posté le 01-03-2014 à 09:36:06

Grasse (80).

 ***

Sandrine, côté pile...

*** 

C’était Sandrine, la prof de français ou plus précisément de lettres modernes.

Moi, j’étais dans mon coin, pétri d’ennui et de fatigue et surtout je ne voulais avoir de contact avec personne.

J’attendais.

A 19h, j’avais un conseil de classe et il n’était que 17h20 !

J’avais le temps d'admirer la poussière se déposer sur les objets et il me semblait que je regardais un film d’épouvante dans un petit cinéma de quartier, poussiéreux comme l’espoir. Les profs allaient et venaient et parlaient, parlaient, parlaient ! Où trouvaient-ils encore la force de déblatérer* après une journée de cours passée dans des sortes de tranchées pédagogiques ? J’avais forgé un bouclier virtuel pour me protéger des attaques verbales du front d’en face : je faisais la « gueule », les yeux baissés, aussi sympathique qu’un schizophrène privé de neuroleptiques.

Le temps avançait avec peine comme un radeau en fin de vie sur un fleuve au fond caillouteux.

Il y a une chose que je ne devais pas faire : poser les yeux sur elle !

Et pourtant, je sortis perdant d’un combat mené contre moi-même. J’eus l’imprudence de la regarder, Sandrine, quand elle me tourna le dos pour se programmer un thé à la machine à café. Quelle erreur ! Je me sentais un peu voyeur, mais tant pis, je me mis à reluquer les fesses de Sandrine.

Les fesses de Sandrine !

Moulées dans un jeans plutôt délavé, elles avaient l’arrondi parfait des mappemondes de mon enfance. S’en apercevait-elle que mes yeux caressaient le bas de son dos ? Peut-être, car brusquement elle se retourna vers moi comme pour contempler un fantôme. Aussitôt, je baissais la tête comme un spectre timide : jamais je n’aurais supporté qu’elle devinât mon manège, digne d’un vieux pervers.

Sandrine représentait pour moi un petit soleil qui éclairait le coin obscur dans lequel j’étais assis, vautré dans un fauteuil qui m’engloutissait. Et bien vite elle passa à autre chose, assaillie par ses collègues bavards comme des mitrailleuses qui avaient perdu la tête.

C’est que Sandrine, depuis toujours, m’ignorait comme un gros furoncle mal placé que l’on veut cacher.

Elle, ne me voyait pas et moi je faisais semblant de ne pas la regarder. Je dois avouer que Sandrine m’impressionnait ! Elle était grande, jolie et sportive et moi je me situais (surtout dans ma tête) à l’opposé d’elle. Alors moi, quand j’étais dans la salle des profs, avec les autres et avec elle, mon cœur avait des sursauts de tachycardie  dignes de ceux des coureurs cyclistes complètement dopés à l’EPO**.

J’en arrivais même à oublier la pauvre Lola, peut-être à jamais perdue dans un bordel de Bamako.

Sandrine, ce n’était pas mon amour à moi, ce n’était qu’une muse spirituelle qui faisaient grouiller mes vers. Pas des asticots, mais les vers de mes poèmes qui, grâce à elle,  pullulaient dans ma tête.

A 19h10, le conseil de classe commença et par un hasard funeste, à la grande table de réunion, je me trouvai assis à côté d’ELLE.

Pauvre de moi !...

 

A suivre

 

Notes :

 

* Déblatérer : Parler de façon véhémente contre quelqu'un ou quelque chose. (familier).

** EPO : L'érythropoïétine est connue pour être utilisé comme agent dopant par certains sportifs afin d'augmenter leur endurance et leurs performances (particulièrement les marathoniens et les cyclistes). L'amélioration de la vitesse des cyclistes utilisant de l'EPO est parfois évaluée à environ 10 %. Ce type de pratique dopante peut avoir des conséquences graves, parfois même mortelles. En effet, l’injection d’érythropoïétine synthétique augmente chez un individu la quantité de globules rouges et peut faire passer l'hématocrite de 45 % (chiffre normal) jusqu'à 65 % (chiffre beaucoup trop élevé). Au cours d’un effort physique prolongé, le sportif imprudent qui a eu recours à un tel procédé voit son sang se transformer en une pâte visqueuse et épaisse (hyperviscosité sanguine), susceptible d’entraîner la formation de caillot et de thromboses. Dans ces conditions, les accidents vasculaires cérébraux ne sont pas rares, et une défaillance cardiaque peut même survenir.

 

 


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1. anaflore  le 01-03-2014 à 13:49:15  (site)

ce n'est pas les vacances????bon wk

2. gabycmb  le 01-03-2014 à 18:19:13

Bonsoir Prof.
Côté pile parfait! En attendant le côté face, qui doit être aussi beau!
Bonnes vacances

3. prof83  le 01-03-2014 à 21:02:03

A Gaby.
Merci pour le com.
Le côté face doit rester secret...
Bonne soirée.

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posté le 24-02-2014 à 07:09:56

Grasse (79).

 

*** 

La boîte blanche en carton enrubannée de rouge était posée sur le bureau d’Edmond déjà passablement encombré d’objets divers. Mais que contenait donc cette boîte ? Elle était destinée à protéger des gâteaux, en principe. Mais les regards de Gaëlle et de Roxane laissaient présager le pire.

- Tu n’ouvres pas la boîte ? dis-je à Edmond avec un air innocent.

Mon vieux collègue parut soudain sombrer dans la mer des Sargasses*. Ses yeux semblaient aussi troubles que les eaux des égouts de Marseille.

- Heu, je n’ai pas faim pour l’instant ! finit-il par murmurer.

J’insistais lourdement. J’étais sûr que cette boîte contenait les petites culottes de Gaëlle et de Roxane.

Les deux filles se trémoussaient de plus en plus, partagées entre le fou-rire et l’inquiétude. Je commençais à me demander si ces deux élèves n’offraient pas plus que des gâteaux à leur professeur de mathématiques. Mon doute fut un peu tempéré par la constatation de l’état de délabrement physique et intellectuel d’Edmond Trianglo. Mais que pouvait-il faire avec elles ? A part regarder et un peu les toucher, je n’imaginais pas que sa virilité pût encore posséder la dureté et la rectitude de la règle en acier qui était posée sur son bureau.

J’insistais.

Il résistait comme il pouvait, ce qui me prouvait bien que j’avais raison. Je tentai brusquement une manœuvre d’intimidation.

- Je vais appeler le proviseur !

Et je saisis mon portable en feignant de composer le numéro du chef d’établissement. Ce n’était pas sympa de ma part, mais je crois que ma fatigue me poussait à des actes irraisonnés.

Edmond semblait aussi perdu que le petit chaperon rouge dans la forêt. Ses mains tremblaient. Il se décida enfin à défaire le nœud du ruban rouge.

Je triomphais.

J’ouvris moi-même la boîte, pressé d’en finir et je découvris, posés au fond, sur un petit napperon en papier blanc, un éclair au chocolat et un baba au rhum.

Gaëlle intervint en riant :

- Le baba c’est de ma part et l’éclair est offert par Roxane !

Franchement je me sentais minable et je quittais la salle 17 sans même m’excuser.

C’est que de 16h à 17h j’avais une seconde de trente-cinq élèves difficilement supportables, paresseux et bavards et à 19h un conseil de classe interminable qui allait m’aplatir comme une crêpe. A la fin des cours, je devais attendre deux heures dans la salle des profs avant la réunion tant redoutée.

A 17h15, je m’installais dans le fauteuil bleu pétrole situé dans le coin de la salle, bien décidé à sommeiller et à faire la « gueule » pour dissuader toute tentative de dialogue avec mes collègues tous atteints de logorrhée** pédagogique.

J’étais prêt à sombrer dans la déprime quand quelqu'un entra dans la salle des profs.

C'était Sandrine !... 

 

A suivre

 

Notes :

 

*  Mer des Sargasses : La mer des Sargasses est une zone de l’océan Atlantique nord.  Contrairement à toutes les autres mers du globe, elle n'a pas de côtes, si l'on excepte celle formée par les îles des Bermudes, proches de sa frontière ouest. Elle a une largeur de 1 100 km, et une longueur de 3 200 km environ. Elle tient son nom des algues dites sargassum qui ont la particularité d'y flotter, et de s'y accumuler en surface.

 

 

 

** Logorrhée : pathologie du langage qui conduit le malade à déverser un flot rapide et ininterrompu de paroles.

 

 


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1. gabycmb  le 24-02-2014 à 16:59:02

Bonjour Prof.
Pauvre Edmond! Mais tel est pris qui croyait prendre.
Dernière ligne droite, plus que quatre jours avant la quille!!
Bonne soirée

2. prof83  le 24-02-2014 à 22:32:25

A Gaby.
Bonsoir.
Merci pour le com.
Bonne semaine.

3. anaflore  le 27-02-2014 à 09:06:29  (site)

curiosité!!!bonne journée

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posté le 20-02-2014 à 08:39:57

Grasse (78).

La boîte en carton...
 
 Je soulevai donc le couvercle de la boîte en carton, posée devant moi sur le bureau d’Edmond, un fouillis digne des champs de bataille de la guerre 14-18.

Ce que je découvris alors aurait plongé dans l’extase un fétichiste convaincu de petites culottes et cette boîte aurait représenté, pour lui, la caverne d’Ali-Baba. Il y avait là un tas de strings surtout, de couleurs variées : noires, blanches, chair, dorées même. Chaque exemplaire représentait un 18 sur un devoir de mathématiques de Gaëlle ou de Roxane. Je ne sais pas pourquoi, mais ma main plongea dans cet amoncellement de tissus multicolores, histoire de connaître leur nature: lycra ? coton ? soie ?...Malgré moi, un frisson malsain parcouru mon échine, que je réprimais bien vite ; c’était une question de moralité qui ne devait souffrir d’aucune dérive. Aussitôt je retirai ma main comme mordue par un piranha de la pire espèce. Edmond sembla se réveiller d’une léthargie de pré-sénilité acquise au cours des longues années passées à enseigner dans des conditions pires que celles des rues de Kaboul à la nuit tombée et se méprit sur mon geste. Les Talibans ont des kalachnikovs et les élèves, des armes encore plus destructrices : des Smartphones !

- Oh, ne t’inquiète pas ! Tous ces strings sont propres !

Il me tutoyait de nouveau.

Une panique rétroactive fit vibrer les racines de ma moelle épinière, quand je pensai à la vie de débauche, avec toutes les maladies qui vont avec, que devaient mener Gaëlle et Roxane depuis bien des années…

Je respirais un bon coup pour enrichir en oxygène mon cerveau qui détestait être en apnée. Edmond était déjà ailleurs ou nulle part, projeté dans un monde de fantômes  gélatineux qui le harcelaient. Sa mémoire, par à-coups, remontait à la surface :

- Mais si vous voulez, j’ai une autre boîte qui contient des petites culottes sales !

On atteignait là le paroxysme du scabreux !

Edmond Trianglo, le prof de maths qui portait si bien son nom, se rendait-il compte du marché qu’il me proposait ?

- Non, ça ne m’intéresse pas ! répondis-je sèchement.

En regardant la tête de mon vieux collègue, je me dis que je ne pouvais pas lui infliger ça, avertir le proviseur. J’allais donc abandonner la partie, laisser faire, continuer ainsi jusqu’à la fin de l’année scolaire. De toute façon, dans l’éducation nationale il y avait des mystères jamais éclaircis et un peu plus, un peu moins, cela n’allait pas changer la face du monde.

Je m'apprêtais donc à quitter la salle 17, quand deux coups discrets furent frappés à la porte. Edmond, naturellement, n’entendit rien.

Gaëlle et Roxane entrèrent sans se gêner. Elles parurent un peu surprises en me voyant, sans plus. Elles dirent en chœur :

- On vient pour le cours particulier de mathématiques !

Et en jetant ses yeux dans les miens, Gaëlle ajouta :

- Mais ce serait sympa d’avoir aussi une aide en physique !

Je commençais à avoir des bouffées de chaleur devant l’audace de ces deux filles. Je ne réagis pas quand je vis nos deux élèves aller faire la bise à leur vieux prof de math.

Roxane s’avança vers Edmond en lui tendant une boîte de gâteaux entourée par un ruban rouge :

- C’est pour vous remercier de votre gentillesse, Monsieur Trianglo, comme d’habitude, ce sont vos friandises préférées avec le parfum que vous adorez !...

Et Edmond devint tout rouge.

Et moi je me demandais si cette boîte contenait vraiment des gâteaux…

 

A suivre

 

 


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1. anaflore  le 20-02-2014 à 09:05:43  (site)

le mystère est levé ......à suivre bon jeudi

2. gabycmb  le 20-02-2014 à 13:01:43

Bonjour Prof.
Il s'en passe de belle dans l’éducation nationale!
Bonne journée.

3. prof83  le 20-02-2014 à 14:20:35

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Oui, il y a des mystères dans l'éducation nationale!
Bonne journée.

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posté le 16-02-2014 à 08:13:21

Grasse (77).

 

  

Edmond Trianglo, 69 ans (ou plus), professeur de mathématiques.

  

Edmond me regardait, mais pas franchement. Il avait l’attitude apeurée de celui qui allait mal finir. Dans peu de temps certainement. Je n’étais pas sûr qu’il me reconnût. Le bureau, derrière lequel il était assis, avait l’aspect d’un champ de bataille qui me mettait mal à l’aise.

- Tu vends de la philo, c’est ça ? murmura-t-il.

Il avait oublié que j’étais prof de physique. Je le lui dis. Oui je vendais de la physique au poids, j’en vendais des tonnes, des mètres cubes, des kilomètres à des élèves qui n’assimilaient rien, préoccupés par des activités plus que douteuses qui détruisaient leur cerveau.

Franchement j’avais envie de fuir, comme ça, tout abandonner, cesser de lutter. Mon cerveau devenait de la bouillie « premier âge », à la citrouille parfumée à la citronnelle. Mais il fallait que je lui demandasse, à ce prof-vintage, égaré dans l’espace-temps, des précisions sur Gaëlle et Roxane. J’essayais d’articuler le mieux possible pour que mon message ne fût pas brouillé par sa surdité plus qu’avancée.

- Dis-moi, que penses-tu de Gaëlle et de Roxane, de terminale S ?

- Gaëlle et Roxane ? Gaëlle et Roxane ?

Il psalmodiait des noms, certainement inconnus de lui ou plutôt oubliés.

- J’ai remarqué qu’elles avaient toujours 18 en mathématiques.

- Peut-être oui, ne se mouilla-t-il pas.

- Peux-tu vérifier sur ton carnet de notes, s’il te plait ?

Edmond Trianglo pataugeait encore dans des carnets de notes que les librairies et les papeteries ne vendaient plus, vu que c’était démodé et qu’en plus elles avaient toutes fait faillite.

Il chercha dans ses affaires, le pauvre, et par un miracle incompréhensible il le trouva. C’était une sorte de cahier rouge à la mine chiffonnée. La couverture cartonnée était ridée et tachée comme son visage. Ses doigts déformés par de l’arthrose, gonflés et tordus comme ceux d’une sorcière, avaient du mal à faire défiler les pages.

- Oui vous avez raison, s’étonna-t-il.

Ciel, il ne me tutoyait plus ! Ma visite avait dû lui faire perdre quelques milliers de neurones. Et les souvenirs qui vont avec.

Bon il fallait bien que je menasse cette affaire jusqu’au bout :

- C’est bizarre, avec moi elles ont toujours zéro. Elles sont nulles en physique et je me demande bien comment elles se retrouvent en terminale S.

Il parut gêné, Edmond. Secoué par mon attaque peu amicale, quelques DEL peu lumineuses avaient dû s’allumer dans son cerveau. Il trouva une parade de pacotille :

- Je leur donne des cours particuliers !

- Ne serait-ce pas plutôt elles qui vous donnent quelque chose ? Ou plutôt qu’elles vous vendent ?

Je soupçonnais tout simplement, qu’en échange de leurs strings, Edmond mettait 18 à tous leurs contrôles. Il lança un « heu » qui ressemblait à un hennissement prolongé d’un vieux cheval mené à l’abattoir.

Je craignis brusquement qu’il me fît là, brutalement, un infarctus pédagogique. Et ce sont les pires ! Il se leva sans rien dire et se dirigea vers une armoire métallique grise, cabossée et rouillée aux entournures. Il revint avec une boîte en carton qu’il posa devant moi.

- Tenez, je vous donne tout si vous n’avertissez pas le proviseur !

Quel marché me proposait donc Edmond Trianglo, le professeur de mathématiques ?

Un peu curieux, quand-même, je soulevai le couvercle en carton et je découvris…

 

A suivre

 

 


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1. gabycmb  le 16-02-2014 à 09:26:41

Bonjour Prof.
Je me suis absenté une semaine, j'ai mis ma lecture à jour.
Je ne connaissais pas l'infarctus pédagogique.
Bonne semaine, les vacances sont proches!

2. anaflore  le 16-02-2014 à 09:48:02  (site)

heu ce n'est pas ma gaelle!!!!!bon dimanche

3. prof83  le 16-02-2014 à 14:57:10

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Les vacances seront les bienvenues.
Bonne soirée.

4. anaflore  le 17-02-2014 à 08:52:03  (site)

bon il y a quoi sous le couvercle???bon lundi nous toujours noyé...

5. concreteblockmachine  le 19-02-2014 à 11:08:35  (site)

Bonjour Prof.et bonne journee

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posté le 11-02-2014 à 07:10:48

Grasse (76).

 Françoise Jétoulu, la documentaliste...

 

 

Avec tous les trous qu’il avait, mon emploi-du-temps semblait avoir été criblé de balles. Justement ce jour-là, je n’avais pas  cours de quinze heures à seize heures, j’en profitais pour aller rendre visite à Françoise Jétoulu, histoire de lui rapporter son string et de trouver une oreille compatissante pour écouter tous mes petits soucis. Le hic, c’était que Françoise n’avait pas la « fibre maternelle » et aller pleurer dans son giron, c’était se comporter à ses yeux comme une limace dépourvue de virilité. Le CDI était désert comme d’habitude ! Les livres-papier n’avaient plus la cote en ce début de XXIème siècle. Elle  me vit de loin et vint vers moi, souriante, peu coutumière du fait et les bras chargés de livres et de classeurs.

- J’ai pensé à toi, me dit-elle, en me tendant une abondante documentation sur Bamako.

- Et moi à toi, lui-répondis-je, en lui rendant son string noir.

Elle sourit. Je me méfiais d’elle. Elle avait le regard d’une louve affamée…Elle dégoulinait d’hormones. Je me suis dit que j’avais intérêt à rompre le contact, quand elle me saisit l’avant-bras en me murmurant :

- Tu veux qu’on aille faire un tour du côté de la photocopieuse ?

L’invitation était claire et moi je n’avais pas trop envie de remuer mes neurones, ni de faire croître mon organe érectile au toucher… Comment refuser sans la fâcher ?

- J’ai du travail et j’ai cours à seize heures !

Son sourire se figea sur son visage qui parut battu par les flots impétueux d’une tempête bretonne. Je savais qu’elle allait devenir méchante.

- De toute façon, toi en cinq minutes c’est fini !

Avait-elle chronométré la durée de notre dernier assaut amoureux ? Elle me lança sa dose de venin habituelle :

- Allez dégage et ne viens plus me relancer !

Je ne me fis pas prier pour quitter le CDI. Françoise devenait fatigante à la longue.

C’est vrai que je devais mener une petite enquête au sujet de Gaëlle et de Roxane, mes deux élèves qui avaient essayé de me vendre leurs strings ou de les échanger contre un 18 aux contrôles de physique. J’allais en salle 17 où j’étais sûr de trouver Edmond, un prof de math qui enseignait dans la même terminale que moi.

Edmond campait pratiquement dans le lycée et sa salle était devenue presque son pied-à-terre pédagogique. Je frappais à la porte et j’entrais dans la classe. Pas d’élèves, bien sûr, car Edmond s’était débrouillé pour n’avoir cours que le matin. Comment avait-il fait ? Mystère ! Il était assis à son bureau, occupé à une activité harassante, angoissante, « chiante » : la correction des copies. Il avait les cheveux blancs, Edmond, il n’était pas tout jeune, je lui donnais bien dans les soixante-neuf ans. Il ne m’entendit pas entrer, car il était presque sourd : les bavardages et les cris des élèves sont comme des coups de canon, ça abîme les tympans. Il leva la tête, choqué par une nouvelle formule mathématique découverte sur la copie d’un cancre et il me vit !

- Tiens bonjour toi !

Il avait oublié mon prénom.

Me reconnaissait-il au moins ? Les profs en vieillissant longuement dans les établissements scolaires, victimes du stress et de l’usure psychique, avaient tendance à perdre la mémoire et même à « choper »  la maladie d’Alzheimer.

J’avais intérêt à être clair et concis.

- Je viens au sujet de Gaëlle et de Roxane…

- Qui ?

J’avais prévu le coup et j’avais apporté le trombinoscope photographique de la terminale S que nous avions en commun. Du doigt, je lui désignais les deux vendeuses de strings.

La vue d’Edmond avait connu des jours meilleurs. Il voyait aussi bien qu’il entendait, ce qui faisait de lui  un primo-handicapé : presque sourd et aveugle, le pauvre !

- Jolies cuisses ! finit-il par dire.

Bon, il les avait reconnues…



A suivre


 


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posté le 06-02-2014 à 09:01:35

Grasse (75).

 
 

Debout devant moi Gaëlle et Roxane attendaient ma réponse.

Je ne savais pas quoi dire et je me méfiais de l’attitude des élèves de cette génération. Ils avaient peu à peu rogné la distance entre eux et les profs et notre statut ne possédait plus l’aura* d’antan.

- Quoi ? répondis-je vaguement en les regardant dans les yeux.

Gaëlle, jolie blonde, je dois l’avouer, parla la première :

- Monsieur, on a remarqué que vous aimiez beaucoup les strings !

Et voilà, elles avaient tout vu, les coquines et je m’attendais au pire avec ces deux délurées. Il fut un temps où une bonne « engueulade » et une menace de sanction auraient annihilé toute velléité de copinage avec un prof, mais l’époque avait changé et il fallait jouer finement maintenant pour éviter tout débordement. Je me trouvais presque dans l’obligation de me justifier.

- C’était juste pour essuyer mon front. Il fait si chaud dans cette salle !

La réplique de Roxane, la rousse, fut immédiate :

- Avec un string ?

J’avais envie de la gifler cette pimbêche qui redoublait sa terminale et qui avait zéro à tous ses contrôles de physique.

Françoise Jétoulu, la documentaliste, avait absorbé toute mon énergie et je me sentais aussi faible qu’un têtard anorexique.

- Mais vous voulez quoi au juste ? commençais-je à m’emporter, pour ensuite modérer ma colère naissante.

Gaëlle, avec un aplomb insolent me répondit :

- On peut vous donner nos strings si vous voulez !

Roxane lui coupa presque la parole pour préciser :

- Ou plutôt vous les vendre !

Dans quel guêpier m’étais-je fourré ? J’avais bien remarqué qu’elles portaient des strings lorsque je circulais dans les rangs pour surveiller  les contrôles. Des strings qui apparaissaient au bas de leur dos en débordant de leurs jeans taille basse. Elles avaient peut-être remarqué mes regards innocents qui s’égaraient parfois sur le haut de leurs fesses. C’étaient déjà des femmes à dix-huit et dix-neuf ans.

- Me les vendre ? Je réagis comme je pouvais, au bord de l’épuisement.

- Oui quinze euros pièce gloussa Gaëlle.

Et Roxane ajouta :

- Mais c’est plus cher si vous désirez des strings portés plusieurs jours !

C’était du délire ! Existait-il donc un commerce de culottes dans ce lycée ? Mes collègues mâles était-ils au courant de cet odieux trafic ?

Mon mutisme leur fit croire que j’hésitais à accepter, alors que mon cerveau commençait  à se ramollir presque comme celui de Monsieur Ladérovitch, mon malheureux voisin atteint de la maladie d’Alzheimer.

C’est alors que Gaëlle me relança :

- On sait que les professeurs n’ont pas un gros salaire, alors on pourrait s’arranger…

En fait je me souvenais d’une information que j’avais lue il y a quelque temps et qui affirmait que certaines lycéennes japonaises, surtout à Tokyo, vendaient leurs culottes à de vieux messieurs friands des arômes juvéniles.

Et moi je n’étais friand que de Lola !

Roxane, pour la première fois, parut gênée, quand, à son tour, elle prit la parole.

- En fait, vous pourriez remplacer les quinze euros par…

Elle cessa de parler en jetant un regard presque désespéré à sa copine, qui, aussitôt, prit le relai.

- Voilà, pour chaque string que l’on vous offre, vous nous mettez un 18 aux différents contrôles.

Je leur répondis tout simplement :

- Non !

Les deux donzelles se figèrent comme des statues de sel et elles sortirent de concert leur smartphone en me disant :

- Désolées, alors on va être obligées de twitter sur vous…

Et elles sortirent de la salle en se déhanchant de manière à me montrer, encore plus, le haut de leur string qui dépassait de leur jean taille basse…

Moi je commençais à ressentir une certaine angoisse, comme celle d’une écrevisse prisonnière d’une nasse**…

 

A suivre

 

 

Notes :

 

* Aura : rayonnement qui semble émaner d'une personne ou d'une chose.

** Nasse : panier de pêche dont l'entrée très resserrée piège le poisson ou les crustacés.

 
 

 

 

 

 


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1. gabycmb  le 06-02-2014 à 11:45:50

Bonjour Prof
Ça sent l'arnaque! Les élèves aujourd'hui savent vous manipulez
Bonne journée.

2. prof83  le 06-02-2014 à 14:34:18

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Oui c'est un métier difficile.
Bonne soirée.

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posté le 01-02-2014 à 09:05:29

Grasse (74).

 
Gaëlle et Roxane.
 

Inutile de décrire, je crois, ce qu’il se passa dans la salle de reprographie. Disons, que pendant trente minutes j’ai eu à faire à une espèce de nymphomane déchaînée avec beaucoup de vigueur et d’imagination. Quand je sortis de ce petit lieu de « débauche » pour aller dans le CDI, j’aperçus Jeanne, la prof d’anglais, qui corrigeait encore des copies. Françoise Jétoulu avait tari mes précieuses réserves de carburant bio en usant et en abusant de ses avantages buccaux et vaginaux qui semblaient mener une vie totalement indépendante d’elle. Moi, j’avais les jambes qui flageolaient et les neurones saturés de décharges d’influx nerveux qui me mettaient au bord du court-circuit cérébral. Je n’avais même pas cherché de documentation sur le Mali et donc je savais bien que je devrai retourner un de ces jours au CDI.

J’avais cours à quatorze heures avec une terminale plutôt tranquille, qui, à ce moment de la journée, digérait le repas de la cantine, se reposait des galipettes perpétrées dans les coins peu fréquentés du lycée et tentait d’assimiler les composés toxiques des différents produits illicites consommés à l’ombre des toilettes des filles et des garçons. C’était le train-train quotidien qui ne dérangeait plus personne.

Les élèves, pseudos-zombies, s’assirent en silence, comme bâillonnés par une bande-Velpeau chimique. Ils ne protestèrent pas lorsque je leur dis qu’on allait faire une série d’exercices de physique pour les préparer au Baccalauréat. Ils allaient ainsi pouvoir dormir tranquillement et moi aussi.

Dans la rangée centrale, au premier rang, juste en face de mon bureau, étaient assises Gaëlle et Roxane, deux filles multi- redoublantes, déjà majeures et vaccinées. Vêtues de jupes assez courtes, elles me montraient parfois leurs cuisses, volontairement ou pas, je l’ignore. En tout cas, je dois l’avouer, il arrivait que mon regard se posât sur leurs jambes, sans état d’âme puisqu’elles avaient plus de dix-huit ans.

Il faisait chaud dans la salle, pas loin de vingt-trois degrés Celsius affichés par mon thermomètre électronique qui était posé sur ma table. La fatigue et l’atmosphère confinée de la classe me firent transpirer : quelques gouttes de sueur s’épanouirent sur mon front presque brûlant. Avais-je de la fièvre ? Instinctivement ma main plongea dans la poche de mon pantalon à la recherche d’un mouchoir. Ouf j’en trouvais un, avec lequel je tamponnais mon visage pour faire disparaître toute trace de transpiration. C’est à ce moment-là que Gaëlle et Roxane éclatèrent de rire. Je venais d’essuyer ma peau avec un string noir plutôt négligé. C’était le string de la documentaliste, qu’elle avait dû glisser dans ma poche au cours de nos ébats amoureux. J’étais plus que gêné !

Heureusement la sonnerie de fin de cours retentit et les élèves commencèrent à ranger leurs affaires. A part les deux filles du premier rang, personne n’avait rien remarqué. La salle se vida très vite, ou presque, car en relevant la tête, je vis, debout devant moi, avec un air égrillard, Gaëlle et Roxane qui me dirent en chœur :

- Monsieur, on a une proposition à vous faire !...


A suivre


 


Commentaires

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1. gabycmb  le 01-02-2014 à 13:35:01

Bonjour Prof.
Houlà! Ça se corse !!
La pluie sur le Languedoc, nous y avons droit, tous les samedis depuis trois semaines.
Bonne après midi.

2. prof83  le 01-02-2014 à 14:18:40

A Gaby.
Bonjour.
Merci pour le com.
Ici le temps est variable. En ce moment il fait assez beau.
Bonne soirée.

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