Dans la cour, quelques élèves s'ennuyaient...
J’avais hâte de rencontrer Marina, juste pour me faire consoler bien qu’elle fût la cause de tous mes tourments.
Je me pointais vers 12h45 devant le portail fermé du collège et je sonnais pour que le concierge pût l’ouvrir. Il me regarda comme s’il ne me connaissait pas, avec un air suspicieux, presqu’hagard, rougeaud et bouffi, portant sur son visage les stigmates de son alcoolisme. J’essayais d’être normal, cachant mon inquiétude et essayant de dissimuler les quelques boutons qui étaient apparus sur mon visage.
- Ah, c’est vous Monsieur X….., me dit-il dans un brusque sursaut de lucidité.
- Oui, répondis-je, c’était le mot le plus court possible.
Pour rejoindre le labo, je devais traverser la cour de récréation, heureusement déserte à cette heure-ci. Il y avait bien quelques élèves anorexiques ou dans le besoin qui désertaient la cantine. Ils étaient agglutinés par groupe de cinq ou six, dans les endroits ombragés, assis par terre et pianotant comme des malades sur leurs Smartphones ou sur leurs consoles de jeux. Je craignais de rencontrer des collègues logorrhéiques (1) à la recherche d'une victime pour la noyer sous un déluge de phrases gluantes et inutiles.
Ouf, j’avais traversé cette maudite cour sans encombre et il ne me restait plus qu’à atteindre le préau qui précédait la porte qui ouvrait sur les différentes salles du bâtiment.
Au rez-de-chaussée il ne me restait plus qu’à tourner à droite pour atteindre le labo de SVT. J’y étais presque, quand je sentis une main se poser sur mon épaule. C’était celle de Jeanne, la CPE, qui rôdait dans les couloirs. Elle était blonde, mignonne, assez petite, les cheveux courts et un joli sourire rassurant et empathique (2) illuminait son visage. Pour être honnête, je dois avouer que j’avais souvent fantasmé sur elle, des désirs doux sans sexe, juste des envies de la prendre dans mes bras et de l’embrasser sur la bouche…Elle s’approcha de moi pour me faire la bise, geste instinctif que je ne pus éviter et qui me plongea un instant dans son petit monde parfumé.
- Comment vas-tu, Alain ? me murmura-t-elle avec des mots qui ressemblaient à des chamallows parfumés à la framboise.
Devais-je lui avouer que mon moral avait atteint la profondeur de la fosse océanique des Mariannes (3) ? Je ne pus que lui répondre avec un sourire forcé :
- Ca va et toi ? C’était le minimum pour éviter l’impolitesse.
Son regard continuait à me troubler et son sourire, léger comme une plume de poussin, me caressait à distance. J’étais prêt à sombrer, à tout lui révéler, à exposer sur des tréteaux toutes mes pensées les plus intimes, quand, au bout du long couloir, apparut un élève à la mine patibulaire. Jeanne dut me quitter pour aller faire son devoir : sermonner cet intrus qui ne devait pas errer dans le bâtiment entre 13h et 14h.
Moi, je me sentis soudain abandonné et je frappai donc à la porte du labo de SVT. En entrant dans la salle où planait une odeur forte de formol, j’aperçus Marina en blouse blanche qui vint vers moi en souriant.
Sourire, était-ce approprié dans la situation catastrophique dans laquelle je me trouvais ?
Dans ma poche, l’enveloppe qui contenait le résultat du test VIH, appuyait sur mon cœur comme un poignard empoisonné…
A suivre…
Notes :
1 – Logorrhée : pathologie du langage qui conduit le malade à
déverser un flot rapide et ininterrompu de paroles.
2 : Empathie : faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui et
de comprendre ses sentiments et ses émotions.
3 : Fosse des Mariannes : La fosse des Mariannes est la fosse
océanique la plus profonde actuellement
connue et l’endroit le plus profond de la
croûte terrestre. Elle est située dans la
partie nord-ouest de l’océan Pacifique, à
l’est des Îles Mariannes et à proximité de
l’île de Guam. Le point le plus bas se situe
selon les relevés entre un peu moins de
11 500 mètres et un peu plus de 11 000
mètres de profondeur.
Il ne me restait plus qu'à ouvrir cette maudite enveloppe...
Bon, j’avais décidé d’ouvrir cette maudite enveloppe destinée à mon médecin et dans laquelle figurait certainement ma condamnation à mort. Ce pas difficile à franchir et qui allait me projeter dans un film d’épouvante, j’hésitais encore à l’accomplir, comme si le fait d’ouvrir ou de ne pas ouvrir l’enveloppe pouvait changer le cours des choses. Mon angoisse donnait à tous mes gestes une dimension magique et je me projetais des films en pensant :
- Si j’ouvre l’enveloppe, j’ai le SIDA et si je ne l’ouvre pas, je ne l’ai pas !
Pas si facile que ça quand même, car une minute plus tard, j’inversais le sens de ma phrase.
Pour détourner ce jeu de pile ou face, mon cerveau perturbé avait trouvé une troisième possibilité, en d’autres termes prendre connaissance des résultats de mon test sans ouvrir l’enveloppe. Pour cela, je m’installais à mon bureau et je collais l’enveloppe contre la l’ampoule allumée de ma lampe en col de cygne. Je pensais ainsi que, par transparence, je pourrais lire son contenu. Peine perdue, la lampe n’était pas assez puissante : 30 watts à peine, juste suffisante pour distinguer quelques signes sur le papier trop opaque à mon goût. La seule solution, c’était de remplacer cette lampe maigrichonne, par une autre bien plus puissante et tant pis si ça faisait enrager les écologistes, ces prophètes de malheur qui nous prédisaient l’apocalypse en inventant de nouveaux péchés capitaux.
Sous mon lit, j’avais caché, comme un voleur, une boîte pleine de lampes à incandescence, ces antiquités énergivores, condamnées par Nicolas Hulot en personne, et qui avaient été remplacées par des lampes à économie d’énergie qui émettaient pas mal de rayons UV, responsables de cancers de la peau, mais qui protégeaient la planète. J’en choisis une à cent watts, conscient que je commettais un crime écologique. Je collais l’enveloppe contre l’ampoule l’ultra lumineuse et brûlante et par transparence je ne pus que lire :
« Test ELISA… résultat ……tif »
« …tif » cela pouvait être soit positif soit négatif. J’étais bien avancé !
Je sentis comme une coulée de sueur glaciale, naître entre mes omoplates et couler le long de la peau de mon dos.
Je ne savais plus que faire, paralysé par la peur d’apprendre une mauvaise nouvelle. Je me sentis devenir une marmotte entrant en hibernation un matin pluvieux d’hiver. C’est à ce moment-là que le téléphone sonna : c’était Marina qui m’appelait pour la centième fois. Comme une larve de zombie, je décrochais le combiné en espérant me faire consoler par la nymphomane du collège. Je lui racontais tout en détails et elle me répondit :
- Pauvre chou, viens me retrouver à 13h au labo, nous ouvrirons l’enveloppe ensemble !
C’était une solution qui me permettait de gagner quelques heures avant le verdict…
A suivre…
Mais pourquoi suis-je si inquiet ?
L’inquiétude du soldat qui avance sur un terrain miné, c’est de marcher sur un engin explosif enterré à quelques centimètres de la surface du sol. L’utilisation d’un détecteur de mines permet d’éviter pas mal de mauvaises surprises.
Mon inquiétude à moi, c’était de découvrir chaque jour de nouveaux boutons, signes que cette maudite maladie s’installait partout dans mon corps. Peu à peu, pour juguler cette angoisse, une idée parasitait ma conscience, c’était de faire un test VIH. Au moins il n’y aurait plus cette attente du pire, puisque le pire s’abattra sur moi quand j’aurai les résultats de mes analyses.
Je suis comme ça, la prise de décision doit mûrir dans ma tête, comme un fœtus, elle doit se développer et s’imposer au bout d’un temps plus que certain. Mon médecin, quand je lui demandai de me prescrire ce test, me regarda comme si j’avais violé une nonne centenaire, plus vierge que le mur de Berlin à l’époque de la guerre froide.
Le laboratoire d’analyses médicales me fit penser à l’antichambre d’un abattoir de taureaux en fin de vie et plusieurs fois j’eus envie de fuir comme un aveugle unijambiste, fuir, en fermant les yeux, cette sentence mortelle qui allait briser mes jambes.
On me remit une enveloppe cachetée en me demandant d’aller l’apporter le plus tôt possible à mon médecin traitant. Je crus voir, à ce moment-là, sur le beau visage de la secrétaire du labo, une compassion maternelle pour le futur cadavre que j’allais bientôt être.
Dans la poche de ma veste, l’enveloppe prenait des allures de tison incandescent qui allait mettre le feu à mon corps gangréné.
En marchant dans la rue, je me surpris à penser à haute voix :
- J’irai voir mon médecin la semaine prochaine.
Je me gardais sept jours de transition avant l’annonce de ma condamnation à mort. Sept jours durant lesquels je me forçais à oublier tous mes boutons et la nausée qui ne me quittait plus.
D’un coup de pied rageur, je poussai ma balance électronique sous une armoire en décidant que je ne me pèserai plus, pour ignorer cet amaigrissement inquiétant qui avait débuté le jour de la révélation que Marina m’avait assénée dans son sinistre labo.
Quinze jours plus tard, je n’étais pas encore allé chez mon médecin et l’enveloppe qui contenait le résultat de mon test VIH se morfondait sur mon bureau. J’allongeais ainsi mon sursis comme un condamné à mort qui demande la grâce présidentielle. Une grâce qui était rarement accordée, mais qui n’avait pas une probabilité nulle. La mienne, de probabilité était égale à zéro, zéro, zéro…
Après trois semaines de tergiversations, j’en étais toujours au même point et la maudite enveloppe commençait à se recouvrir de poussière.
Un matin, après une lutte acharnée contre l’insomnie, je pris la décision d’ouvrir cette enveloppe comme si j’allais soulever le couvercle d’un cercueil…
A suivre…
--
Moi, j'aurais préféré que Marina eût plutôt la grippe...
Sénèque se révéla être un excellent excitant intellectuel, ce qui me permit de lire, sans m’endormir, ses « Lettres à Lucilius ».
Comment cela a pu être écrit il y a plus de deux mille ans ? Mais ce qui m’inquiétait le plus, c’était ce message qu’avait voulu me transmettre le vieux libraire. Etait-ce un avertissement concernant ma mort prochaine ? Et comment pouvait-il être informé des risques que j’avais pris avec Marina, la nympho du collège, la joueuse de flûte vivante qui crachait comme un ivrogne russe.
Mes matins ressemblaient à de la pâte à pain crue, collante, informe, indigeste. Il semblait que tous les organes de mon corps m’adressassent des messages de détresse pour m’avertir de pannes irréversibles. Bref, chaque matin, je me sentais devenir une voiture qu’on allait envoyer à la casse.
Parfois, mon angoisse baissait la garde et il me prenait des envies lubriques qui me faisaient penser à Marina et à Serena, celles qui m’accueillaient dans leur corps à bras ouverts, si l’on peut dire. Alors quelque part en moi, des réactions chimiques mystérieuses provoquaient la mutation d’une chenille mollassonne en un pic en acier inoxydable dressé comme l’obélisque de Louxor. Je n’étais plus qu’un mâle en rut à la recherche d’une femelle en chaleur.
A défaut de me parler au téléphone, mon ami de Marseille m’envoya un courrier dans lequel il me disait que les tests ADN concernant le squelette du labo et les poils de barbe du rasoir électrique du mari de Marina s’étaient avérés positifs, en d’autres termes que le squelette du labo était celui de l’époux de la prof de SVT. Cette information aurait pu être capitale, si à ce moment-là je n’avais aperçu sur ma main un bouton tout ce qu’il y avait d’antipathique, un bouton, à la mine patibulaire, une sorte de pustule aussi inquiétante qu’un bandit de grand chemin. Bref, j’étais fichu !
- Les premiers symptômes du SIDA, me dis-je en observant mon visage dans un miroir.
Et sous ma lèvre inférieure, un autre bouton inquiétant avait planté sa tente de camping. Etait-il nécessaire alors de pratiquer un test VIH ?
A suivre…
La philosophie et Marina sont-elles compatibles ?
Les jours qui suivirent ce soupçon de contamination, se colorèrent en beige délavé, une couleur peu sympathique qui reflétait mon état d’âme. Je ne voulais plus voir personne et surtout pas Marina et Serena, deux femmes qui, je le pensais, s’étaient liguées pour me détruire.
J’allais parfois dans l’étrange librairie de Monsieur C… qui m’accueillait toujours aussi mystérieusement, comme s’il pouvait résoudre tous mes problèmes avec ses conseils plutôt philosophiques. Sa femme, une vieille chinoise, qui se promenait parfois dans les rayons, presque toujours déserts, avec un plumeau multicolore, certainement made in China, semblait me surveiller en me prenant pour un voleur de livres, profession depuis longtemps disparue.
Le libraire, lui, semblait lire dans mes pensées, en me proposant souvent un ouvrage en rapport avec mes préoccupations. Et ils étaient nombreux tous mes soucis ! Invariablement, les aiguilles de ma montre analogique s’immobilisaient dans ce lieu où le temps semblait prendre des vacances.
Mon esprit perturbé planait au-dessus des livres, sans se décider à atterrir sur l’un d’eux, c’est pourquoi, au bout d’un temps non mesurable, je décidais de partir sans rien acheter.
Le libraire me héla au moment où je passais devant lui.
- Monsieur, monsieur, j’ai un livre pour vous !
Il se baissa sous sa caisse enregistreuse et réapparut avec un petit livre poussiéreux intitulé « Lettres à Lucilius » de Sénèque (1).
- C’est un cadeau de la maison, me dit-il avec un sourire qui m’inquiéta.
En sortant de la boutique, je regardais ma montre dont les aiguilles bondirent brutalement de 15h à 16h30. Apparemment, le temps s’était arrêté pendant quatre-vingt-dix minutes…
Chez moi, mon répondeur téléphonique s’impatientait : deux messages m’attendaient, l’un de Marina et l’autre de Serena. Il fallait s’y attendre, elles désiraient me voir, mais moi je n’avais aucune envie de les rencontrer, surtout Marina qui, peut-être, m’avait transmis une maladie plus que mortelle. Un instant, une idée déraisonnable vint parasiter mon cerveau : le souvenir précis de la bouche de l’empoisonneuse qui s’activait sur une partie de moi qui n’avait plus été utilisée depuis pas mal de jours et cela provoqua une érection bien involontaire.
La nuit arriva comme un couvercle sur une soupière et je me barricadais dans mon appartement persuadé de me trouver dans un quartier mal fréquenté de Kaboul. Je m’installais sur mon canapé après avoir introduit un Cd dans le lecteur de ma chaîne et appuyé sur la touche <Play> pour écouter du Jazz de la Nouvelle Orléans des années cinquante… Mon sommeil, avait depuis longtemps fait une fugue, ce qui m’incita à commencer la lecture des « Lettres à Lucilius(2) » de Sénèque.
Je pensais, en toute innocence, que la philosophie grecque vieille de plus de deux mille ans allait être un puissant narcotique, eh bien, je me trompais !...
A suivre…
Notes :
1- Sénèque (4 av. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C.) est un philosophe stoïcien dont la méditation porte essentiellement sur la sagesse, le bonheur et la vie heureuse. Professeur de l’empereur Néron (qui lui ordonnera plus tard de s’ouvrir les veines). Opposé à Cicéron, pour lequel la vie sociale et le devoir citoyen devait primer. Sa sagesse consiste à cultiver sa volonté pour mettre son bonheur dans la vertu et non dans les hasards de la fortune (La Vie Heureuse).
La philosophie de Sénèque est aussi une pensée de la mort, laquelle doit être apprivoisée par l’homme avec recul, sagesse et quiétude.
2-Extrait des Lettres à Lucilius de Sénèque.
« …nous ne tombons pas soudainement dans la mort mais nous avançons vers elle pas à pas. Nous mourons chaque jour car chaque jour nous est ôtée une part de notre vie : à mesure que notre âge s’accroît, notre vie diminue. Nous perdons l’enfance, puis l’adolescence, puis la jeunesse : jusqu’à la journée d’hier, tout le temps qui s’est écoulé est mort. Même le jour que nous sommes en train de vivre, nous le partageons avec la mort ! Ce n’est pas la dernière goutte qui vide la clepsydre, mais toutes celles qui sont tombées auparavant : ainsi, la dernière heure, celle de notre fin, n’est pas la seule à provoquer notre mort, mais la seule à la mener à terme. C’est à ce moment que nous atteignons le but, mais nous marchons depuis longtemps… …Il n’y a pas qu’une mort ; mais celle qui nous emporte est la mort ultime ». »
----------------------------------- 3-Sénèque et la mort : - “Méditer la mort, c’est méditer la liberté ; celui qui sait mourir, ne sait plus être esclave”. - “Le sage vit autant qu’il le doit, non autant qu’il le peut”. - “Perdre la vie est perdre le seul bien que l’on ne pourra regretter d’avoir perdu puisque l’on ne sera plus là pour s’en rendre compte”. - “Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie”.
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1. anaflore le 01-12-2015 à 09:17:35 (site)
comme je dis quand je partirai c'est moi qui aurait le plus de peine
vive la vie
Elle demeure en Bretagne, La nana d’Obélix, Avec elle, c'est le bagne, Elle s’appelle Bellatrix.
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1. prof83 le 29-11-2015 à 09:04:07 (site)
A Bellatrix.
L'adjectif "agressive" a provoqué chez vous une véritable tempête. Un seul mot a suscité une longue réponse où vous vous permettez d'analyser ma structure mentale.
Franchement vous êtes très forte ! Vous rêvez d’être une psychanalyste peut-être ?
Vous m'avez dénigré auprès d'une tierce personne et cela n'est pas correct.
2. gegedu28 le 29-11-2015 à 09:47:41 (site)
Bonjour,
... çà va donner des idées ... pour un nouveau film !, De par Dieu, svp !
Idée intéressante.
Bonne continuation,
Gégédu28
3. causons le 29-11-2015 à 13:28:42 (site)
Salut !
T'es pas "gentil" toi !
En faire des tonnes, pour en fait...
Si peu !
De plus que phonétiquement :
L'est "assignée" à résidence.
Bon je n'ai pas besoin de te faire un dessin, j'espère ? Puisque que tu écris "Bretagne..."
5. anaflore le 29-11-2015 à 19:48:13 (site)
bravo pour la photo du jour c'est pas moi suis brune !!!bon lundi
Ma mutation en gastéropode ramolli
à cause de la perversité de Marina...
Naïvement je répondis :
- Et alors, si ce bon à rien de Léonard fréquente les putes, c’est son affaire !
Marina me regarda comme si j’étais un élève débile multi-redoublant et elle tenta alors de m’expliquer avec des mots simples (déformation professionnelle) le lien qui existait entre lui et moi.
- Tu sais, le mois dernier lorsque je t’ai sucé dans le labo, Léonard venait juste de me quitter…
Bien sûr, je présageais le pire. Elle continua :
- Léonard avait éjaculé dans ma bouche et je n’avais pas eu le temps de tout avaler…
Je me souvins alors que ce jour-là, j’avais trouvé la salive de Marina, particulièrement gluante. Mon gland non protégé avait pataugé quelques minutes dans le sperme de Léonard. Je ne pus m’empêcher de crier :
- Mais tu es une truie !
Cette insulte, sembla l’exciter et elle mit sa main sur ma braguette. Je la repoussais assez brutalement en combattant une nausée qui s’insinuait insidieusement dans mon estomac et dans mon cerveau.
Et je quittais le labo, l’esprit aussi tourmenté que celui d’un futur condamné à mort.
Un test VIH ? Comme elle y allait cette garce. Je n’avais pas l’intention d’en faire un, j’étais certainement la réincarnation d’une autruche, sûr d’être contaminé, j’essayais d’estimer le nombre d’années qui me restait encore à vivre.
Chez moi, mon moral oscillait, au fil des heures, entre gros temps et avis de tempête, autant dire que je me transformais en coquille de noix ballotée dans les flots impétueux de l’angoisse aussi sinistre qu’un train qui déraille.
Je savais que dans cette maladie, le SIDA, le mal prenait son temps et que je pouvais même attendre plusieurs années avant qu’il ne se révélât. Un test aurait pu me rassurer ou bien me détruire, c’est pourquoi l’ignorance me convenait plutôt, elle me permettait de m’accorder un sursis sans symptômes.
J’examinais quand même ma peau au moins dix fois par jour pour détecter l’apparition du moindre bouton suspect, ou de lésions inhabituelles. Bref je n’étais pas tranquille et je maudissais cette Marina de malheur qui m’avait entraîné dans ses fumeuses turpitudes.
Je me transformais en ascète fuyant la bagatelle, une sorte d'escargot décérébré, sans volonté. Je me réfugiais dans ma coquille qui semblait me protéger des dangers extérieurs et des louves friandes de la chair savoureuse des mollusques dépressifs, des gastéropodes ramollis...
A suivre…
1. Bellatrix le 24-11-2015 à 08:55:47
J'ai juste visualisé le gastéropode. Reviendrai plus tard lire votre texte.
Vous voilà transformé en hermaphrodite?
2. prof83 le 24-11-2015 à 13:28:56 (site)
A Bellatrix.
J'espère que vous ne serez pas choquée par la lecture de mon blog prof83.
Moi hermaphrodite? Ciel, je n'y avais pas pensé. Attendez, je vais vérifier...
Hooooooooooooooooooooooo !
3. prof83 le 24-11-2015 à 15:57:40 (site)
A Bellatrix.
Mettre sur le même plan mes écrits et des recettes de cuisine, c'est vexant !
4. prof83 le 24-11-2015 à 18:17:45 (site)
A Bellatrix.
Je n'ai posé aucune question:
" J'espère que...."
Je n'ai pas effacé vos messages, je ne les ai pas publiés tout simplement, car je vous trouve inutilement et étrangement agressive.
Dans des écrits il y a un thème, un style, une richesse de vocabulaire...
5. causons le 27-11-2015 à 11:54:58 (site)
Salut Alain,
Puisque tes conversations sont publiques et donc visibles de tous, je me permets d'y laisser mon grain de sel !
Pauvre poète "écorché" que tu es, vraiment tu es trop compliqué dans tes relations à autrui, et je vois que ça ne s'arrange pas...
Elle est "gentille" pourtant Bellatrix qui te carresse bien gentiment dans le sens du poil, pas comme moi, la "vilaine" moqueuse qui parfois méritait bien tes foudres (je n'ai pas écrit "foutre" quoi que... en tant que Melpomène), bien certaine que j'ai du en provoquer l'émission, poil au menton !
Et bon week end tit prof compliqué !
6. causons le 28-11-2015 à 20:39:22 (site)
Pourquoi dès qu'un com te contrarie, tu veux couper les ponts avec ton interlocuteur, il est ridicule ton comportement...
T'as quel âge au fait ? 60 ans ou 15 ans ?
Juste regardé la géolocalisation de ton avant dernier ip, il indiquait Mougins et là le dernier, Nice rue d'Italie
7. causons le 28-11-2015 à 22:52:32 (site)
Faut croire que la géolocalisation pour un autre n° que le sien c'est du n'importe quoi, à part quand on cherche la sienne depuis son ordinateur perso (des fois qu'on ne sache plus où on est...mdr), heureusement que je n'habite pas Paris, surtout vu les évènements qui s'y sont passés
Non, non, je suis dans l'arrière-pays niçois depuis 1990
8. prof83 le 28-11-2015 à 23:02:25 (site)
A Bellatrix.
L'adjectif "agressive" a provoqué chez vous une véritable tempête. Un seul mot a suscité une longue réponse où vous vous permettez d'analyser ma structure mentale.
Franchement vous êtes très forte ! Vous devriez devenir psychanalyste.
Vous m'avez dénigré auprès d'une tierce personne et cela n'est pas correct.
9. causons le 28-11-2015 à 23:37:11 (site)
Pas tout à fait, mais pas loin, pourquoi t'as dit Paris, tout à l'heure, tu prèches le faux pour savoir le vrai ?
Quand j'allais voir Marina dans son labo,
je prenais beaucoup de risques...
Marina, ELLE, ne m’oubliait pas !
Elle me relançait périodiquement pour que j’allasse la voir dans son labo entre treize heures et quatorze heures. De toute évidence, son taux de progestérone (1) atteignait des valeurs anormalement élevées. Moi, je ne répondais pas systématiquement à ses appels, je la faisais un peu languir, histoire de la maintenir sous pression et surtout de recharger mes batteries biologiques, déjà pas mal mises à contribution par Serena.
Parfois j’enviais les moines qui faisaient vœu de chasteté, mais en existait-il encore à notre époque ? Le printemps et l’été qui arrivaient, avec l’éclosion des jupes courtes, boostaient, par l’activité fantasmatique du cerveau, la production de testostérone : nos testicules, comme des panneaux solaires travaillaient à plein régime, heureusement.
Je me demandais, quand même, si Marina n’avait pas "entrepris" quelques profs du collège. Je passais en revue tous les mâles capables, d’après moi, de la satisfaire sexuellement. J’en voyais bien cinq pas trop décrépis par ce métier infernal, l’enseignement ! Ça allait du prof de SVT, son collègue immédiat, qui à trente-cinq ans semblait bien vigoureux, bien qu’il fût marié à une splendide jeune femme, sexy en diable, qui avait provoqué en moi, mais dois-je l’avouer, une érection bien involontaire, le jour où il me la présenta, au cours de l’apéritif de rentrée.
Il y avait aussi deux profs d’EPS qui semblaient bien virils, du moins en apparence, avec leur short moulant qui révélait, aux yeux de tous, un appareillage tout ce qu’il y avait d’indécent.
Léonard, qui enseignait les sciences humaines, grand gaillard divorcé, était aussi du genre à fréquenter le labo de SVT aux environs de treize heures. Tous ces profs semblaient sains de corps, à défaut de l’être par l’esprit, minés par l’attitude, la paresse et l’insolence des élèves qui se croyaient au club méditerranée.
Je n’étais pas jaloux, mais parfois l’inquiétude gonflait en moi comme un ballon de baudruche, car Serena refusait catégoriquement de se protéger. Pour elle, les préservatifs l’empêchaient de jouir en la privant de ce contact tellement intime de la peau si fine du sexe de l’homme. Elle aimait aussi sentir le jaillissement de cette liqueur chaude et gluante qui la rendait folle.
Un jour, je la rejoignis vers 12h45 dans son labo situé en rez-de- chaussée et dont les vastes fenêtres donnaient sur la cour de récréation. Souvent nous nous livrions là, à des activités parfaitement inavouables, les stores à peine baissés, alors que les élèves étaient assis par terre, de l’autre côté du mur. J’essayais, avec beaucoup de mal, d’atténuer les cris de volupté de Marina pendant son orgasme, en collant ma bouche sur la sienne, pour faire, de mes lèvres, un bâillon amoureux. Ce jour-là, Marina avait l’air inquiète et elle me regarda comme un futur condamné à mort. En s’approchant de moi, les yeux un peu baissés, elle me dit :
- Tu sais, tu devrais faire un test VIH !
Soudain, je me vis transformé en Marie-Antoinette, à l’époque de la révolution, la tête sur le billot (2). Incapable de répondre, j’attendais la chute tragique de la lame sadique de la guillotine. En même temps, il me sembla que mon sang circulait à contre-sens dans mes veines et dans mes artères dans une cacophonie de grand embouteillage.
L’air idiot, je ne pus que balbutier :
-Mais pourquoi ?
Elle était gênée, Marina la nymphomane ! Elle se racla la gorge, comme elle le faisait lorsqu’elle déglutissait mon sperme. Elle finit par me dire :
-Tu sais, je crois que Léonard fréquente les putes… !
A suivre…
Notes :
1- Toutes les hormones de Marina ou de moi :
Substance | Joue sur | Effet |
|
Dopamine | Désir, excitation | Positif | La dopamine pourrait intervenir dans l’envie de prolonger un rapport sexuel. |
Sérotonine | Désir, excitation | Positif et négatif | Facilite les contractions de l’utérus pendant l’orgasme mais peut aussi empêcher de parvenir à l’orgasme. |
Noradrénaline | Excitation | Positif | Augmente la fréquence cardiaque et l’excitation. |
Œstrogènes | Excitation, désir | Positif | Un déficit en œstrogènes est associé à une atrophie vaginale et un manque de lubrification. |
Monoxyde d’azote | Afflux de sang dans le clitoris | Positif | Des niveaux suffisant d’œstrogènes et testostérone semblent nécessaires pour que l’oxyde nitrique puisse provoquer une vasocongestion. |
Ocytocine | Réceptivité, orgasme | Positif | Augmente les contractions du périnée pendant l’orgasme. |
Progestérone | Réceptivité, désir | Positif | La progestérone peut être efficace pour les femmes qui souffrent de sécheresse vaginale. |
Prolactine | Excitation, désir | Négatif | La prolactine intervient dans l’extinction de la tension sexuelle après l’orgasme. Un taux trop élevé est associé à une baisse du désir. Hormone de la « satiété » sexuelle. |
Testostérone | Désir, initiation de l’acte sexuel | Positif | Certaines études associent un déficit en testostérone à une baisse du désir. |
Peptide intestinal vasoactif | Flux sanguin | Positif | Augmente l’afflux de sang dans le clitoris. |
2- Billot : socle de bois utilisé pour trancher la tête des suppliciés.
1. causons le 17-11-2015 à 21:05:45 (site)
"Un déficit en œstrogènes est associé à une atrophie vaginale et un manque de lubrification."
C'est bien une idée reçue, cette affirmation, une femme active sexuellement tout au long de sa vie, mais surtout aimant faire l'amour n'a pas ce manque de lubrification, ça je peux te le certifier !
2. causons le 18-11-2015 à 22:44:17 (site)
Qu'est ce que tu appelles :
"critique négative" ?
Je ne vois pas ce que tu évoques...
T'es pas obligé de valider mes coms s'ils ne te conviennent pas
Laissez-moi encore réfléchir,
je n'arrive pas à me décider...
Je dois avouer que Serena s’était appliquée pour me satisfaire et même, certainement pour ajouter à mon plaisir, elle déclara, après avoir tout dégluti :
-Tu as un super goût d’amandes amères.
J’en étais presque fier de ce compliment un peu gluant et je voulus vérifier en essayant de l’embrasser sur la bouche. Elle détourna la tête, certainement pour me faire comprendre que je ne devais pas mélanger l’amour et le sexe. Baiser, un mot à double sens, qu’il ne fallait surtout pas confondre chez certaines femmes…
Dans la rue, à la sortie du bar, nous marchâmes d’une manière aussi parallèle que les trottoirs qui semblaient avoir été tracés à la règle par des ouvriers certainement névropathes. Serena s’appliquait à garder toujours la même distance, disons trente centimètres, entre nous. Nous progressions côte à côte sans nous toucher, comme deux étrangers muets. Elle avait pourtant en elle, une portion de moi, un liquide qui subissait, dans son estomac, l’attaque de ses enzymes digestifs. Dans quelques heures, quelques milliards d’atomes de mon sperme allaient s’intégrer définitivement dans sa chair, le savait-elle seulement ?
Une BMW gris métallisé roulant à faible allure nous dépassa et je crus observer sur le joli profil de Serena une contraction insignifiante d’un muscle, le petit zygomatique (1), de sa joue gauche, déclenchant un sourire un peu perturbé.
Je lui proposais de la ramener chez elle quand nous arrivâmes au niveau de ma voiture, garée à une centaine de mètres du bar. Elle joua encore des zygomatiques quand elle vit mon Alfa-Roméo, presque un sourire de mépris en découvrant mon véhicule italien ; elle devait préférer les puissantes voitures allemandes…
Elle refusa mon offre en me disant qu’elle allait marcher.
Je démarrais sans lui dire au-revoir, toujours aussi déçu par son attitude plutôt étrange.
Chez moi, mon répondeur clignotait, agacé par mon absence. Mon ami de la fac des sciences de Marseille me demandait de le rappeler le plus tôt possible pour me communiquer les résultats des tests ADN effectués sur le tibia du squelette du labo de SVT et sur les poils de barbe trouvés dans le rasoir électrique de feu l’époux de Marina.
Je m’attendais au pire et j’hésitais, si le test était positif, à alerter la police. En parfait égoïste, la situation actuelle me convenait parfaitement.
J’avais « sous la main » deux femmes très différentes, une nymphomane toujours disponible, la prof de SVT et une autre plus jeune qui me posait des problèmes psychologiques qui enflammaient mes neurones. Le statu quo (2), pour un aboulique (3) comme moi, était la situation idéale. C’est pourquoi je décidais de ne rien faire et d’oublier, pour un certain temps, mon ami de Marseille…
A suivre…
Notes :
1- Zygomatique : muscle transversal de la joue qui se contracte au moment du sourire.
2- Statu quo : situation actuelle ou présente des choses.
3- Aboulique : qui souffre d'un trouble mental caractérisé par une incapacité à décider ou à entreprendre.
Mais derrière quelle porte se trouve Serena ?...
Serena me regardait à l’envers, j’avais l’impression qu’elle me voyait comme à travers ces vieilles pellicules de photos en noir et blanc où tout était inversé, nostalgie des années anciennes, lorsque nous devenions presque des fantômes.
Moi, je fixais le dessus vitrifié rouge de la table ronde bordée par un anneau plat en aluminium grisâtre. Mes mains, posées à plat sur la surface brillante et froide, semblaient ressentir les miasmes de toutes celles qui s’étaient abandonnées là, les mains du temps passé, les mains des personnes certainement atomisées à la suite d’une rupture sentimentale.
Je n’avais qu’une envie, me lever et partir, me sauver pour ne pas montrer ma souffrance trop disproportionnée provoquée par l’attitude de cette fille peu reconnaissante et aussi froide qu’une raie désappointée. Elle s’excusa en me disant qu’elle devait aller aux toilettes, pour se maquiller ou pour faire pipi ?
L’hippocampe(1) de mon cerveau, en léthargie depuis quelque temps retrouva une nouvelle jeunesse en essayant de se souvenir de ce lieu peu accueillant. Et une idée plus saugrenue que du caviar congolais, germa dans ma tête comme un rhododendron dans un champ de concombres. Cette idée, un peu perverse, devint peu à peu un fantasme : faire l’amour dans les toilettes d’un bar, dans une position peu académique et tout simplement scandaleuse.
J’attendis une ou deux minutes pour tenter ma chance comme un chien en rut à la recherche d’une femelle en chaleur. Je poussais la porte des toilettes avec mon coude, histoire de ne pas choper une maladie honteuse. Devant moi apparurent alors, à droite les toilettes pour femmes et à gauche, celles réservées aux hommes. Je jetai un regard inquiet derrière moi et poussai le panneau en bois où se trouvait une sorte d’icône en plastique d’un blanc jaunâtre où était gravée, en noir, une silhouette féminine.
Serena n’avait pas fermé la porte avec le verrou et je la vis assise sur le WC en porcelaine, attendant une inspiration certainement théâtrale…
Ma main glissa sur le zip de mon pantalon comme dans les mauvais films pornographiques.
On ne fit dans ce lieu d’aisance, que le minimum syndical autorisé chez les flûtistes pressés…
A suivre…
Notes :
1- Hippocampe : zone temporale du cerveau, qui est importante dans le processus de mémorisation spatiale
Je l'attends...Viendra-t-elle ?
Je décidai de passer quelques jours dans une bulle d’ermite, chez moi, sans téléphone, sans musique et sans télévision. Juste pour reconstituer mon stock d’énergie, largement entamé par les avant-cours de 14h, au collège, dans le labo de SVT en compagnie de Marina, la louve nymphomane et aussi pour essayer de faire évaporer ces nuages de jalousie et d’abandon qui menaçaient de provoquer des orages destructeurs dans ma pauvre tête. Seulement, au bout de trois jours, comme si une pensée venue d’ailleurs me forçait, à le faire, je téléphonais à Serena sans trop y croire. Elle me répondit gentiment en me disant :
- Tiens comme c’est bizarre, je pensais justement à toi !
Mon cœur émergea soudain de sa léthargie post-hivernale.
Le mot abandon disparaissait du tiroir aux idées fixes et la jalousie devint soudain plus légère. J’en profitais pour lui proposer d’aller boire un verre dans le bar où nous nous étions rencontrés la première fois.
Il fallait que je me méfiasse, car pointait dans mon cerveau, une sensation qui était peut-être pire que la jalousie et l’abandon, la nostalgie ! Une véritable « saloperie » que la nostalgie, un poison insidieux qui nous fait voyager dans notre passé et qui fait remonter à la surface de notre subconscient, des moments heureux, oui, mais à jamais perdus ! Et moi j’étais champion des nostalgies à la petite semaine, des souvenirs d’un petit sourire, d’une parole gentille ou d’un baiser à peine amoureux…
J’étais en avance à mon rendez-vous et je craignais que Serena ne vînt pas.
Quand son retard atteignit les cinq minutes, mon moral plongea au sous-sol du bar, dans la cave où le patron entreposait ses piquettes importées d’on ne sait où.
Au bout de vingt minutes, j’étais projeté dans les mines de soufre à ciel ouvert des îles du Pacifique, respirant un air toxique, saturé de particules brûlantes et acides. Et quand Serena apparut, semblable à une brebis égarée, j’atterris dans un jardin au sol couvert d’ouate et dont les fleurs projetaient un parfum divin, presque visible.
J’aurais bien voulu lui faire des reproches, mais en vertu de quoi ? ELLE était libre et n’avait pas de comptes à me rendre. Alors, à la va-vite, je me fabriquais un masque d’hypocrite plus vrai que nature. J’avais bien une idée derrière la tête, qui aurait conduit Serena directement dans mon lit, mais, l’homme de Cro-Magnon avait fait son temps et c’était bien dommage !
Elle commanda un café et moi un déca, je voulais ménager mon cœur trop enclin à dépasser le rythme des palpitations imposé par dame nature. Elle était vêtue d’un chemisier blanc, juste conforme aux lois de la bienséance et d’une jupe noire presque mini. Par je ne sais quelle distorsion de l’espace-temps, moi je la voyais nue. Nue, comme elle le fut un certain soir, chez moi, quand nous jouions à la marelle ou plutôt à saute-mouton !
Je la sentais froide et distante pareille à une statue sculptée dans de la glace. Ce contact gelé, provoqua, à l’encontre des lois physiques élémentaires, la fusion de mes certitudes et la vaporisation de mes espoirs. J’étais prêt à abandonner le bateau, fuyant, comme un lâche, la tempête imaginée. Je lui demandai, quand même, qui était le monsieur qui se trouvait à côté d’elle, l’autre jour, dans la BMW grise métallisée. Soudain elle ressembla à un clou qui s’enfonce dans du bois tendre, sous les coups saccadés d’un marteau sadique. Son regard paraissait issu de sables mouvants d’origine douteuse. Elle nia tout en bloc en affirmant que jamais elle n’était montée dans une BMW.
Ah, ces filles qui ne connaissent pas les marques des voitures…
A suivre…
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