extérieures, rendant impossibles réflexion et synthèse. Des éléments délirants peuvent être associés.

5 : voir Grasse (11).  http://prof83.vefblog.net/Grasse_11

6 : muet comme une tombe.

 


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1. impression  le 11-12-2012 à 13:14:41

vite vite la suite, j’adore le récit et suis surtout très fan de tes notes.

Bisous

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posté le 05-12-2012 à 08:07:28

Grasse (14).

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Bien enfermé chez moi, je me sentais en sécurité. Lola se faisait de plus en plus rare à cause des cerbères qui montaient la garde près de la porte de la coursive. Je crois que le pauvre Paulo avait attrapé un torticolis à force de regarder en l’air pour rien. Paulo n’était pas un tendre ; Monsieur Coqualo m’avait dit un jour avec l’air comploteur des gens qui croient tout savoir : « il en a pris pour quinze ans ! » Mais qu’avait-il donc fait pour ça ? C’était un mystère.

Pourtant, un jour, aussi morne que Waterloo(1) à l’époque de Napoléon, vers 7h30, quand je sortais de chez moi pour aller au lycée, j’aperçus avec délice les fesses de Lola qui était penchée par-dessus la rambarde. Il n’y avait personne dans la cour de la prison, mais elle  y lançait quand même un paquet de cigarettes. Les cuisses de Lola, c’étaient autre chose que les bras poilus de Monsieur Coqualo !  Mon cœur s’affola : dans mes veines, circulait de la caféine à haute dose. Je m’attardais, pour fermer ma porte ; mon tronc effectuait une torsion de quatre-vingt-dix degrés, pour que mes yeux puissent profiter du spectacle…

Arrivé au milieu de la coursive, j’entendis, derrière mon dos : « Monsieur, Monsieur, s’il vous plait… » C’était Lola qui me hélait. Moi, à ce moment-là, j’étais roi de Suède, prince des bienheureux, angelot à clochettes… Je n’étais plus qu’un bloc d’adrénaline ! « Oui ? » dis-je avec l’air détaché d’un condamné à mort. Elle venait vers moi ; elle était un mirage matinal dans un lieu froid et humide. Elle me demanda : « Vous pouvez m’aider ? Heu, j’ai envie de faire pipi ! » Elle voulait utiliser les toilettes de mon appartement ! Que répondre à cette demande saugrenue ? J’aurais bien aimé être une carpe à ce moment-là ou du moins avoir la verve d’une carpe muette…Je répondis comme d’habitude « euh…. », ce qui ne m’engagea à rien. Que faire ?  C’est alors que,

Du bout de la coursive accourut avec furie
Le plus terrible des copropriétaires
Que l’immeuble eût portés jusque-là dans ses étages.(2)

C’était Monsieur Gédebras qui arrivait en courant malgré son infirmité ; je vous rappelle qu’il était manchot.

Il apostropha Lola, la pauvre, qui ne savait plus où se mettre : « Mais que venez-vous faire ici ? Allez ouste, ouste ! » C’était bref mais parlant. Je pense qu’il aurait agi autrement en présence de Paulo. Puis se tournant vers moi, il me dit : « Mais monsieur, il ne faut pas vous laisser faire comme ça ! »

Fantasme : Et si moi je voulais me laisser faire par elle !

Monsieur Gédebras agitait son unique bras avec colère, il continua : « Mais vous ne voyez pas qu’elle vous fait son cinéma ? »

Fantasme : Et moi, si je voulais tourner un film porno avec elle ? 

Lola fila à l’anglaise, en remuant des hanches, sous le regard courroucé de mon voisin.

Encore un empêcheur de tourner en rond celui-là… !

A suivre 

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Notes :

1 :"Waterloo, morne plaine..."

18 juin 1815 : Les troupes britanniques de Wellington et les troupes prussiennes de Blücher remportent une victoire décisive sur l'armée de Napoléon Ier à Waterloo au sud de Bruxelles. L'Empereur fatigué multiplie les erreurs tactiques. Cette défaite provoquera la chute de l'Empire napoléonien. Louis XVIII, qui avait fui Paris lors du retour de Napoléon de l'île d'Elbe, reprendra le trône.

 

                                  L'expiation.

…Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,
L'empereur se tourna vers Dieu ; l'homme de gloire
Trembla ; Napoléon comprit qu'il expiait
Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet,
Devant ses légions sur la neige semées :
« Est-ce le châtiment, dit-il. Dieu des armées ? »
Alors il s'entendit appeler par son nom
Et quelqu'un qui parlait dans l'ombre lui dit : Non.
Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons…

Victor HUGO (1802-1885)
(Recueil : Les châtiments)

(2)…

Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.

                                               Le Chêne et le Roseau.

                                       Jean de LA FONTAINE   (1621-1695)


 


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posté le 01-12-2012 à 08:15:58

Grasse (13).

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Après cette mémorable soirée, la vie devint intenable, pour moi, dans cet immeuble.

Je ne voulais plus voir personne et surtout pas Monsieur et Madame Coqualo, Monsieur Laderovitch et Mademoiselle Belœil. Un point positif cependant, j’étais sûr de ne jamais rencontrer Paulo, le taulard. Déjà, je pris la décision de ne plus utiliser l’ascenseur, lieu dangereux où l’on pouvait faire de très mauvaises rencontres. Alors, sous le prétexte de pratiquer de la gymnastique, très bonne pour le cœur comme nous le serinent les médias à longueur de journée, je descendais par les escaliers. J’évitais ainsi les guets-apens de tous genres. Mais il y avait d’autres lieux dangereux dans cet immeuble : le hall d’entrée avec les boîtes à lettres et le local à poubelles. Au moins une fois par jour, j’étais bien obligé de fréquenter ces endroits pires que les rues de Kaboul à la tombée de la nuit. Je mis donc au point une stratégie qui était fondée sur les habitudes des habitants de l’immeuble. Je savais que Madame Coqualo allait chercher le courrier vers dix heures, que son époux descendait les poubelles vers treize heures et que Mademoiselle Belœil allait promener son chien en début de matinée et juste après le repas de midi. Alors, je m’arrangeais pour prendre mon courrier et descendre les poubelles à minuit environ. Il ne restait plus que le cas de Monsieur Laderovitch, qui, atteint de la maladie d’Alzheimer, descendait n’importe quand et faisait des fugues imprévisibles. Je l’ai même rencontré à minuit dans les escaliers, mais heureusement, dix secondes plus tard, il avait tout oublié. 

Seulement, les plans les plus astucieux ont quand-même des failles ! Cela se produisit quand je reçus une lettre recommandée qui m’obligea à descendre dans le hall à dix heures. J’aurais pu aller la chercher à la poste, mais ma paresse, me fit jouer avec le feu. Le feu, s’était Madame Coqualo qui discutait avec le facteur et avec Monsieur Gédebras qui était manchot : il avait perdu un bras à la guerre d’Algérie. Après avoir récupéré ma lettre recommandée, je me dirigeai comme un voleur vers la cage d’escalier, quand une main virile serra fortement mon avant-bras (une nouvelle fois) et bien sûr c’était Madame Coqualo qui me dit en souriant : « On ne vous voit pas beaucoup en ce moment ». Elle avait le regard carnassier des louves affamées.  Je ne pus que répondre : « euh… » et c’était mieux que rien. J’allais rompre le contact, quand elle ajouta : « mais au fait, à quelle heure descendez-vous votre poubelle ? »

J’avais peut-être l’esprit mal tourné, mais je crus comprendre qu’elle avait envie d’une rencontre (avec moi) dans le local à poubelles. Mais pour quoi faire mon Dieu ? Et puis, aussi rapide qu’un Unau* dépressif, je compris tout et des mots se bousculèrent dans mon cerveau : gâterie, gâterie, gâterie, mais aussi : dents de louve, dents-cisailles, castration…Et je me vis devenir eunuque, hantant les vieux harems d’Orient…

A suivre

*Unau :

L'Unau ou Paresseux est un animal herbivore qui se déplace très lentement dans les branches d'arbres, à l'aide de ses longues griffes.

L'Unau vit au Venezuela et au Brésil.

La tête du paresseux est ronde, son nez est écrasé, il n'a pas d'oreilles, mais de grands yeux. Il a de longues griffes, ce qui lui permet de se suspendre aux branches des arbres.C'est un herbivore qui se nourrit de feuilles, de fleurs et de fruits. Il est actif la nuit, c'est donc un animal plutôt nocturne. Il passe de 16 à 18 heures par jour à dormir et le reste du temps à manger et à se reproduire. (La belle vie quoi !) : Remarque de moi.

Il est d'une lenteur incroyable et lorsqu'il est au sol sa vie est en danger, donc il vit dans les hauts arbres et ne descend à terre que tous les dix jours pour soulager sa vessie et ses intestins. Il perd alors le tiers de son poids.

 


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