posté le 08-03-2015 à 07:46:41

Marina (8).

 

 

Les jours qui passaient avaient l’odeur d’un caoutchouc abandonné au soleil.

Les heures élastiques semblaient parfois se figer dans la glu.

J’attendais, sans trop d’illusions maintenant, son coup de téléphone. Je me disais, que, peut-être, les fêtes de fin d’année approchant, elle allait se décider à me faire signe pour me présenter ses meilleurs vœux. L’espoir fait vivre, mais le désespoir tue.

Mon téléphone était devenu mon principal centre d’intérêt. Je le regardais, de loin, de près, comme si j’allais le voir sonner. Je me demandais si la ligne n’était pas coupée et cent fois dans la journée, je décrochais le combiné pour écouter la tonalité, signe que tout fonctionnait bien.

L’attente est un poison insidieux qui malaxe les neurones, parce que l’on n’a pas de prise sur elle. L’attente est l’inaction totale, la dissolution de la volonté dans un bouillon froid et sans saveur. Alors de temps en temps, pour mettre fin à ce malaise, je décrochais le téléphone pendant une heure et là, j'annihilais  mon angoisse. Pendant une petite heure j’étais tranquille, je vivais sans attendre. Et puis ça recommençait, car je me disais « et si elle a appelé quand c’était décroché ? ». Autant dire que je me pourrissais la vie. Parfois le téléphone sonnait et souvent c’était de la part des «portemanteaux Solido ».

Un jour, quand le désespoir frôlait la déraison, je me décidais à être un peu plus aimable avec le représentant. C’était une femme, apparemment jeune, qui me proposait une promotion exceptionnelle. Surprise que je ne raccroche pas, elle me dit « voilà, si vous achetez dix portemanteaux, le onzième est gratuit ! » Je ne pus m’empêcher de rire et pourtant je n’en avais pas envie. Je voulus la taquiner « et que ferais-je avec dix portemanteaux ? » Elle avait dû prévoir cette question, car elle me dit « vous savez, c’est bientôt Noël et vous pourriez en faire des cadeaux ». Décidément, c’était drôle. Je ne me voyais pas offrir un portemanteau à Noël à ma nièce qui avait douze ans. Mon interlocutrice semblait pressée, je lui en fis la remarque. Elle répondit « ho, vous savez, je suis obligée d’appeler au moins cent personnes par jour ! » Quand je raccrochais, un doute subit monta au niveau de ma conscience et je me surpris à penser à haute voix : « je suis sur la liste rouge et comment se fait-il qu’elle ait mon numéro ? » Et soudain une évidence s’afficha sur l’écran virtuel de mon cerveau.

Non, ce n’était pas possible ! Et si… et si cette représentante de la maison Solido était…


A suivre

 

 


Commentaires

Dernier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 

1. Bo   le 08-03-2015 à 10:32:11

Marina aime faire mariner...

Premier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 
 
 
 
posté le 01-03-2015 à 07:43:18

Marina (7).

 

 

 

 

    Pourtant mon téléphone était ultra-moderne...

 

 

 

J’étais professeur certifié de sciences physiques et j’avais pris une année sabbatique pour préparer l’agrégation de chimie. Histoire d’enseigner quinze heures au lieu de dix-huit et d’avoir un meilleur salaire. Je devais faire de fréquents déplacements à Nice pour assister à quelques cours à la fac des sciences et effectuer des travaux pratiques. Tout ça en théorie, mais tout fut chamboulé à cause de ce funeste « accident ».

 

Comment quitter mon appartement ? J’attendais toujours ce coup de téléphone qui n’arrivait pas, mais j’espérais encore et encore ; je croyais au Père Noël et même aux miracles à cette époque. Il fallait bien me nourrir et comment m’absenter de chez moi le moins possible ? J’effectuais mes courses deux fois par semaine dans une grande surface dès huit heures trente en espérant que cette fille se réveillait tard.

 

En revenant à la maison, je me précipitais vers mon téléphone pour voir si un message n’avait pas été laissé sur mon répondeur. La plupart du temps, il n’y avait rien et parfois j’écoutais avec haine des messages publicitaires des porte-manteaux solido qui prenaient un malin plaisir à me persécuter. Allez savoir pourquoi.

 

La fac de Nice ne me vit jamais cette année-là. J’enrageais, j’étais mal et j’écrivais des poèmes :

 

 

 

------

 

Que les nuits sont fragiles,

 

Comme les nuages sont bas,

 

Quand tu grondes, fébrile,

 

Que tu ne m’aimes pas.

 

 

 

Les heures alors se figent,

 

Les minutes sont folles,

 

Comme des fleurs sans leur tige,

 

Echouées sur le sol.

 

 

 

Je ne sens plus ta bouche,

 

Ta peau est loin de moi,

 

Quand tu gis sur ma couche,

 

Je ne suis plus ton roi.

 

 

 

Mes voiles sont en lambeaux,

 

Je suis un frêle esquif,

 

Qui sombre au fond de l’eau,

 

Coulé par les récifs.

 

 

 

 

 

                                    

 


Commentaires

Dernier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 
0 commentaire
 
 
posté le 22-02-2015 à 07:22:37

Marina (6).

 

L’attente, ce poison qui s’éternise.

L’attente, on ne sait pas quand elle finira.

L’attente qui non seulement angoisse, mais aussi qui atteint notre cerveau, notre estomac, notre ventre et notre cœur.

Le cœur qui semble battre la mesure des heures qui ne passent pas. Alors il s’affole, se dilate, s’enraye en des palpitations aléatoires. L’attente qui ne dépend pas de notre volonté, qui fait de nous des êtres passifs, des larves qui se décomposent.

Alors en attendant son appel, j’écoutais en sourdine, une chanson de Charles Trenet des années 40 : « Que reste-t-il de nos amours ». Pour moi, dès le départ, il ne restait rien, car cet amour-là était une histoire qui n’avait pas encore commencé.

De temps en temps, quelques bouffées d’angoisse me submergeaient, des vagues qui étouffent, de l’eau qui monte et qui monte encore… Alors vite, ma bouée, mon radeau disloqué, je m’y accrochais avec ma plume et j’écrivais des poèmes sans réfléchir, une écriture automatique, presque psychanalytique…

 

............................

Les couleurs,

De l’Automne,

Des lueurs,

Qui m’étonnent.

-------

Ton sourire,

Retenu,

Comme ton rire,

Disparu.

-----

Le temps court

Et s’épuise,

Les longs jours,

S’éternisent.

-----

Les stupeurs,

De l’hiver,

Sont des heures,

A l’envers.

A suivre

 


Commentaires

Dernier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 

1. La Rousse  le 21-03-2015 à 01:56:29

Salut Alain,

Pourrais-tu me renseigner, suis dans un prob de grammaire...

Comment écrit-on ?
"Il s'est pris une porte dans la figure" Là je pense que c'est juste !
Mais, toujours en parlant de cette fichue porte...
"Il s'en est prise une - ou il s'en est pris une " ?
S'il te plaît explique... Merci par avance, je ne sais pas chercher pour avoir une bonne réponse sur le net...

2. La Rousse  le 21-03-2015 à 02:02:15

Et oui, t'as remarqué suis comme ton penseur qui pense si fort, qu'il en a brûlé sa substance...

3. La Rousse  le 21-03-2015 à 19:21:28

Allez, s'te plaît, avec explications...
1) S'en est prise une...
OU
2) S'en est pris une...

Moi je sens bien la 1) mais je ne saurais expliquer pourquoi
Toujours fâché, tu boudes ?

4. prof83  le 21-03-2015 à 20:53:38  (site)

A La Rousse.
Moi je sens bien la 2) (elle est plus parfumée).
Les verbes pronominaux sont de vrais casse-têtes! (comme les mots composés).
Moi, je boude?

5. La Rousse  le 22-03-2015 à 13:47:47

Bonjour Alain,

T'es certain ?

Pour moi c'est "en" qui est le cod

S'est pris quoi => "en" = "porte" alors ?

Perturbant ! Grrr

Mais oui, tu aimes bouder pour qu'on revienne te chercher... Tu aimes te faire "désirer" smiley_id239866

Premier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 
 
 
 
posté le 15-02-2015 à 07:36:45

Marina (5).

 -

Une semaine plus tard, j’en étais au même point : je n’avais pas vu la fille que je recherchais.

La lassitude est un somnifère très efficace ; je me suis souvent endormi en attendant ce mirage qui n’apparaissait pas.

A partir du 27 Octobre, c’était un vendredi, je me suis mis à attendre son appel téléphonique. Malheureusement, j’avais donné à la fille le numéro de mon poste fixe. J’avais un répondeur, oui, mais je sais que les gens n’aiment pas trop y laisser des messages. Ce qui fait que je me cloîtrais chez moi dans l’attente de son appel. C’était déraisonnable, je le sais. Quelle était donc la probabilité pour qu’elle m’appelât ? Quasi nulle. Mille fois plus faible, en tout cas, que celle de gagner le gros lot au loto. D’abord, elle devait se souvenir de moi, ensuite, il fallait qu’elle eût la volonté de me revoir. Et pour quelle raison mon Dieu ? J’étais si beau, qu’elle était restée en pâmoison devant moi ? Non, disons que j’étais aussi quelconque qu’un bison au sein de son troupeau dans la Pampa de Patagonie. Ou peut-être qu’était apparue une douleur quelconque suite à l’accident ? Plus le temps passait et plus cette douleur devenait aussi illusoire que la décrue du chômage en France. Mes espoirs n’étaient que des planches vermoulues d’un radeau qui flottait tant bien que mal dans un océan déchaîné. Quoi de plus déstabilisant que de voir s’évanouir ses dernières illusions ?

Je me levais à cinq heures précises, le matin et après mon petit déjeuné et ma toilette, je m’asseyais près du téléphone et j’attendais. Je n’allumais pas la radio de crainte que son son (tiens, tiens…) ne couvrît la sonnerie du téléphone, que j’avais réglée au maximum. Les heures passaient ainsi. Je lisais un peu et je faisais des mots croisés niveau quatre étoiles. De temps en temps, un appel me faisait sursauter. C’était souvent de la publicité, du genre « seriez-vous intéressé par les portemanteaux Solido, l’ami de nos manteaux ? ». Au début, je déclinais l’offre poliment, mais ensuite, craignant que ces appels n’encombrassent trop ma ligne, je raccrochais brutalement sans dire un mot.

J’en avais assez des portemanteaux Solido, des fenêtres inviolables et des canapés ultra-confort…      

Le temps qui ne passait pas, m’enveloppait dans une bulle qui grossissait au fil des jours…

A suivre

 


Commentaires

Dernier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 

1. anaflore  le 15-02-2015 à 08:29:55  (site)

suis comme toi marre de ces appels "inconnus" qui me dérangent en général à une heure où je suis à table !!!!bon wk

Premier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 
 
 
 
posté le 08-02-2015 à 07:30:59

Marina (4).

.....

Cet accident a eu lieu il y a quelque temps déjà et depuis ce jour, j’y ai toujours pensé. Cette fille-là, je ne connaissais même pas son prénom. Mais sa beauté m’a impressionné et il se dégageait d’elle comme une vapeur invisible qu’on ressentait quand même, des ondes qui oscillaient jusqu’au cerveau.

 

Le lendemain, je me demandais comment je pouvais entrer en

 contact avec elle. La seule chose que je pouvais faire, c’était de

 retourner dans la rue où eut lieu « l’accident ». Je me disais

qu’elle devrait bien repasser par-là, que son itinéraire familier

 pour se rendre sur son lieu  de travail ou d’études, devait

 obligatoirement couper cette rue. Alors je garais ma voiture dès

 le matin un peu à l’écart, en ayant une vue panoramique sur

 l’endroit de la furtive rencontre. Et j’attendais. Le temps ne

 passait pas, il semblait se gonfler comme un ballon de baudruche

 made in China. Pour essayer de contenir cette dilatation des

 heures, j’écrivais.

 

La houle du temps.

 

Mais qu’est-il devenu,

Le sourire si joli

De la fille disparue,

Dans ma mélancolie ?

 

Le temps a bourgeonné.

Les senteurs éphémères,

Des fleurs abandonnées,

Parfument les chaumières.

 

Sa bouche est tout un monde,

Ses yeux sont un mystère,

Ses dents une jolie ronde

Et son souffle, une poussière.

 

Le temps est un ballon,

Qui gonfle et gonfle encore

Et les heures, des galions,

Que la houle dévore.

 

                                                                                    A suivre ....  

 

 

 


Commentaires

Dernier commentaire    Commentaires terminés   Fermer les commentaires
 
0 commentaire
 
 
 

Ajouter un commentaire

Pseudo : Réserve ton pseudo ici
Email :
Site :
Commentaire :

Smileys

 
 
 
Rappel article