posté le 10-11-2015 à 08:25:50

Marina (43).

 

Laissez-moi encore réfléchir,

je n'arrive pas à me décider... 

 

Je dois avouer que Serena s’était appliquée pour me satisfaire et même, certainement pour ajouter à mon plaisir, elle déclara, après avoir tout dégluti :

-Tu as un super goût d’amandes amères.

J’en étais presque fier de ce compliment un peu gluant et je voulus vérifier en essayant de l’embrasser sur la bouche. Elle détourna la tête, certainement pour me faire comprendre que je ne devais pas mélanger l’amour et le sexe. Baiser, un mot à double sens, qu’il ne fallait surtout pas confondre chez certaines femmes…

Dans la rue, à la sortie du bar, nous marchâmes d’une manière aussi parallèle que les trottoirs qui semblaient avoir été tracés à la règle par des ouvriers certainement névropathes. Serena s’appliquait à garder toujours la même distance, disons trente centimètres, entre nous. Nous progressions côte à côte sans nous toucher, comme deux étrangers muets. Elle avait pourtant en elle, une portion de moi, un liquide qui subissait, dans son estomac, l’attaque de ses enzymes digestifs. Dans quelques heures, quelques milliards d’atomes de mon sperme allaient s’intégrer définitivement dans sa chair, le savait-elle seulement ?

Une BMW gris métallisé roulant à faible allure nous dépassa et je crus observer sur le joli profil de Serena une contraction insignifiante d’un muscle, le petit zygomatique (1), de sa joue gauche, déclenchant un sourire un peu perturbé.

Je lui proposais de la ramener chez elle quand nous arrivâmes au niveau de ma voiture, garée à une centaine de mètres du bar. Elle joua encore des zygomatiques quand elle vit mon Alfa-Roméo, presque un sourire de mépris en découvrant mon véhicule italien ; elle devait préférer les puissantes voitures allemandes…

Elle refusa mon offre en me disant qu’elle allait  marcher.

Je démarrais sans lui dire au-revoir, toujours aussi déçu par son attitude plutôt étrange.

Chez moi, mon répondeur clignotait, agacé par mon absence. Mon ami de la fac des sciences de Marseille me demandait de le rappeler le plus tôt possible pour me communiquer les résultats des tests ADN effectués sur le tibia du squelette du labo de SVT et sur les poils de barbe trouvés dans le rasoir électrique de feu l’époux de Marina.

Je m’attendais au pire et j’hésitais, si le test était positif, à alerter la police. En parfait égoïste, la situation actuelle me convenait parfaitement.

J’avais « sous la main » deux femmes très différentes, une nymphomane toujours disponible, la prof de SVT et une autre plus jeune qui me posait des problèmes psychologiques qui enflammaient mes neurones. Le statu quo (2), pour un aboulique (3) comme moi, était la situation idéale.  C’est pourquoi je décidais de ne rien faire et d’oublier, pour un certain temps, mon ami de Marseille…

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Zygomatique : muscle transversal de la joue qui se contracte au moment du sourire.

2- Statu quo : situation actuelle ou présente des choses.

3- Aboulique : qui souffre d'un trouble mental caractérisé par une incapacité à décider ou à entreprendre.

 

 

 

 


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posté le 03-11-2015 à 08:30:11

Marina (42).

 

 Mais derrière quelle porte se trouve Serena ?...

 

Serena me regardait à l’envers, j’avais l’impression qu’elle me voyait comme à travers ces vieilles pellicules de photos en noir et blanc où tout était inversé, nostalgie des années anciennes, lorsque nous devenions presque des fantômes.

Moi, je fixais le dessus vitrifié rouge de la table ronde bordée par un anneau plat en aluminium grisâtre. Mes mains, posées à plat sur la surface brillante et froide, semblaient ressentir les miasmes de toutes celles qui s’étaient abandonnées là, les mains du temps passé, les mains des personnes certainement atomisées à la suite d’une rupture sentimentale.

Je n’avais qu’une envie, me lever et partir, me sauver pour ne pas montrer ma souffrance trop disproportionnée provoquée par l’attitude de cette fille peu reconnaissante et aussi froide qu’une raie désappointée. Elle s’excusa en me disant qu’elle devait aller aux toilettes, pour se maquiller ou pour faire pipi ?

L’hippocampe(1) de mon cerveau, en léthargie depuis quelque temps retrouva une nouvelle jeunesse en essayant de se souvenir de ce lieu peu accueillant. Et une idée plus saugrenue que du caviar congolais, germa dans ma tête comme un rhododendron  dans un champ de concombres. Cette idée, un peu perverse, devint peu à peu un fantasme : faire l’amour dans les toilettes d’un bar, dans une position peu académique et tout simplement scandaleuse.

J’attendis une ou deux minutes pour tenter ma chance comme un chien en rut à la recherche d’une femelle en chaleur. Je poussais la porte des toilettes avec mon coude, histoire de ne pas choper une maladie honteuse. Devant moi apparurent alors, à droite les toilettes pour femmes et à gauche, celles réservées aux hommes. Je jetai un regard inquiet derrière moi et poussai le panneau en bois où se trouvait une sorte d’icône en plastique d’un blanc jaunâtre où était gravée, en noir, une silhouette féminine.

Serena n’avait pas fermé la porte avec le verrou et je la vis assise sur le WC en porcelaine, attendant une inspiration certainement théâtrale…

Ma main glissa sur le zip de mon pantalon comme dans les mauvais films pornographiques.

On ne fit dans ce lieu d’aisance, que le minimum syndical autorisé chez les flûtistes pressés…

 

A suivre

Notes :

 

1- Hippocampe : zone temporale du cerveau, qui est importante dans le processus de mémorisation spatiale   

 


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posté le 27-10-2015 à 08:49:19

Marina (41).

 

Je l'attends...Viendra-t-elle ? 

 

Je décidai de passer quelques jours dans une bulle d’ermite, chez moi, sans téléphone, sans musique et sans télévision. Juste pour reconstituer mon stock d’énergie, largement entamé par les avant-cours de 14h, au collège, dans le labo de SVT en compagnie de Marina, la louve nymphomane et aussi pour essayer de faire évaporer ces nuages de jalousie et d’abandon qui menaçaient de provoquer des orages destructeurs dans ma pauvre tête. Seulement, au bout de trois jours, comme si une pensée venue d’ailleurs me forçait, à le faire, je téléphonais à Serena sans trop y croire. Elle me répondit gentiment en me disant :

- Tiens comme c’est bizarre, je pensais justement à toi !

Mon cœur émergea soudain de sa léthargie post-hivernale.

Le mot abandon disparaissait du tiroir aux idées fixes et la jalousie devint soudain plus légère. J’en profitais pour lui proposer d’aller boire un verre dans le bar où nous nous étions rencontrés la première fois.

Il fallait que je me méfiasse, car pointait dans mon cerveau, une sensation qui était peut-être pire que la jalousie et l’abandon, la nostalgie ! Une véritable « saloperie » que la nostalgie, un poison insidieux qui nous fait voyager dans notre passé et qui fait remonter à la surface de notre subconscient, des moments heureux, oui, mais à jamais perdus ! Et moi j’étais champion des nostalgies à la petite semaine, des souvenirs d’un petit sourire, d’une parole gentille ou d’un baiser à peine amoureux…

J’étais en avance à mon rendez-vous et je craignais que Serena ne vînt pas.

Quand son retard atteignit les cinq minutes, mon moral plongea au sous-sol du bar, dans la cave où le patron entreposait ses piquettes importées d’on ne sait où.

Au bout de vingt minutes, j’étais projeté dans les mines de soufre à ciel ouvert des îles du Pacifique, respirant un air toxique, saturé de particules brûlantes et acides. Et quand Serena apparut, semblable à une brebis égarée, j’atterris dans un jardin au sol couvert d’ouate et dont les fleurs projetaient un parfum divin, presque visible.

J’aurais bien voulu lui faire des reproches, mais en vertu de quoi ? ELLE était libre et n’avait pas de comptes à me rendre. Alors, à la va-vite, je me fabriquais un masque d’hypocrite plus vrai que nature. J’avais bien une idée derrière la tête, qui aurait conduit Serena directement dans mon lit, mais, l’homme de Cro-Magnon avait fait son temps et c’était bien dommage !

Elle commanda un café et moi un déca, je voulais ménager mon cœur trop enclin à dépasser le rythme des palpitations imposé par dame nature. Elle était vêtue d’un chemisier blanc, juste conforme aux lois de la bienséance et d’une jupe noire presque mini. Par je ne sais quelle distorsion de l’espace-temps, moi je la voyais nue. Nue, comme elle le fut un certain soir, chez moi, quand nous jouions à la marelle ou plutôt à saute-mouton !

Je la sentais froide et distante pareille à une statue sculptée dans de la glace. Ce contact gelé, provoqua, à l’encontre des lois physiques élémentaires, la fusion de mes certitudes et la vaporisation de mes espoirs. J’étais prêt à abandonner le bateau, fuyant, comme un lâche, la tempête imaginée. Je lui demandai, quand même, qui était le monsieur qui se trouvait à côté d’elle, l’autre jour, dans la BMW grise métallisée. Soudain elle ressembla à un clou qui s’enfonce dans du bois tendre, sous les coups saccadés d’un marteau sadique. Son regard paraissait issu de sables mouvants d’origine douteuse. Elle nia tout en bloc en affirmant que jamais elle n’était montée dans une BMW.

Ah, ces filles qui ne connaissent pas les marques des voitures…

 

 

A suivre

 
 


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1. anaflore  le 02-11-2015 à 20:49:32  (site)

bonne rentrée......

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posté le 20-10-2015 à 08:29:39

Marina (40).

 

 

Mais oui, je suis un romantique ! 

 

Devais-je complètement cesser de penser à Serena ?

Son attitude, je dois bien l’avouer, me perturbait.

C’était comme du sel appliqué sur une plaie, du sel dont je me complaisais à saupoudrer cette brèche qu’elle avait ouverte dans  ma peau, dans mon cœur. Alors, l’oubli devenait ma préoccupation essentielle, celle qui consommait mon énergie comme un moteur surpuissant glouton de super 98.

Le pire, dans cette affaire, c’est qu’à son abandon, se superposait une jalousie qui avait éclos lorsque j’avais vu Serena en compagnie de cet homme, l’autre jour, dans sa BMW de pacotille… On se dit, qu’avec les jours qui défilent, cette souffrance va s’atténuer. L’oubli cautérise* les blessures de l’âme, il s’allie au temps qui passe et qui se dilate pour éloigner tout ce qui nous fait souffrir.

A ces angoisses épidermiques incontrôlables par la volonté, viennent s’ajouter des raisonnements puérils, du genre : « Et si c’était son père ? » Ce qui revient à dire que ce qui fait souffrir, c’est plus la jalousie que l’abandon.

Comme un idiot, j’étais tombé amoureux d’une fille plus jeune que moi, qui m’avait harcelé au téléphone, pendant des semaines, au nom de la société Solido qui fabriquait des portemanteaux en bois exotiques. C’est que la seule nuit que j’avais passée avec elle, avait été, pendant des heures, un concert de jazz sensuel dans un jardin obscur et parfumé, une brise légère qui agitait quelques feuilles nostalgiques sur les branches des arbres, certainement centenaires. Et puis plus rien, comme si mon cœur devenait sourd, aveugle et muet, autrement dit, un handicapé sentimental.

Ma tendance naturelle, c’était l’inertie qui frôlait l’aboulie** pathologique et cela depuis ma plus tendre enfance. Ne rien faire économise l’énergie vitale et nous plonge dans une léthargie mentale qui agit comme un puissant narcotique.

J’allais faire un tour dans cette librairie mystérieuse, parfois fréquentée par celui que j’avais vu en compagnie de Serena. Le libraire, vieil homme d’un âge improbable, dont la femme, une chinoise, lui avait transmis une philosophie bien orientale, pouvait certainement m’aider dans ma recherche.

Je compris bien vite que cette philosophie-là était bien hermétique pour le cerveau d’un pauvre physicien amoureux d’une ombre. Bien entendu, il refusa de me communiquer le moindre renseignement sur ce monsieur au nom du « secret livresque » encore plus intransigeant, à ses dires, que le secret médical. Il se contenta de me conseiller de consulter « Anatomie du squelette humain », un livre, avec des dessins et des photos (heureusement) très instructif. Se moquait-il de moi ? Ou bien, me donnait-il une piste pour orienter mes recherches ?

En rentrant chez moi, plus déprimé que la bourse de Singapour, je décidais, en espérant ne pas m’endormir, de feuilleter cet ouvrage scientifique et cela me fit penser à Victor, le squelette du labo de SVT…

 

A suivre

  

Notes :

    

*Cautériser : Brûler un tissu vivant avec un cautère afin de détruire les parties malades.

**Aboulie : Absence maladive de volonté, incapacité d'agir.

 
 


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1. anaflore  le 25-10-2015 à 21:34:31  (site)

bonnes vacances

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posté le 13-10-2015 à 08:53:11

Marina (39).

  

J'ai rêvé que je me battais contre Victor,

le squelette du labo de SVT, l'ex de Marina, peut-être...

(Vous suivez ?)

 

Le vieux libraire commençait à m’intriguer. Les livres qu’il m’avait donnés comportaient des titres qui cadraient bien avec ma situation actuelle : Marina et Serena. Lisait-il dans mes pensées ? Sa librairie était, en tout cas, un lieu bien étrange où le temps semblait s’arrêter.

Serena ne se manifestait plus depuis plusieurs jours et comme j’en avais assez du Cognac de Marina, j’aurais bien aimé goûter à son nectar  au parfum de verveine…

Je n’aimais pas trop céder à cette tentation qu’une femme fait naître en nous et qu’elle entretient de manière sibylline, par son silence. Je lui téléphonais donc, un soir vers 22h, lorsque je sentais monter en moi cet ennui, vieille chaloupe du futur naufragé qui prenait l’eau. Je tombais sur sa boîte vocale dans laquelle je ne laissais aucun message.  Je renouvelais mon appel vers 22h30 avec toujours le même insuccès. Peu à peu, Serena se transformait en fantôme aux contours mal définis. Avec le peu d’estime que je m’accordais, je pensais que ma performance sexuelle de l’autre nuit n’avait pas laissé dans son cerveau un souvenir impérissable. Heureusement que la libido de Marina fleurissait, à cette époque de l’année, comme des coquelicots dans un champ de luzerne. Chaque fois que je la voyais dans son labo, elle me vidait la tête et autre chose de 13h à 13h45, juste avant l’arrivée des élèves. Ce qui me gênait le plus, c’était la présence de Victor, le squelette voyeur qui semblait rigoler quand je me pâmais sous les coups de langue de la prof de SVT, la miss qui Soupèse Vos Testicules.

Un jour, ayant presque frôlé la pénurie de ce liquide  RES (riche en spermatozoïdes), je lui demandais, comment, avec les maigres crédits qui nous étaient accordés, elle avait pu obtenir ce magnifique squelette en os réels qui devait valoir presque une petite fortune. Je pense qu’elle me fit un gros mensonge en me disant :

« C’est mon regretté mari qui me l’a offert pour mon anniversaire. »

« Drôle de cadeau », me dis-je en refermant ma braguette.

Et elle ajouta :

« C’est pour cela que je l’ai surnommé Victor en souvenir de mon époux décédé. »

La ficelle était vraiment dure à avaler, car moi je n’étais pas comme ELLE, une bouche qui ingurgitait n’importe quoi…

En sortant du collège, vers 14h30, je vis passer dans la rue, une BMW grise métallisée, dans laquelle se trouvait Serena en compagnie d’un homme pas très jeune, aux cheveux gris, qui conduisait. Etait-ce vraiment elle ou son sosie ? Ce qui était le plus étrange, c’est que je vis cette voiture souvent garée près de la fameuse librairie. Que me restait-il à faire ? Eh bien, je repris mon activité de « détective privé » pour essayer d’apercevoir le conducteur de cette puissante voiture allemande.  Je le vis quelquefois, toujours seul, passer beaucoup de temps dans la librairie, comme pour se ressourcer. De toute évidence, ce monsieur devait aimer les livres...

 

 

A suivre

 

 


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1. causons  le 29-10-2015 à 11:46:40  (site)

Tu as raison pour "gris métallisé", mais je vais laisser la faute.
Il a des critiques négatives et des critiques positives. Les tiennes sont 100% négatives.
Apparemment tu ne trouves rien de positif dans mes blogs. Je te conseille donc de ne plus venir me visiter.
C'est vraiment négatif d'être toujours négative.
Tu vois, moi, par déformation professionnelle, je ne critique jamais négativement les blogs des autres.
Le tien a peut-être des failles...?
___________________________________
C'est bien une preuve que je lis avec attention tes textes, mes remarques pour toi "négatives", ne le seraient pas pour moi, j'aimerais être lue avec cette attention et que l'on me corrige mes fautes, car bien certaine que j'en fais également...
Tu dois être un écorché vif, ou trop sensible avec un égo surdimentionné...
Mais ça aussi ça se corrige lol
Qu'attends-tu des gens qui viennent visiter tes écrits ?
Une appréciation sur ceux-ci toujours positive, un trait d'humour, ou qu'ils t'informent de la météo dans leur région ?
Je ne suis jamais négative dans ma vie de tous les jours, si tu juges que je le suis, libre à toi, mais c'est une erreur !
En tous cas, merci d'avoir confirmé que j'avais raison pour "Voiture gris métallisé" au moins je n'aurai plus aucun doute à ce sujet - Critique positive = Tu es trop fort !
T'es en vacances ?
Blanquette de veau, purée maison, salade verte et balade au soleil cette A-M
Bonne fin de journée, Alain ?

2. causons  le 29-10-2015 à 17:28:53  (site)

Tu vois que tu es bon = critique positive n°1 -
tu sais écrire plus de 10 mots dans un com = critiques positive n°2, je ne suis qu'une vilaine chouette moqueuse, mea culpa lol
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posté le 06-10-2015 à 09:11:09

Marina (38).

 

Le trompettiste de mes nuits d'insomnie...

 

Serena se faisait oublier : depuis quelques jours, je n’avais plus de nouvelles d’elle. Je m’étais promis de ne pas la rappeler, juste pour lui montrer que je n’étais pas quelqu’un de collant comme cette résine qui s’échappe des conifères. Je pensais qu’elle avait des problèmes et je regrettais presque l’époque des coups de téléphone de la société Solido. Je gardais dans un recoin de ma mémoire, le souvenir de cette première nuit passée avec elle, nuit de volupté intense, la première nuit, celle qui est la plus belle.

Je me rattrapais avec Marina, qui, à l’approche du printemps, avait une formidable éruption d’hormones. Elle me sollicitait tous les jours  pour des bacchanales* plutôt malvenues dans son labo. Elle commençait par me servir, dans un bécher, du Cognac pour me donner des forces, prétendait-elle, un bécher que je soupçonnais avoir contenu au mieux des cœurs de grenouilles et au pire des limaces gluantes. L’alcool est idéal pour supprimer les barrières de la morale, mais absolument catastrophique pour la pratique du sexe. Imaginez un perchiste voulant sauter avec une perche molle…

Je retournai dans la librairie près du collège où il me sembla que le libraire avait rajeuni. Cette fois-ci, il me laissa tranquille et je pus flâner comme un papillon curieux dans les allées poussiéreuses de la librairie. Aucun livre n’attira vraiment mon attention et j’étais un peu gêné de quitter ce lieu sans n’en avoir acheté aucun.

Le vieux libraire me tendit un sac en plastique lorsque je passai devant sa caisse. Il m’apostropha :

« Je vous ai choisi deux livres. Lisez-les et vous viendrez les régler que s’ils vous plaisent. »

Un peu surpris par son attitude assez originale, je quittai la boutique en ayant encore la sensation que le temps s’était arrêté  dans ce lieu si étrange.

Chez moi, après le diner, je m’affalai dans mon divan en espérant écouter un disque de jazz. Surtout, aucune lumière polluante dans mon salon, il me fallait cela pour apprécier la musique. Tous mes sens devaient se concentrer dans mes oreilles en attendant le temps où la musique pourrait se voir…

J’aimais passer la nuit ainsi, naviguer sur un océan de sensations sonores, me laisser bercer par des vagues invisibles aux fréquences si harmonieuses. Le temps semblait alors mener sa propre vie, comme un alcoolique sans logique baignant dans la déraison. C’est dire que le temps devenait schizophrène en malaxant les souvenirs au gré des notes d’une contrebasse ou des cris angoissés d’une trompette, hurlant comme un loup perdu dans la ville…

Fatalement, vers trois heures du matin, il arrivait que je m’endormisse, vaincu par les roulements trop saccadés d’une batterie devenue folle.

Vers six heures, en éclairant mon salon, je vis, sur ma petite table rectangulaire en verre, le sac en plastique que le libraire m’avait donné la veille. Il contenait deux livres intitulés :

- Marina de Carlos Ruiz Zafon,

-  Serena de Ron Rash.

Quelle aurait été la probabilité pour que ces deux titres ne fussent que le fruit du hasard ? Pratiquement nulle !

Alors, qui était donc ce libraire qui ne vieillissait pas et qui connaissait le prénom des deux femmes qui perturbaient ma vie ?

 

A suivre

 

Note :

 

* Bacchanale : sorte de fête tapageuse et débauchée.

 

 


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1. anaflore  le 06-10-2015 à 11:05:04  (site)

j'espère que les inondations ne sont pas passées chez toi????
bacchanales on apprend chaque jour peut être un rapport avec bacchus???
bonne continuation

2. causons  le 29-10-2015 à 11:54:37  (site)

Ton "roman fleuve" me fait penser à des rêves avec suites chaque nuit, parraît-il que le sommeil est réparateur quand on rêve et qu'on se souvienne de ceux-ci...

3. causons  le 29-10-2015 à 17:44:58  (site)

A la maligne.
Entre des appréciations toujours positives et des appréciations toujours négatives, il y a un juste milieu non ?
Je suis sûr que tu as fait exprès d'écrire " il parraît " au lieu de " il paraît ". Juste pour me faire réagir. Tu as gagné ! Quand je vois une faute pareille, j'ai mal au cœur, j'ai un malaise.
Tu as l'air de savoir cuisiner...
Bonne journée.
___________________________________
Non, pas du tout fais exprès, j'ai des lacunes de ce côté, je ne sais jamais quand quand on met double consonne, faudrait les connaître par coeur... hélas !

4. causons  le 29-10-2015 à 19:29:12  (site)

Me suis trompée pour "paraître", et alors, pas grave, si ?
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