Nostalgie: Christiane et moi,
il y a quelques années.
(J'espère qu'elle ne lira pas mon blog).
Dans la salle de bains, je repérai bien vite la tablette en verre suspendue à un mur. Elle supportait un rasoir électrique, d’une apparence neuve et de marque Philips. Je redoutais que Marina ne l’eût nettoyé de fond en comble. A droite du lavabo se trouvait une boîte de mouchoirs en papier, côtoyant, dans un désordre minutieux, des tubes de crème hydratante, un shampooing antipelliculaire et un petit flacon de parfum Shalimar de Guerlain. Je fus plongé un instant dans un bain de nostalgie et j’en vins à oublier ma « mission ». Shalimar, c’était le parfum de Christiane, une femme que j’avais connue et aimée, il y a bien des années. Elle représentait l’époque des « amours parfumées ». Elle était veuve, brune, piquante et son tour de poitrine, 95B, me faisait rêver. Pour me faire souffrir, je dévissais le bouchon du flacon arrondi et alors, jaillirent vers mon nez, des milliards de molécules odorantes, qui, un instant, me firent voyager dans le passé. Notre « histoire » finit mal…
Je secouais ma tête, comme un chien qui s’ébroue, pour revenir à mon présent. Minutieusement, je démontais le haut du rasoir électrique et sur un mouchoir en papier, je secouais l’appareil pour en faire tomber les poils de la barbe de Roger. « Bingo ! », il y en avait beaucoup. Je pliais en quatre le mouchoir et je le glissais dans la poche de mon pantalon. Après avoir tout rangé, je regagnais le salon où m’attendait Marina.
« Tu en as mis du temps ! » me reprocha-t-elle.
Et en même temps, sa main caressa ma joue.
« Oh, mais tu ne t’es pas rasé ! » cria-t-elle.
Presque craintif, je balbutiais une excuse :
« Tu sais, les rasoirs électriques me donnent des boutons. »
Elle devint comme folle. Elle eut une réaction disproportionnée :
« Mais tu te fous de moi ! Dégage, dégage ! » hurla-t-elle.
Apparemment, elle avait un problème grave avec les poils masculins. Cela me rappela une élève que j’avais eue il y a bien longtemps et qui avait un orgasme chaque fois que je parlais de poils (heureusement pas très souvent).
J’avais l’impression d’avoir devant moi, une furie (1) échappée d’un asile d’aliénés et je pensais à ce que devait subir le pauvre Roger, feu son mari… Elle me désigna la porte avec son index droit, qui se transforma, dans mon imagination, en une épée acérée. Je sortis bien vite, comme rassuré d’avoir échappé à un danger mortel. Chez moi, je téléphonais à mon ami de la fac des sciences de Marseille pour l’informer que j’avais récupéré deux échantillons pour l’analyse ADN : la poussière d’os du squelette et les poils de barbe de Roger. Il me demanda de tout lui envoyer en recommandé. Puis j’entrais en contact avec Serena (celle qui avait incendié l’entreprise des portemanteaux Solido) pour tout lui raconter. Elle me parut inquiète et angoissée. Je lui proposais de venir chez moi le lendemain et je mis une bouteille de champagne « Veuve Clicquot » dans le réfrigérateur…
A suivre…
Notes :
1 :Antiquité : chez les Romains chacune des trois divinités vengeresses de la mythologie latine.
• les furies rendaient fou celui qu'elles poursuivaient.
• les furies avaient des serpents en guise de cheveux.
Marina et moi version soft...
J’avais donc prélevé de la poussière d’os sur le tibia de Roger, le squelette, qui se trouvait dans le labo de Marina. Mais pour savoir, par un test ADN, si c’était bien celui de son mari, je devais chercher des indices lui ayant appartenu de son vivant.
Je me pointais, peu rassuré, chez Marina vers vingt heures. Décidément, de jour en jour je découvrais des facettes peu rassurantes de sa personnalité. Je savais qu’elle était érotomane et certainement aussi nymphomane et manipulatrice, mais je pensais à présent, qu’elle était, en plus, criminelle. Sa maison devenait pour moi, inquiet professionnel, un lieu hautement improbable.
Quand elle ouvrit sa porte, j’oubliai, un instant, que j’avais affaire à une dangereuse psychotique ; je la trouvais belle et sexy et déjà je salivais en pensant à la nuit que j’allais passer avec elle. Elle m’accueillit avec un baiser sur la bouche, un de ces baisers plus chaud que l’Etna, avec une langue aussi agile que les sabres des soldats napoléoniens. Elle savait provoquer en moi, une tension palpable aussi dure que du vieux bronze chinois et mettre en marche la machine qui fabriquait ma lave bouillonnante et prête à jaillir. Bref, elle me « tenait » par le sexe !
Elle était assise à côté de moi, sur le canapé, et sa belle cuisse découverte me transmettait déjà la chaleur de son corps. J’en perdais mes repères et j’oubliais alors ma « mission » et ses dangers. Elle me proposa un apéritif, whisky, pastis ou martini. Je choisis le moins fort pour garder des neurones à peu-près présentables. Sur la petite table basse en verre, en face de nous, elle avait garni des petites assiettes avec des soufflets à la cacahouète, des noix de cajou et des crackers au fromage. Tout ce que j’aimais ! Mais derrière mes sourires de façade, je cherchais où je pourrais trouver, dans cette maison, des traces biologiques de Roger. Cela ne m’empêchait pas de faire voltiger ma main un peu partout sur son corps. Elle se laissait faire, en gloussant comme une nymphe timide. Entre deux gorgées d’apéritif et deux crackers Belin, elle m’avoua que pour oublier le drame, elle avait jeté toutes les affaires de Roger et même ses lettres d’amour. Les pistes s’effilochaient une à une : la salive sur les enveloppes, les cheveux sur les vêtements…etc.
Je me demandais alors si cette soirée était vraiment une bonne idée. Un peu quand même, oui, car sa main avait commencé un travail minutieux sur mon archet si sensible qui n’attendait que cela : frotter les cordes du violon de Marina… Un violon qui chuintait des mélodies peu catholiques à ne pas faire écouter à des oreilles chastes. Par un hasard, programmé par le destin, Marina caressa mon visage et s’exclama :
« Oh, tu ne t’es pas rasé ! Je déteste ça ! »
C’est vrai que j’avais une petite barbe de deux jours qui se voyait à peine. Mais Marina, têtue comme une mule ménopausée, ne voulut plus continuer nos petits jeux coquins.
« Il faut te raser ! » me dit-elle avec un air dégoûté .
Une lubie de plus à ajouter aux exigences de Marina qui en avait déjà beaucoup. Ma libido commençait à prendre l’aspect d’une glace à la vanille qui fondait au soleil et mon archet acquérait la mollesse des élastiques en caoutchouc des îles. Je trouvais là une occasion de fuir :
« Bon, puisque tu l’exiges, je retourne chez moi pour me raser ! Je reviendrai dans une heure si tu le souhaites. »
Marina répondit :
« Idiot, tu n’as qu’à aller dans la salle de bains et te raser avec le rasoir électrique de Roger que j’ai gardé en souvenir ! »
Marina ne se doutait pas qu’elle venait de commettre une erreur fondamentale…
A suivre…
Vive l' ADN
ou
Acide DésoxyriboNucléique
(c'est plus facile à dire)
De toute évidence, Roger n’était autre que le squelette du mari de Marina. Par conséquent, il n’avait pas trouvé la mort dans l’incendie de son usine de portemanteaux. Il était décédé ailleurs et probablement assassiné par sa femme. On ne retrouva pas le cadavre sur le lieu du drame, car en fait il était certainement resté à son domicile. Marina avait dû tuer son mari et pour se débarrasser de son corps, elle l’avait fait dissoudre dans de la soude, probablement dans sa baignoire. Elle avait dû reconstituer le squelette, pour le transporter ensuite dans son labo, au collège.
Quelle cruelle vengeance ! Le mari de Marina, assistait, par l’intermédiaire de son squelette, à tous les ébats amoureux de son épouse. Et elles étaient nombreuses ses parties de « jambes en l’air »...
Il fallait d’abord que je fusse sûr que le squelette du labo était celui de Roger, le mari de Marina. Seul un test ADN pouvait le prouver. Avec le scalpel que je trouvai sur la paillasse, je grattais le tibia de ce pauvre Roger. Je recueillis la poussière d’os sur un morceau de papier filtre. Quand j’en eus une quantité suffisante, je pliais le papier en quatre et le plaçai dans la poche de ma veste. Ouf, c’est à ce moment-là que Marina revint dans le labo, en me disant :
« Chéri, il faut que tu files, les élèves vont arriver ! »
Ce « chéri » me fit froid dans le dos. Elle me poussa dehors, après m’avoir embrassé sur la bouche et titillé ma langue avec la sienne chaude et baveuse.
Mais que faire de cette poussière d’os ? L’apporter à la police ? Et si je m’étais trompé ? Je ne pouvais pas accuser quelqu’un sans de réelles preuves. J’avais un ami qui travaillait à l’une des facultés des sciences de Marseille ; lui, pouvait certainement savoir à qui s’adresser pour effectuer le test ADN.
Chez moi, je lui téléphonais et il fut heureux d’évoquer les frasques de notre jeunesse. Cependant, je lui racontais toute l’histoire de Marina et les craintes que je nourrissais à son sujet. Il me refroidit un peu en me disant :
« Oui, mais il me faudrait un élément de ton Roger vivant, comme des cheveux, de la salive, du sang, du sperme…, pour que l’on puisse comparer les deux ADN. »
Où allais-je trouver tout ça ?
Presqu’avec effroi, je compris que je devrai aller faire un tour dans la maison de Marina. Il fallait que je jouasse avec elle, la comédie du collègue amoureux. Je lui laissais un message sur son portable, presqu’une déclaration d’amour à laquelle, je pensais, elle ne serait pas insensible. Elle me répondit, quelques minutes plus tard, en me disant qu’elle m’attendrait, le soir même chez elle, vers vingt heures et que j’avais intérêt à «assurer».
Le sort était jeté : je craignais surtout que le labo ne s’enrichît d’un deuxième squelette prénommé « Alain » (mon prénom)…
A suivre…
Roger, le squelette du labo de SVT...
Quelques jours plus tard, je reçus un appel de Marina qui me demandait d’aller la voir au collège. Je pensais qu’elle avait encore besoin de mon sperme bio pour montrer aux élèves la valse de mes spermatozoïdes musclés sous l’oculaire des microscopes. J’étais prêt à satisfaire sa requête à condition que mon émission spermatique fût recueillie dans sa bouche.
On se rencontra, comme d’habitude, dans son labo et je m’aperçus que ses muscles buccaux n’avaient rien perdu de leur vigueur. Elle recracha le tout dans un bécher de 50 mL, qui fut rempli presqu’à ras-bord (j’exagère bien-sûr, car je ne suis pas un cheval). Ce qui me gênait surtout, c’était la présence constante de Roger qui assistait à tous nos ébats. Roger, c’était le squelette du labo et sa tête de mort-vivant curieux me donnait des frissons qui n’avaient rien à voir avec ceux que me fournissait la bouche de Marina. Après avoir fini de tripoter ses gros seins, j’osais enfin lui demander :
« Mais pourquoi as-tu surnommé Roger, le squelette du labo ? »
Marina se figea et prit sur la paillasse un bistouri inquiétant. Elle se dirigea vers moi, comme si elle voulait me poignarder. Elle arrêta la lame à deux centimètres de ma gorge et se mit à rire d’une manière hystérique.
« Tu as eu peur, hein ? » me dit-elle.
Moi, je me demandai surtout ce que je faisais dans cette pièce. Je lui reposais la question sur le prénom du squelette à laquelle elle ne répondit pas, se contentant de passer sa langue gluante sur mes lèvres.
Elle alla ensuite dans sa salle qui communiquait avec le labo, en me disant qu’elle devait préparer des travaux pratiques pour sa classe de 3ème.
J’en profitais pour fouiller dans une armoire, cherchant un indice qui pourrait effacer la brume qui encombrait mon cerveau. Je trouvais un classeur dans lequel elle conservait tous les bons de commandes des différents matériels et produits chimiques nécessaires aux expériences réalisées en SVT. Quelque chose de bizarre attira mon attention : en trois ans, elle avait commandé, par petites quantités, plus de cent litres de soude.
Je me souvins alors que j’avais lu un article dans lequel on expliquait comment on «fabriquait » les squelettes à partir de cadavres : par dissolution des chairs par la soude. Un frisson peu voluptueux parcouru ma moelle épinière, lorsque je me retournais pour observer Roger, le squelette suspendu à une potence métallique. Roger, au sourire énigmatique figé pour l’éternité.
Avec horreur, je crus comprendre ce qui était vraiment arrivé…
A suivre…
Serena me berça avec son sourire, petit éclair sympathique dans ce bar plein d’odeurs de café, de bruits de machine à vapeur que le percolateur fatigué, coureur de fond essoufflé, projetait dans la salle en étouffant les conversations des rares clients qui passaient.
Elle ne pensait pas que Marina eût menti et elle poursuivit sa confession :
« Après l’incendie, j’ai vécu l’enfer ! Je n’arrivais plus à sortir, je restais des jours entiers enfermée chez moi et je ne répondais plus aux sollicitations de mes amis. Un jour, presqu’au bord du suicide, je trouvai dans la poche de mon manteau, un morceau de papier sur lequel vous aviez écrit votre numéro de téléphone et ce fut une bouée que le destin me lançait. Je m’y accrochais comme une désespérée et c’est alors que je commençais à vous téléphoner au nom de la société Solido. Cela me permettait de parler à quelqu’un et je m’efforçais de ne pas vous appeler plusieurs fois par jour. Je ne vivais que pour ça : vous parler quelques minutes anonymement. »
Je l’interrompis pour lui dire :
« Et moi j’attendais votre appel, sans savoir que c’était vous ! C’était un drôle de lien qui s’était créé entre nous ; chacun avait besoin de l’autre ».
Ma main serra la sienne et ce fut avec ELLE, mon premier instant de bonheur. Je tentais de lui expliquer ce que je pensais de sa situation :
« J’ai des indices confus qui me font croire que Marina vous a bien menti et que son mari n’a pas péri dans l’incendie de son entreprise. »
Serena m’enveloppa d’un regard diffus, mélange d’espoir et d’incompréhension. Elle me murmura :
« Alors Roger est encore vivant ? Marina et lui ont donc monté ce stratagème pour toucher la prime d’assurance ? »
Je dus rectifier sa pensée :
« Non, je pense que Roger est bien mort ! »
Son regard me caressa la joue et ses yeux se perdirent dans un labyrinthe obscur que j’aurais bien aimé explorer avec elle, en lui tenant la main, en sentant sa peau sur la mienne…
« Votre patron est bien mort, mais pas comme vous l’aviez imaginé…! »
A suivre…
Méfions-nous des confidences...
Elle répéta sa phrase, pour se faire du mal peut-être ou pour tenter d’expier cette action fatale.
« Oui, je suis une criminelle ! »
Le bar semblait en rodage. Il prenait l’aspect d’un garage désaffecté avec ses tables désertées et ce parfum de café qui planait comme cette odeur de vieille huile qui encombre l’atmosphère des arrière-cours où s’entassent les voitures en fin de vie.
Moi, je ne savais quoi dire, gagné par son émotion ; je ne pouvais que la regarder, fixer ses yeux embués, témoins du drame qu’elle avait vécu.
Et Serena se remit à raconter :
« Marina me téléphona le surlendemain pour m’apprendre que son mari avait péri dans l’incendie. Un incendie si violent, qu’on ne retrouva pas son corps. Marina m’expliqua que Roger, malgré son angine, était allé travailler très tôt ce matin-là, comme il en avait l’habitude. »
Un jeune homme entra dans le bar. Il avait les yeux troubles de quelqu’un qui avait fumé un joint. J’avais appris à repérer les élèves de troisième qui se droguaient. Du jour au lendemain, leur comportement changeait : ils se montraient agressifs et leurs yeux rougis ne laissaient aucun doute quant à leur addiction. Leurs parents ne remarquaient rien et étaient catastrophés quand on essayait de les avertir. Souvent ils niaient l’évidence et attribuaient les yeux rougis de leurs enfants à une conjonctivite saisonnière. Des parents-autruches, on en a vu des dizaines, des parents qui ne voulaient surtout pas que l’on dérange leur petite vie bien huilée.
Le jeune homme au blouson de cuir se dirigea vers le juke-box et lança une chanson de Grand corps malade « J’ai oublié ».
Pour écouter la chanson, cliquez sur la flèche.
L’oubli, c’est certainement ce qu’il fallait à Serena pour qu’elle reprenne le dessus. Je lui demandai si le jour de l’incendie, elle n’avait pas observé des indices troublants. Elle me regarda comme si elle scrutait un totem et dans ses yeux passa un éclair dont l’intensité sécha un instant ses larmes. Elle me répondit :
« Oui, je me souviens que tout était éteint dans l’entreprise et que le bureau du patron était parfaitement obscur. »
Alors je lui assenai une question qui la déstabilisa.
« Et alors, qu’est-ce qui prouve que votre patron était dans l’usine ce jour-là ? »
Elle mit du temps à réagir, comme si ma phrase venait déranger le scénario funeste qui empoisonnait sa vie depuis des jours et des mois. Elle ne put que me répondre :
« Mais c’est sa femme, Marina, qui me l’a dit ! »
Malgré moi, je lui fis un petit sourire, comme un baume calmant sur une brûlure qui suinte et je lui murmurai :
« Et si Marina avait menti ? »…
A suivre…
2. La Rousse le 09-09-2015 à 11:14:07
Salut !
J'espère que tu t'es rendu compte que "causons", c'est moi ?
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