posté le 26-01-2016 à 08:52:35

Marina (54).

 

On peut toujours rêver !

 

Finalement je devais me rendre à l’évidence, je n’étais ni au paradis, ni en enfer, je me trouvais tout simplement sur Terre. Ici, aucune chance de rencontrer des anges ou des âmes   bienveillantes, mais plutôt des démons et autres créatures maléfiques.

La débauche de crèmes glacées ne m’avait point fait mourir, mais j’étais sûr, que dans mon corps, des animalcules microscopiques travaillaient à me détruire.

Pourtant, le miroir de ma salle de bains me renvoya une image digne de celle que l’on acquiert après la signature d’un pacte avec le diable. Je me voyais vieux, chauve, petit et gros, mais était-ce vraiment moi ou plutôt la représentation physique de mon âme après mes multiples duels érotiques avec Marina la nymphomane du labo de SVT.

Ma tête résonnait comme une darbouka (1) de Tunisie et de ce fait transpirait de déraison, celle qui pousse dans le cerveau après une nuit de libations peu conventionnelles.

Je constatais avec désespoir qu’il ne me restait plus de cachets d’aspirine et que j’allais être obligé d’aller en acheter. La pharmacie la plus proche devait se situer à quelques deux dixièmes de lieues (2). Pas très éloignée donc, mais allais-je m’y rendre à pieds ou en voiture ? Je risquais gros en voiture, je craignais un contrôle intempestif des représentants de « Mangeons moins de crèmes glacées nuisibles à la santé », une nouvelle directive indiquait qu’un taux de glycémie élevé était encore plus dangereux que celui de l’alcool.

Je devais parcourir la rue du Docteur Bonaventure sur quelques dizaines de mètres, arriver à un rond-point hyper stressant pour les piétons, puis traverser la rue sans me faire écraser pour aboutir à ma pharmacie habituelle dont les vitrines faisaient de la pub pour la lotion « Stop-fall » qui ralentissait la chute des cheveux.

- Mais tout le monde est malade ! pensais-je en apercevant au moins dix personnes à la mine cireuse et patibulaire qui attendaient leur tour.

Mon premier réflexe fut de fuir, de tout abandonner et de regagner mon logis pour attendre que la bulle du temps se dégonflât spontanément. On peut toujours rêver !

Je pris donc la décision de rester, d’autant plus qu’une jeune pharmacienne stagiaire allait et venait dans le rayon parapharmacie. Il faisait chaud et cette jeune femme portait un short en jeans vraiment serré à l’entrecuisse qui laissait apparaître le relief indécent de sa fente moulée dans le tissu ; c’est ce que les revues pornos appellent « Cameltoe (3) » (pied de chameau). (Allez savoir pourquoi).

J’oubliais les aspirines et ma probable séropositivité et je lui demandais  un flacon «Stop-fall». Elle regarda ma tête et moi son bas-ventre. Elle fronça les sourcils en me disant :

- Vous voulez bien enlever votre casquette s’il vous plait ?

Elle désirait certainement vérifier l’étendue des dégâts.

En voyant mon crâne plutôt dégarni, elle murmura :

- Je vous conseille de prendre plutôt cinq flacons ! Ils sont en promotion.

Je réglais cent cinquante euros à la caisse en fantasmant sur son «Cameltoe ».

De retour chez moi, je me demandais si cet achat était bien justifié, car pour cent cinquante euros j’aurais pu me payer une pute…

 

A suivre

 

Notes :

 

 

1- Darbouka : instrument de percussion faisant partie des membranophones. Selon ses variantes, c'est un tambour en gobelet répandu dans toute l'Afrique du Nord, et en calice dans le Moyen-Orient et les Balkans. Elle daterait de 1100 avant J.-C.

 

 

2- Lieue : (de latin leuca, emprunté au gaulois) est une unité de longueur anciennement utilisée en Europe et en Amérique latine.

La lieue a comme origine la distance que peut marcher un homme ou un cheval pendant une heure.

3- Cameltoe : terme argotique anglais utilisé pour désigner la forme, vue sous des vêtements moulants, des grandes lèvres d'une femme. Le cameltoe est le plus souvent le résultat du port de vêtements moulants tels que blue-jeans, shorts, micro-shorts ou maillots de bain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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1. tchan  le 02-02-2016 à 09:11:43  (site)

kikou bien beau chez toi

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posté le 19-01-2016 à 08:50:25

Marina (53).

 

                              J'ignorais que les crèmes glacées donnaient le mal de mer...

 

Ce téléphone qui criait me donnait la nausée. Mon estomac semblait danser le cha-cha-cha sur un bateau qui tanguait dans le triangle des Bermudes. Je voyais le mât qui avait l’air redoutable d’un bandit de grand chemin qui rêvait de me trancher la gorge. Autour de moi, le chaos, tout bougeait et glissait sur le pont souillé par des matières visqueuses. Le téléphone s’énervait et sa sonnerie ressemblait de plus en plus à une sirène assourdissante, comme celle des pompiers. Ma main décrocha le combiné et le porta à mon oreille. J’entendis une voix, comme un cri lointain dans un concert de rock :

- Allo, allo, c’est Marina !

Marina ? C’était qui celle-là ? Une forme féminine émergea de mon cerveau gélatineux et je crus me souvenir d’elle :

- Dégage, grosse truie !

Et je raccrochais brutalement, quand sortit de ma bouche un cocktail à moitié digéré de glaces aux parfums sataniques : vanille-caramel-pistache. Benny Goodman était reparti dans son arrière-monde avec sa clarinette et ses copains braillards. Moi, j’attendais.

Le matin ne se pressait pas d’arriver. Mes yeux distinguaient à peine les grands chiffres lumineux rouges projetés sur le plafond de mon salon : mon radioréveil, imperturbable, travaillait en silence.

4 :00, c’est ce que je voyais.

Je confondais l’heure et la valeur de ma pression sanguine.

4 :00, ciel, je suis en brutale hypotension ! pensais-je dans un bref sursaut de lucidité.

Je tâtais mon pouls ; il avait des pulsations qui ressemblaient aux pas de danse des vieux pensionnaires des maisons de retraite.

J’avais soif.

J’essayais de séduire ma bouteille d’eau minérale. Mais miss Evian me faisait la gueule, jalouse comme une vieille fille délaissée. Après plusieurs essais infructueux, elle eut pitié de moi et accepta de pleurer dans mon verre peu reluisant. Dans ma gorge coula un liquide inconnu ; il rinça mon tube digestif qui devait avoir une drôle de tête.

4 :10, tiens ma tension remontait peu à peu.

Et je sombrais dans un coma cataleptique* !

Quand, beaucoup plus tard, ma paupière droite se souleva avec rancœur, je m’apprêtais à explorer mon nouveau monde.

Le paradis ? C’est vrai, que dans ma vie j’avais accompli pas mal de bonnes actions. Combien ? Une dizaine en étant optimiste.

L’enfer ? Aie, que de péchés j’avais commis ! Une centaine en arrondissant. Mais j’avais oublié le labo de Marina, la nymphomane, débauchée, perverse et  vicieuse. Alors je pouvais bien multiplier par cinq le nombre de mes mauvaises actions.

Que faire dans ma nouvelle vie ?

Attendre et attendre encore…

 

A suivre  

 

    

 

* Catalepsie : état caractérisé par la perte des mouvements volontaires et par la rigidité des muscles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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posté le 12-01-2016 à 09:10:34

Marina (52).

 

 

Sous l'effet conjugué de l'alcool, des trois litres de crème glacée

et peut-être des malfaisants virus,

je me voyais dans la peau de Fred Astaire.

( On peut toujours rêver). 

 
  Etrangler Marina ? Un bref instant, j’en eus bien envie ! Mais moi, gentil comme un moine cistercien, je contins bien vite ce brutal désir d’assassinat. Je lorgnais bien sur un flacon d’acide chlorhydrique, que j’aurais pu lui lancer au visage pour la défigurer définitivement. Décidément, Marina, avait non seulement tué son mari, mais aussi certainement contaminé une grande partie du personnel masculin de ce collège. A mes yeux, elle s’était transformée en une hyène  lubrique  seulement capable du pire. Pourquoi avait-elle brûlé l’enveloppe qui contenait les résultats de mon test VIH ? Je lui posais la question, mais elle ne répondit pas. Je me mis alors à élaborer des théories plus fumeuses les unes que  les autres avec la conviction d’un élève de troisième face au théorème de Pythagore. Avant de sortir de ce maudit labo, je lui lançai un regard improbable, comme celui d’un touriste qui jette un crouton de pain à un lépreux de Bombay. Je ne pus que murmurer :

- Adieu !

Dans le couloir, aussi à l’aise qu’un équilibriste alcoolique, je heurtai un élève qui se déplaçait en pianotant sur son Smartphone pour envoyer un SMS, tout en écoutant son lecteur mp3 , bref un élève aveugle et sourd, digne représentant de la jeunesse actuelle dont seront issus les futurs aviateurs ou chirurgiens…

Que faire maintenant ? Bien sûr, je pouvais aller demander au labo d’analyses médicales, un duplicata de mes tests VIH, mais c’était au-dessus de mes forces, du moins pour l’instant. Il ne me restait plus qu’à attendre, je ne savais pas quoi, attendre que ma santé chancelât comme la flamme d’une bougie arrivée en bout de course.

Chez moi, je fus saisi par une brutale envie de crème glacée au caramel, seule capable, à mon avis, d’adoucir mes derniers instants. Mon congélateur était aussi désert que la toundra gelée de l’Arctique et je dus me résoudre à me rendre dans le magasin Picard situé au coin de ma rue. Là, la vendeuse me dévisagea comme si j’avais été un esquimau anorexique. Dur, dur, de supporter ces regards qui ne comprennent pas. Moi, en échange, je me mis à contempler ses seins qui avaient le volume des melons de Cavaillon, mais en avaient-ils le parfum ? Mystère, mystère, car je ne sentis, en m’approchant d’elle, que de vagues effluves de déodorant Rexona. Finalement j’achetais trois bacs de crème glacée de un litre (pistache, vanille et  caramel) de quoi avoir une crise d’hyperglycémie ce soir, en les consommant toutes, vautré sur mon canapé à écouter un cd de Benny Goodman à la clarinette et de ses acolytes. Ça valait bien une giclée de sperme dans la bouche de Marina la nymphomane. J’avoue aussi que j’arrosais le tout de Cognac, histoire  d’apprécier le rythme endiablé de la musique que j’écoutais et dont les notes  avaient une fâcheuse tendance à s’agglutiner dans mon cerveau.

C'est alors que je me mis à fantasmer sur Ginger Rogers. Je me voyais danser avec elle et moi j'étais dans la peau de Fred Astaire ( voir la vidéo en fin d'article).

 Vers trois heures du matin, je me sentais proche du coma diabétique et j’attribuais tous ces symptômes aux petits virus du SIDA qui devaient festoyer dans mon corps.

Mon estomac était une outre dilatée contenant un mélange détonnant de près de trois litres de crèmes glacées à la vanille, au caramel et à la pistache. Malgré tout son talent, j’avais l’impression  que Benny Goodman me frappait sur le ventre avec sa clarinette.                                                                                                                         

Une demi-heure plus tard, le téléphone sonna…

                                                                             

                                                                                 A suivre 

 
 
 Benny Goodman - Sing Sing Sing 1935
 
 
 

GINGER ROGERS ET FRED ASTAIRE

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posté le 05-01-2016 à 09:11:01

Marina (51).

 

Marina fumait-elle vraiment du tabac?

J'avais comme des visions lorsque la fumée

arrivait à mes narines...

 

Dans le labo de SVT, Victor, le squelette, semblait sourire en contemplant ma mine fantomatique, il pensait certainement que bientôt, j’irai jouer aux osselets avec lui dans l’autre monde.

Marina se colla à moi, dans un sursaut de tendresse inhabituel chez une nymphomane comme elle. Au-dessous de ma ceinture, c’était le calme plat, une larve molle et dépressive, incapable de relever la tête. Bien sûr, j’en voulais beaucoup à cette femme, mais n’avais-je pas été, aussi, un peu irresponsable en acceptant ses jeux pervers sans préservatif ?

Je sortis la fameuse enveloppe froissée et la tendit à Marina en lui disant :

- Vas-y, ouvre la et ne m’annonce pas trop brutalement la mauvaise nouvelle.

Avec un sourire presque moqueur, elle saisit cet emballage en papier qui cachait encore la révélation de ma condamnation à mort. Elle déposa l’enveloppe pliée en deux, dans le sens de la longueur, dans un bécher (1) en verre à la propreté douteuse qui avait dû contenir beaucoup de cadavres de grenouilles ou d’animaux, gluants comme mon moral.

- Tu ne l’ouvres pas ? lui dis-je avec une voix chevrotante comme celle de l’animal de Monsieur Seguin.

Dans ses yeux, des éclairs semblaient faire la fête et sa poitrine se soulevait comme si sa respiration devenait incontrôlable.

- On peut s’amuser un peu avant si tu veux, dit-elle avec l’aplomb d’un plombier-zingueur.

Elle se mit à genoux devant moi et entreprit d’ouvrir ma braguette aussi plate que la poitrine de Jane Birkin. Elle en sortit un caramel mou qui avait bien rétréci au lavage.

- Mais tu ne bandes pas ? me dit-elle en se fourrant dans la bouche cette friandise ratatinée.

Ma réplique fut cinglante :

- Comme si j’avais la tête à bander avec tout ce qui m’arrive ! Allez dépêche-toi, ouvre cette enveloppe !

De toute évidence, Marina se moquait de moi.

Sans que je le voulusse, le caramel, dans sa bouche, perdait de son atonie (2), devenait dur, prenait de l’ampleur, ragaillardi par la salive chaude et par la langue fureteuse de Marina. Elle savait y faire, la garce, sans dégoût, sans crainte et cela, sans que je susse pourquoi, avait un effet positif sur mon moral. Fatalement, en ce moment-là, je n’étais pas le champion de l’endurance et en trente secondes, je projetais dans sa bouche des salves gluantes, peut-être empoisonnées.

Elle avala le tout en gloussant comme une poule pondeuse ensemencée par le coq de la basse-cour. Moi, je pensais qu’elle était folle !

Elle s’assit ensuite sur la paillasse en carreaux de faïence blanche en balayant d’un revers de main des béchers, des tubes à essais et des têts (3) en terre cuite ; ses pieds oscillaient nerveusement à vingt centimètres du sol. Elle écarta les cuisses et en tirant sur le tissu de son string noir, elle me dit :

- Baise-moi chéri !

A ce moment, je pensai qu’elle savait qu’on était tous les deux séropositifs et qu’elle m’offrait ainsi l’équivalent de la dernière cigarette du condamné à mort, le dernier verre de rhum avant la guillotine…

Je refusais ce qu’elle m’offrait, sans protection, avec tant d’impudeur. Entre ses cuisses, sa fente aux lèvres gonflées et entrouvertes laissait suinter une mousse blanchâtre qui indiquait le degré de son excitation.

Mon obsession renaquit en même temps que mon caramel se ratatinait et redevenait tout mou. Je lui dis :

- Alors, tu l’ouvres, cette enveloppe ? Oui ou non ?

Elle était vexée, blessée, insatisfaite à cause de mon refus.

Elle murmura, en se remettant debout :

- Sois patient, je vais d’abord fumer une cigarette.

Elle mit dans sa bouche l’empoisonneuse de poumons et actionna son briquet qui fit apparaître une flamme bleue et joyeuse. Sans que je pusse réagir, paralysé par l’angoisse, je la vis mettre le feu à l’enveloppe qui contenait les résultats de mon test VIH. Le papier sec brûla entièrement en quelques secondes en laissant au fond du bécher un petit tas de cendres noires.

C’est à ce moment-là que j’eus envie de l’étrangler…

A suivre

 

Notes :

 

1- Bécher : récipient gradué cylindrique en verre ou en plastique utilisé pour de nombreuses applications de laboratoire, notamment en chimie, physique, biologie et pharmacie. Le mot provient de l'allemand Becher qui signifie gobelet.

2- Atonie : manque de tonus, d’énergie (d'un organe)

3- Têt : coupelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 


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1. anaflore  le 05-01-2016 à 12:31:30  (site)

bonne et heureuse année 2016
bonne écriture

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posté le 29-12-2015 à 08:36:29

Marina (50).

 

Dans la cour, quelques élèves s'ennuyaient...

 

J’avais hâte de rencontrer Marina, juste pour me faire consoler bien qu’elle fût la cause de tous mes tourments.

Je me pointais vers 12h45 devant le portail fermé du collège et je sonnais pour que le concierge pût l’ouvrir. Il me regarda comme s’il ne me connaissait pas, avec un air suspicieux, presqu’hagard, rougeaud et bouffi, portant sur son visage les stigmates de son alcoolisme. J’essayais d’être normal, cachant mon inquiétude et essayant de dissimuler les quelques boutons qui étaient apparus sur mon visage.

- Ah, c’est vous Monsieur X….., me dit-il dans un brusque sursaut de lucidité.

- Oui, répondis-je, c’était le mot le plus court possible.

Pour rejoindre le labo, je devais traverser la cour de récréation, heureusement déserte à cette heure-ci. Il y avait bien quelques élèves anorexiques ou dans le besoin qui désertaient la cantine. Ils étaient agglutinés par groupe de cinq ou six, dans les endroits ombragés, assis par terre et pianotant comme des malades sur leurs Smartphones ou sur leurs consoles de jeux. Je craignais de rencontrer des collègues logorrhéiques (1) à la recherche d'une victime pour la noyer sous un déluge de phrases gluantes et inutiles.

Ouf, j’avais traversé cette maudite cour sans encombre et il ne me restait plus qu’à atteindre le préau qui précédait la porte qui ouvrait sur les différentes salles du bâtiment.

Au rez-de-chaussée il ne me restait plus qu’à tourner à droite pour atteindre le labo de SVT. J’y étais presque, quand je sentis une main se poser sur mon épaule. C’était celle de Jeanne, la CPE, qui rôdait dans les couloirs. Elle était blonde, mignonne, assez petite, les cheveux courts et un joli sourire rassurant et empathique (2) illuminait son visage. Pour être honnête, je dois avouer que j’avais souvent fantasmé sur elle, des désirs doux sans sexe, juste des envies de la prendre dans mes bras et de l’embrasser sur la bouche…Elle s’approcha de moi pour me faire la bise, geste instinctif que je ne pus éviter et qui me plongea un instant dans son petit monde parfumé.

- Comment vas-tu, Alain ? me murmura-t-elle avec des mots qui ressemblaient à des chamallows parfumés à la framboise.

Devais-je lui avouer que mon moral avait atteint la profondeur de la fosse  océanique des Mariannes (3) ? Je ne pus que lui répondre avec un sourire forcé :

- Ca va et toi ? C’était le minimum pour éviter l’impolitesse.

Son regard continuait à me troubler et son sourire, léger comme une plume de poussin, me caressait à distance. J’étais prêt à sombrer, à tout lui révéler, à exposer sur des tréteaux toutes mes pensées les plus intimes, quand,  au bout du long couloir, apparut un élève à la mine patibulaire. Jeanne dut me quitter pour aller faire son devoir : sermonner cet intrus qui ne devait pas errer dans le bâtiment entre 13h et 14h.

Moi, je me sentis soudain abandonné et je frappai donc à la porte du labo de SVT. En entrant dans la salle où planait une odeur forte de formol, j’aperçus Marina en blouse blanche qui vint vers moi en souriant.

Sourire, était-ce approprié dans la situation catastrophique dans laquelle je me trouvais ?

Dans ma poche, l’enveloppe qui contenait le résultat du test VIH, appuyait sur mon cœur comme un poignard empoisonné…  

 

A suivre

 

Notes :

 

 

1 – Logorrhée : pathologie du langage qui conduit le malade à

                       déverser un flot rapide et ininterrompu de paroles.

2 : Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui et

                      de comprendre ses sentiments et ses émotions.

3 : Fosse des Mariannes : La fosse des Mariannes est la fosse

                                       océanique la plus profonde actuellement

                                       connue et l’endroit le plus profond de la

                                       croûte terrestre. Elle est située dans la

                                       partie nord-ouest de l’océan Pacifique, à

                                      l’est des Îles Mariannes et à proximité de

                                      l’île de Guam. Le point le plus bas se situe 

                                      selon les relevés entre un peu moins de

                                      11 500 mètres et un peu plus de 11 000

                                     mètres de profondeur.

 
 

 
 


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posté le 22-12-2015 à 08:50:40

Marina (49).

 

Il ne me restait plus qu'à ouvrir cette maudite enveloppe... 

 

Bon, j’avais décidé d’ouvrir cette maudite enveloppe destinée à mon médecin et dans laquelle figurait certainement ma condamnation à mort. Ce pas difficile à franchir et qui allait me projeter dans un film d’épouvante, j’hésitais encore à l’accomplir, comme si le fait d’ouvrir ou de ne pas ouvrir l’enveloppe pouvait changer le cours des choses. Mon angoisse donnait à tous mes gestes une dimension magique et je me projetais des films en pensant :

- Si j’ouvre l’enveloppe, j’ai le SIDA et si je ne l’ouvre pas, je ne l’ai pas !

Pas si facile que ça quand même, car une minute plus tard, j’inversais le sens de ma phrase.

Pour détourner ce jeu de pile ou face, mon cerveau perturbé avait trouvé une troisième possibilité, en d’autres termes prendre connaissance des résultats de mon test sans ouvrir l’enveloppe. Pour cela, je m’installais à mon bureau et je collais l’enveloppe contre la l’ampoule allumée de ma lampe en col de cygne. Je pensais ainsi que, par transparence, je pourrais lire son contenu. Peine perdue, la lampe n’était pas assez puissante : 30 watts à peine, juste suffisante pour distinguer quelques signes sur le papier trop opaque à mon goût. La seule solution, c’était de remplacer cette lampe maigrichonne, par une autre bien plus puissante et tant pis si ça faisait enrager les écologistes, ces prophètes de malheur qui nous prédisaient l’apocalypse en inventant de nouveaux péchés capitaux.

Sous mon lit, j’avais caché, comme un voleur, une boîte pleine de lampes à incandescence, ces antiquités énergivores, condamnées par Nicolas Hulot en personne, et qui avaient été remplacées par des lampes à économie d’énergie qui émettaient pas mal de rayons UV, responsables de cancers de la peau, mais qui protégeaient la planète. J’en choisis une à cent watts, conscient que je commettais un crime écologique. Je collais l’enveloppe contre l’ampoule l’ultra lumineuse et brûlante et par transparence je ne pus que lire :

«  Test ELISA… résultat ……tif »

« …tif » cela pouvait être soit positif soit négatif. J’étais bien avancé !

Je sentis comme une coulée de sueur glaciale, naître entre mes omoplates et couler le long de la peau de mon dos.

Je ne savais plus que faire, paralysé par la peur d’apprendre une mauvaise nouvelle. Je me sentis devenir une marmotte entrant en hibernation un matin pluvieux d’hiver. C’est à ce moment-là que le téléphone sonna : c’était Marina qui m’appelait pour la centième fois. Comme une larve de zombie, je décrochais le combiné en espérant me faire consoler par la nymphomane du collège. Je lui racontais tout en détails et elle me répondit :

- Pauvre chou, viens me retrouver à 13h au labo, nous ouvrirons l’enveloppe ensemble !

C’était une solution qui me permettait de gagner quelques heures avant le verdict…

 

A suivre… 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 


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