posté le 04-02-2013 à 07:51:55

Grasse (26).

Le créneau de Jeanne,

la prof d'anglais.

Jeanne était un peu tendue, elle conduisait d’une manière très aléatoire. Je lui indiquais au fur et à mesure le chemin à suivre dans les rues de Grasse peu fréquentées à cette heure-là, heureusement pour moi.

Devant mon immeuble, pour se garer, elle fut obligée de faire un créneau. Je pensais :

« Ca y est, les ennuis commencent ! »

Il y avait pourtant la place pour trois voitures, mais Jeanne s’y prenait comme si elle conduisait un autobus. Je la laissais faire. Le crépuscule commençait à peser sur la ville et les lampadaires paresseux hésitaient à s’allumer. Jeanne serrait son volant de l’intérieur, mauvaise habitude que l’on retrouve souvent chez les femmes. Je ne faisais pas de commentaires pour ne pas la déstabiliser, mais j’imaginais que pour avoir son permis de conduire, elle avait dû s’y reprendre à plusieurs fois. Enfin la voiture fut garée tant bien que mal à environ cinquante centimètres du trottoir, un peu loin quand même…

C’est à ce moment-là, que presque malgré moi, je commençais ma drague à « deux balles ».

« Tu montes boire un verre ? » dis-je en lui faisant les yeux doux. Je la connaissais bien, Jeanne, elle ne pouvait pas résister à mes « yeux doux ». C’était le même regard que je lui lançais quand je lui demandais d’aller me chercher un café. Je savais qu’elle n’allait pas refuser. Et elle accepta avec un sourire gêné. Le hall d’entrée de mon immeuble était situé à une vingtaine de mètres et soudain Jeanne me dit : 

« Oh, Alain, regarde à droite, il y a une femme de mauvaise vie ! »

Elle avait un vocabulaire suranné, ma collègue. J’avais oublié ce détail important : c’était l’heure où Lola, la pute, commençait à tapiner dans ma rue. Elle avait un sourire moqueur, la meuf de Paulo le tolard ! Et moi je m’en voulais d’avoir commis cette erreur monumentale : que Lola me vît avec ma collègue devant mon immeuble. J’aurais tout de suite, accepté d’échanger Jeanne contre Lola, mais malheureusement, la réalité et les fantasmes ne font pas bon ménage.

Et Lola venait vers nous en remuant des fesses et moi comme l’autre jour, j’avais oublié le code d’entrée de mon immeuble. Elle approchait pendant que je commençais à taper les vingt-quatre combinaisons possibles du code. Mon cinquième essai fut le bon et je me dis qu’il devait y avoir un bon Dieu pour les crapules comme moi.

Je poussais presque Jeanne dans le hall comme pour échapper à un danger imminent : l’affrontement fatal de deux femelles amoureuses d’un mâle dominant (on peut toujours rêver non ?)

Ce n’était pas un bon jour finalement, car près des boîtes à lettres nous tombâmes sur Monsieur Coqualo qui rôdait comme d’habitude.

Il m’ignora complètement et fit un grand sourire à Jeanne en proclamant :

« Ha mademoiselle M….., quelle surprise ! Je suis très heureux de vous revoir. Vous savez, que vous êtes le professeur préféré de mon neveu ? »

« Merci pour moi ! » pensais-je, « et en plus, il est impoli ! »

C’est à ce moment-là que madame Coqualo sortit du local à poubelles…

 

A suivre

 


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posté le 29-01-2013 à 10:12:17

Grasse (25).

                                                                          --

Finalement, j’étais un homme poursuivi :

-Poursuivi par Monsieur Coqualo qui me draguait.

-Poursuivi par Madame Coqualo qui me harcelait sexuellement.

-Poursuivi par Mademoiselle Belœil qui me faisait les yeux doux.

-Poursuivi par Monsieur Gédebras, le manchot, qui voulait me faire jouer au volley.

-Poursuivi par Aldo, Marco et Pipo qui voulaient m’entraîner dans des soirées gays.

-Poursuivi par Marilyne, la prof de philo qui oubliait Platon lorsqu’elle faisait dresser mon anatomie.

-Poursuivi par Emile, le futur ex-mari de Marilyne, tueur à ses heures perdues et qui voulait vraisemblablement m’assassiner dans son club de tir à l’arc en me faisant jouer le rôle de cible vivante.

Décidément Grasse devenait pour moi une ville dangereuse où je risquais ma réputation et ma vie bien plus que si je résidais à Kaboul où dans le quartier chaud de Harlem à New-York.

Ma seule consolation, le baume qui apaisait toutes mes angoisses, c’était Lola, lorsque je la voyais dans ma coursive (de plus en plus rarement) en train de lancer des paquets de cigarettes à Paulo le taulard, son protecteur, détenu dans la prison pour quinze ans encore ou quand je la voyais déambuler en mini-jupe en remuant des fesses, exerçant, dans la rue de mon immeuble, le plus vieux métier du monde.

Lola, c’était mon sirop à la menthe, ma barbe à papa colorée et ouatée à souhait dans laquelle j’aurais bien aimé me vautrer pour oublier tous mes soucis. Lola, c’était « mon avenir à moi », la fille à laquelle je rêvais d’offrir des bonbons comme dirait Jacques Brel. Quand, après une journée passée dans ma prison (le lycée), je la voyais me lancer des œillades près du hall de mon immeuble, mon cœur se mettait à battre comme une symphonie de Mahler.

Et quel scandale si les grassois apprenaient qu’un prof, éducateur de leur progéniture, était amoureux d’une pute.

Alors, comme pour me faire du mal, je fantasmais sur la relation qui existait entre un vieux professeur et Lola dans l’ange bleu (1), un film de 1930, craignant de terminer ma vie comme lui.

En tout cas, ma relation avec Marilyne ne pouvait plus durer. Elle souhaitait qu’elle fût secrète, alors que moi, pour affirmer mon hétérosexualité, je désirais la montrer aux grassois. Et en plus, son mari avait l’air d’un fou dangereux.

Il ne me restait plus qu’à choisir une nouvelle « victime » dans la salle des professeurs. Je pensais à Jeanne, la prof d’anglais, vieille fille patentée et certifiée presque conforme, car elle m’avait avoué, un soir d’infortune (un conseil de classe qui s’était terminé fort tard) qu’elle était presque vierge. Ce qui semblait plus vague que la théorie quantique relativiste où l’on n’était sûr de rien. Sur le plan physique, on pouvait dire que Jeanne était belle. Mais belle de l’intérieur ! L’extérieur, quant à lui, aurait été plutôt quelconque, si, la pauvre, n’avait pas eu des yeux un peu proéminents. Mais elle était gentille avec moi et souvent, quand j’avais envie d’un café, je l’envoyais en mission périlleuse vers la machine à boissons que l’administration avait eu la malencontreuse idée de placer dans la cour de récréation du lycée. Alors la pauvre, pour me faire plaisir, allait chercher mon café en se faufilant parmi les élèves qui s’écartaient à peine pour la faire passer, sans parler des affreux qui en profitaient pour se coller à elle et s’exciter sur ses fesses. La bandaison a des raisons que la raison ne connaît point, comme dirait Blaise Pascal ou Brassens peut-être…

Ce soir-là, je prétextais une panne de voiture pour demander à Jeanne de me raccompagner chez moi…

A suivre

Notes :

1 :L'ANGE BLEU

(Der blaue Engel)

Réalisé par Josef von Sternberg

Avec Emil Jannings, Marlene Dietrich, Kurt Gerron, Rosa Valetti, Hans Albers, Reinhold Bernt

Allemagne (1930) – 124 mn

Un professeur très autoritaire sombre dans la déchéance en succombant à la passion dévastatrice qu'il éprouve pour une chanteuse de cabaret...

En Allemagne en 1924, en se rendant dans un cabaret pour empêcher ses élèves de s'y corrompre, un vieux et sévère professeur de lycée célibataire s'éprend d'une séduisante danseuse aux tenues de scène affriolantes, l'épouse et la suit en tournée…

 

 


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posté le 25-01-2013 à 07:46:31

Grasse (24).

Le mari de Marilyne,

la prof de philo.

Dans ma tête, cette clé qui tournait dans la serrure devenait un roulement de tambour qui annonçait ma perte.

Marilyne se redressa brusquement et saisit à la volée un paquet de copies qui traînaient à ses pieds. Moi, en tremblant, je remballai mon affaire en refermant ma braguette et je m’éloignais d’elle de trente bons centimètres. Et le mari de Marilyne entra dans le salon. Grand et mince, il avait l’allure d’un révolutionnaire russe qui avait tué le tsar Nicolas II (1). Autant dire qu’il aurait même effrayé une armée de bolcheviks habitués aux bains de sang. Il me regarda fixement, comme si son cerveau malade tentait de savoir si j’étais l’amant de sa future ex-femme.

Marilyne essayait de cacher sa nervosité en me présentant comme un collègue qui venait préparer avec elle, le sujet du bac blanc de philosophie.

Alors il me serra la main avec une force qui me faisait présager le pire.

« Vous êtes professeur de philosophie vous aussi ? » dit-il d’un ton lugubre ?

Pouvais-je lui répondre que j’enseignais la physique et que Platon m’était aussi étranger que la mécanique quantique (2) pouvait l’être à un mécanicien d’automobiles.

Alors, malgré moi, je dus mentir et prétendre être un professeur de philo.

Il me répondit :

« Moi, je suis professeur de tir à l’arc ! »

Et devant mon air de débile profond, il ajouta :

« Et je possède aussi une armurerie ! »

Bref, il avait le profil d’un tueur !

C’est à ce moment-là, que je crus voir, sous sa veste, le relief caractéristique d’un révolver gros calibre.

Je me demandai alors, à quel moment il allait tirer sur moi.

Pour détendre l’atmosphère, Marilyne nous proposa de boire un Cognac. Je pensais :

« Le dernier verre du condamné à mort ! »

Le futur ex-mari qui se prénommait Emile, comme Zatopek (3) ou Zola, m’inondait de questions sur les philosophes grecs de l’antiquité. Il était cultivé, certes, mais surtout il devait bien se douter que la philosophie n’était pas la matière que j’enseignais.

Je répondais tant bien que mal en essayant de puiser dans mes anciens souvenirs de lycée. Souvent Marilyne intervenait pour compléter mes réponses aussi vaseuses que les rizières d’Asie. Chaque fois, Emile lui lançait un regard peu sympathique.

J’étais soumis à une véritable torture psychique de la part d’un paranoïaque sadique. J’avais hâte de partir, de quitter ce lieu toxique, de retourner chez moi, dans mon appartement, même s’il était situé au-dessus de la prison de Grasse. Je me levais donc pour prendre congé. Marilyne me lança un regard de détresse. De toute évidence, elle avait peur de rester seule avec Emile.

Il mit sa main sur mon épaule pour me forcer à me rasseoir.

« Mais on dirait que vous êtes pressé de vous enfuir ! » me dit-il.

Il voyait juste le bougre !

Je cherchais une raison valable pour justifier mon départ et je ne trouvais que :

« Je ne voudrais pas manquer mon feuilleton « Plus Belle La Vie ! »

Il se mit à rire comme le ferait Satan dans les gouffres soufrés de l’enfer.

Marilyne était décomposée.

Il fallait que je partisse au plus vite, j’étais au bord de la crise de nerfs. Emile serra très fort mon avant-bras et me dit :

« Je vous invite dans mon club de tir à l’arc. Vous pouvez venir quand vous le désirez ! »

Et pour ajouter à mon effroi, il déclara :

« Car en ce moment, on manque de cibles vivantes ! »… 

A suivre

Notes :

 

1 : Emprisonné à Perm, puis à Tobolsk et enfin à Iekaterinbourg, Nicolas II et sa famille furent exécutés dans les caves de la villa Ipatiev , le 17 juillet 1918, par un groupe de bolcheviks commandé par Iakov Sverdlov et Iakov Yourovsky, peut-être sur l'ordre de Lénine ; les Bolchéviques craignaient que le symbole même de l'autocratie en Russie, le tsar, ne soit libéré par les Blancs.

Les corps de la famille impériale furent chargés sur un camion puis transférés dans une forêt proche de Iekaterinbourg. Ils sont jetés dans un puits de mine d'où ils furent, quelques jours plus tard, retirés pour être ensevelis sous un chemin forestier.

2 : La mécanique quantique est la théorie physique issue d'un des plus grands défis de la science : celui de vouloir comprendre le comportement des particules qui nous composent, et qui composent jusqu'à nos instruments de mesure ! Et c'est là l'obstacle principal que la mécanique quantique a eu à surmonter. Comment réussir à comprendre le comportement des particules quand les objets que nous manipulons sont constitués de plusieurs milliards de milliards de ces mêmes particules ?

On a beaucoup dit qu'elle était la théorie la plus éloignée de notre logique - disons surtout qu'elle a mis les neurones de beaucoup de monde à rude épreuve.

La mécanique quantique, la théorie, la vraie, ne fournit que des outils mathématiques très complexes qui permettent de prévoir les résultats des mesures. Elle dit "voici ce que vous allez mesurer". Elle ne dit pas "voici ce qui s'est passé". Et pour cause ! Tout ce qui se passe en mécanique quantique n'est pas accessible à notre expérience directe : on ne peut pas constater de nos yeux ce qui se passe.

3 : Emil Zatopek est un coureur de fond tchécoslovaque, né le 19 septembre 1922 à Kopřivnice (Tchécoslovaquie), mort le 22 novembre 2000 à Prague (République tchèque). Zatopek est détenteur de 4 titres olympiques et de 18 records du monde.

 


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posté le 21-01-2013 à 08:10:36

Grasse (23).

L'étagère de Marilyne.

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Franchement, j’étais un peu déçu par l’attitude de Marilyne.

Elle m’expliqua un peu plus tard, qu’elle était en instance de divorce et que son mari avait des tendances paranoïaques. Ma libido (1) déclina brutalement quand j’entendis cela. J’avais bien envie de chercher une excuse quelconque pour fuir ce lieu hautement dangereux.

« Il a la clé de l’appartement ? » dis-je à Marilyne avec le regard fuyant vers une étagère surchargée de livres qui n’allait pas tarder à s’effondrer.

« Oui ! » répondit-elle.

Mon inquiétude commençait à s’amplifier tout comme un soufflé bien portant dans un four à 180°C.

« Et il risque de venir ici sans prévenir ? » murmurais-je, peureux comme une tortue timide.

« Oui, pourquoi ? » s’étonna-t-elle.

Un mari paranoïaque qui surprend sa femme avec un collègue, la nuit dans son appartement, c’était aussi dangereux que de fréquenter les souks de Kaboul pour un GI américain.

Elle était assise à côté de moi sur le canapé et je baignais dans sa sphère parfumée. Pour me recevoir elle avait mis sur sa peau une eau de toilette de Guerlain, « les Jardins de Bagatelle » et je dois avouer que mon nez de chimiste apprécia ces senteurs un peu orientales où planait un discret effluve de jasmin. Elle portait une jupe noire, assez courte qui remontait sur ses cuisses musclées de nageuse peut-être ou de randonneuse. Dans mon cerveau mon bulbe (2) olfactif était à la fête, grisé par des senteurs peu communes. Ma main était prête à explorer ces vallons voluptueux, encore inconnus. Ma main oui, mais pas moi.

Inconsciemment j’élaborais un listing de ce que j’avais envie de lui faire :

- l’embrasser dans le cou,

- mordiller délicatement le lobe de son oreille droite,

- l’embrasser sur la bouche,

- titiller sa langue avec la mienne,

- la serrer dans mes bras pour sentir ses seins sur mon torse,

- lui murmurer dans l’oreille des « je t’aime » pathétiques,

- poser ma main sur sa cuisse,

- remonter ma main vers son aine…

J’en étais à toutes ces considérations romantiques, quand brusquement, elle posa sa main sur ma braguette.

Où étaient-elles, les midinettes effarouchées ? Notre siècle avait enfanté des femmes au potentiel sexuel démesuré.

En même temps, sa bouche se mit à dévorer la mienne et sa langue, épée de chair, livra un combat singulier contre mes papilles.

Je me devais de réagir, de montrer qui menait la gondole dans les canaux de Venise.

Alors carrément, je mis ma main entre ses cuisses et je fus surpris de constater qu’elle ne portait pas de culotte.

Mes doigts découvraient une humidité tiède à la consistance poisseuse, caractéristique des buées biologiques.

« Prends-moi ! » hurla-t-elle en me crachant dans la bouche.

Et sa main devint, en un instant, le fourreau de mon glaive !

C’est à ce moment-là, que j’entendis une clé tourner dans la serrure de la porte d’entrée…

A suivre

 

Notes :

1 : libido : ensemble des pulsions sexuelles.

2 : Le bulbe olfactif (BO), parfois appelé lobe olfactif, est une région du cerveau des vertébrés dont la fonction principale est de traiter les informations olfactives en provenance des neurones chémorécepteurs olfactifs. C'est une structure paire - il y a deux bulbes olfactifs - légèrement détachée du reste du cerveau et la plus proche de la cavité nasale.

 


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posté le 17-01-2013 à 13:13:44

Tempête de neige sur Fréjus.

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