posté le 05-07-2016 à 11:00:01

Marina (77).

 

                                            Et la nuit, je fis un cauchemar...

 

Sur les dix photos que contenait l’album d’Hortensia, je n’en avais vues, pour l’instant, qu’une seule, je cultivais avec patience l’attente d’un plaisir futur.

Hortensia me relançait de temps en temps pour je regardasse les suivantes. Je résistais tant bien que mal à ses appels pressants. Un soir, vers vingt-deux heures, alors que je traînais lamentablement dans mon appartement, reculant le plus possible le moment d’aller me coucher, sachant que j’allais encore une fois passer une nuit grise, je louchais comme un meurt-de-faim sur l’album qui me narguait sur la petite table en verre placée devant mon canapé noir. Cela devenait presque une idée fixe : regarder la deuxième photo !

C’est à ce moment-là que le téléphone sonna, comme énervé, je ne sais pas pourquoi. C’était encore une fois Hortensia :

- Bonsoir Alain, alors as-tu regardé mes autres photos ?

J’eus soudain l’impression d’être un ours emprisonné entre les mâchoires puissantes d’un piège peu recommandable. Il fallait à tout prix que j’inventasse immédiatement une excuse plausible, pour ce qu’elle supposait être un manque d’intérêt pour elle.

- Demain, c’est promis. Là, j’ai pris un somnifère pour dormir et je ne vais pas tarder à sombrer dans le sommeil.

En bonne pharmacienne, Hortensia me demanda :

- Et quel somnifère as-tu pris ?

Je me sentis piégé comme un papillon dans une toile d’araignée, moi qui n’avais jamais consommé le moindre cachet de ce que je considérais comme un poison. Malgré l’heure tardive, mon cerveau fonctionna comme une centrifugeuse et le souvenir d’un roman que j’avais lu il y a bien des années émergea comme un bouchon en liège dans de l’eau pas très honnête.  Dans l’histoire, un homme s’était suicidé, à cause d’un chagrin d’amour, en avalant dix cachets de Gardénal.

- Heu, j’ai pris un comprimé de Gardénal !

Hortensia réagit violemment :

- Mais tu te fous de moi ! Le Gardénal est un vieux médicament utilisé pour soigner l’épilepsie !

Je n’avais vraiment pas de chance d’être tombé sur une pharmacienne !

Elle insista :

- Allez, regarde la deuxième photo, tu ne vas pas être déçu !

- Oui, répondis-je avec l’enthousiasme d’un condamné à mort.

- Alors, comment trouves-tu mes seins ?

En fait, je n’avais même pas ouvert l’album et cela me fit répondre :

- Heu…

- J’ai compris, me dit-elle, tu n’aimes pas les seins en poires ?

Elle avait les seins en poires ? Première nouvelle !

- Heu, insistais-je, dans ma gêne grandissante.

Hortensia, en femme têtue comme une mule, cria :

- Hé bien puisque c’est ça, je viendrai demain chez toi pour te montrer mes seins en réel ! Tu verras qu’il y a poire et poire !

Je tentais une plaisanterie de mauvais goût :

- Je sais, il y a les « Guyot », les « William's », les « Comice », les « Passe Crassane »…

- Je te déteste ! me dit-elle. Je viendrai donc te voir demain !

Et elle raccrocha.

C’est comme ça, qu’une nouvelle fois, la nuit que je passais, vira du gris au blanc…

 

A suivre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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posté le 28-06-2016 à 10:50:06

Marina (76).

 

 

Le petit album qu’Hortensia m’avait remis lorsque nous étions au « Poussin Bleu » à Saint-Raphaël, ne contenait que dix photos d’elle. J’étais impatient de les regarder. L’attente d’un plaisir semble pétrir notre cœur, court-circuiter nos neurones et nous plonger dans un état de transe mystique. L’imagination crée une bulle de bonheur dans un futur proche et on a hâte de l’atteindre. Mais l’on sait aussi que quand le plaisir est effectif, cette bulle se dégonfle et l’on reste désemparé car il n’y a plus d’attente.

Moi, j’avais trouvé un moyen de garder longtemps cette bulle bien gonflée, tout simplement en prolongeant l’attente. Cela se produisait quand j’achetais un bon livre ou un CD ou un DVD. Je faisais une petite provision de bonheur en les stockant sur une étagère et je n’y touchais plus. Et chaque jour, je savais que chez moi il y avait une possibilité de plaisir en lisant le livre ou en écoutant le CD ou en regardant le DVD. Je faisais une provision d’attente qui parfois durait plus d’une année.

Ce fut le cas pour le petit album photos d’Hortensia. Je l’avais placé sur la table basse en verre, juste en face de mon canapé. Et jour après jour, je contemplais sa couverture en reculant le moment où j’allais l’ouvrir.

Hortensia me téléphona plusieurs fois pour me demander comment je trouvais ses photos. J’étais gêné. Pouvais-je lui avouer mon petit stratagème maniaque ? Je cherchais des excuses, du genre « j’ai trop de travail en ce moment » qui ne la convainquaient pas. Et un soir, elle me dit :

- Ca va, j’ai compris, tu es déçu par mes photos !

Je pensai alors qu’il fallait que je stoppasse cette attente. J’ouvris l’album et je regardais la première photographie. Elle représentait le visage de la jeune pharmacienne. Elle était vraiment jolie avec ses yeux bleus qui semblaient déchirer les nuages. Sa bouche avec ses lèvres bien ourlées, promettait bien des plaisirs.… Et je sentis se condenser, dans un coin reculé de mon cerveau, une petite angoisse, due certainement à la vision de cette première photo qui commençait à entamer ma réserve de bonheur.

Je refermai brutalement l’album et je me dis :

- C’est décidé, ce sera une photo par jour !

A ce rythme-là, en dix jours, ma bulle d’attente sera complètement dégonflée. Alors, pour me protéger un peu, je pris une décision irrévocable :

- Ce sera une photo par semaine !

- Et pourquoi pas, une photo par mois ?

Le seul problème c’était Hortensia qui me harcelait au téléphone pour me demander mon avis sur ses clichés.

C’est à partir de ce moment-là que je me mis à lui mentir comme un arracheur de dents sur le marché de Bangui…

 

 

 

                                                                                                                        A suivre 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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posté le 21-06-2016 à 09:53:02

Marina (75).

 

Je n’attendais pas grand-chose de ce rendez-vous avec Hortensia, mais comme chez moi, l’espoir est une flamme qui vacille, mais qui ne s’éteint pas, je me disais que cette jolie fille avait peut-être changé d’avis au sujet de ce que je lui avais demandé la dernière fois.

Le bord de mer, en face du « Poussin Bleu », commençait à entamer de longs mois de disette post-estivale : les touristes, partis dans leurs contrées d’origine, avaient abandonné le soleil et la mer. Du coup, on respirait mieux !

Hortensia approchait du bar, avec une démarche hyper-féminine. Tout ce que j’aime chez une femme. Ses cheveux noirs semblaient flotter entre les tables, en silence, comme un bateau fantôme. Et quand elle fut en face de moi, j’eus l’impression que ses beaux yeux m’apportaient une portion de ciel bleu.

- Bonjour ! me dit-elle, avec une voix de confidente lascive, une voix de femme qui distribuait du miel à la petite cuillère.

Du coup, je me sentis tomber dans une sorte de gigantesque toile d’araignée virtuelle, dont les fils semblaient s’être échappés d’une barbe-à-papa, parfumée à la framboise des bois.  

Et pour paraphraser un célèbre vers de Corneille, « Avant que de combattre, je m’estimais perdu * ».

Hortensia, avec un sourire virevoltant, me tendit un petit album-photo et murmura.

- J’ai beaucoup réfléchi au sujet de votre demande de l’autre fois et je me suis dit qu’elle n’était  liée ni à un chantage, ni à un ultimatum…Je crois que ça ne représentait qu’un petit caprice amoureux…

Je fus rassuré qu’elle comprît mon comportement, chose que peu de femmes conçoivent, emportées par leur méfiance envers la gent masculine.

 Elle ajouta :

- Soyez gentil, promettez-moi de ne regarder ces photos que chez vous. Certaines sont osées, elles révèlent ce que je cache habituellement. Vous m’avez offert vos mots, je vous donne en retour un petit peu de ma personne, un petit pas pour devenir, peut-être un jour, votre muse.

Hortensia avait rougi en me faisant ce discours. Moi j’étais content qu’elle alliât à sa beauté si visible, une bonne dose d’intelligence et de sensibilité…

 

A suivre

 

Notes :

 

* « Avant que de combattre, ils s'estiment perdus. » dans le Cid de Pierre corneille.

 

 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


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posté le 11-06-2016 à 10:59:49

Marina (74).

 

Antonella jolie, mais pour encore combien de temps?

 

 

Un samedi après-midi, comme souvent, je corrigeais des copies qui ressemblaient à des manuscrits du Moyen-Age : incompréhensibles !

Je m’aperçus ainsi que presqu’aucun élève n’avait compris la dernière leçon de physique sur les forces ou du moins que cette leçon n’avait pas été apprise. Devant ce naufrage du travail, je sombrais dans ce que Freud aurait appelé : une dépression pédagogique.

Mon esprit se détacha des copies et par une sorte de phénomène de lévitation (1), plana sur ces feuilles presque aussi blanches que les neiges du Kilimandjaro (2).  Alors, pour combler ce vide conceptuel et pour éviter de trop ressembler à une grenouille décérébrée, je me mis à fantasmer sur Antonella, ma jeune collègue de SVT. J’essayais de revivre par la pensée toutes les situations scabreuses que j’avais vécues avec Marina, qui croupissait en prison, mais en la remplaçant virtuellement par sa toute mignonne doublure.

Il s’en est passé des choses sur la paillasse du labo de SVT !

Marina, en experte, avait l’art de me traire, avec sa main ou avec sa bouche. Il faut dire que notre temps était limité et que l’environnement scolaire n’était guère favorable aux galipettes. Alors on faisait vite ! Je la revois encore, accroupie à mes pieds, en train de jouer une sonatine coquine avec ma flûte dure, chaude, dressée, fière avec son calot turgescent. En cinq minutes, elle arrivait à la faire cracher dans sa bouche. Alors, soit elle avalait tout, comme une assoiffée du désert de Gobi (3), soit elle recrachait mon nuage chaud et gluant dans une coupelle ou dans un bécher, dans le but, tout pédagogique, de montrer aux élèves, en travaux pratiques, la population grouillante de mon liquide spermatique.

Quelquefois, allongée sur la table de dissection recouverte de carreaux en faïence blanche, elle m’invitait entre ses cuisses, pour un tour de manège enchanté. J’avais l’impression que je la besognais avec ma perceuse à percussion qui avait plusieurs fréquences de va-et-vient. Et pour l’empêcher de crier, quand sa petite mort survenait, son orgasme quoi, je soudais ma bouche à la sienne dans un baiser lubrique et baveux, accompagné d’un combat de langues héroïque. Je me sentais tout mou en sortant du labo de SVT. Et tout ça, j’imaginais de le revivre avec Antonella, la remplaçante, qui se faisait chahuter, la pauvre.

Toutes ces pensées purement virtuelles, immatérielles, avaient le don de déclencher une cascade de réactions hormonales, qui amenaient, fatalement, à l’érection de mon menhir…

Quand ma main commença à s’égarer dans un endroit peu propice à la prière, le téléphone sonna.

C’était Hortensia, la jeune pharmacienne :

- Bonsoir, on pourrait se voir demain au « Poussin bleu » comme l’autrefois ?

L’autrefois, elle m’avait jeté comme un poisson pourri. J’étais donc méfiant et peu enclin à céder aux caprices d’une jeune femme gâtée.

- Et pour quoi faire ? (c’était le minimum syndical).

Elle répondit en bredouillant un peu :

- C’est au sujet de Sonata.

- Et alors ?

- Elle a été enlevée par des indiens jivaros, qui la retiennent captive dans la forêt amazonienne !

Ma réponse l'étonna un peu:

- Désolé, j'abandonne ! Sonata ne m'intéresse plus !

Hortensia eut un sourire plutôt énigmatique. Elle murmura:

- On pourrait quand même se rencontrer au Poussin Bleu ? J'ai un cadeau à vous offrir...

 

 

A suivre

 

Notes :

 

1- Lévitation : maintien (d'un corps ou d'un objet) au-dessus du sol sans contact avec celui-ci par le seul exercice de la force mentale.

2- Kilimandjaro :

 

montagne située au nord-est de la Tanzanie et composée de trois volcans éteints : le Shira à l'ouest, culminant à 3962 mètres d'altitude, le Mawenzi à l'est, s'élevant à 5149 mètres d'altitude, et le Kibo, le plus récent géologiquement, situé entre les deux autres et dont le pic Uhuru à 5891,8 mètres d'altitude constitue le point culminant de l'Afrique. Outre cette caractéristique, le Kilimandjaro est connu pour sa calotte glaciaire sommitale en phase de retrait accéléré depuis le début du XXe siècle et qui devrait disparaître totalement d'ici 2020 à 2050. La baisse des précipitations neigeuses qui en est responsable est souvent attribuée au réchauffement climatique.

 

3- Désert de Gobi :

 

Le Gobi s'étend sur 1600 km du sud-ouest au nord-est et sur 800 km du nord au sud. Sa superficie est estimée à 1 300 000 km², ce qui en fait l'un des plus grands déserts au monde. Contrairement aux images fréquemment associées aux déserts, le Gobi est davantage recouvert de pierres que de sable.

 

 
 

 
 


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posté le 07-06-2016 à 08:29:37

Marina (73).

 

 

 

Un peu vexé, j’essayais d’oublier le rendez-vous catastrophique avec Hortensia, la jeune pharmacienne et je me jurais que plus jamais, je ne demanderai des nouvelles de Sonata qui changeait de prénom comme de string. Elle était belle, oui, mais elle était peu encline à se révéler…

Au collège, les jours passaient comme les voitures aux vingt-quatre heures du Mans. En ce début du mois d’Octobre, moi, en pompier de l’éducation nationale, j’avais éteint, dans mes classes, toute velléité de chahut, dans la cohorte des élèves qui ressemblaient à des indiens Apaches parqués dans leur réserve (leur classe) et munis d’un tomawak digital, redoutable et mortel, leur téléphone portable.

J’enviais le temps passé où les indiens communiquaient entre eux grâce à de la fumée, technique rudimentaire, certes, mais absolument silencieuse !

Et que dire du poteau de torture qui devrait être présent dans chaque salle, dans un coin près du tableau… Aujourd’hui, les punitions les plus barbares sont les heures de colle et les observations sur les carnets ; heureux profs-apaches qui pouvaient scalper, sans état d’âme, leurs élèves !

Pour moi, tout allait bien, mais ce n’était pas le cas de la pauvre Antonella, la jeune prof de SVT, remplaçante de Marina qui moisissait à la prison des Baumettes. J’étais prêt à l’aider (surtout qu’elle était mignonne comme un ange), mais je me retenais, craignant de la vexer. Pourtant, un jour, vers 9h30, j’entendis des cris d’élèves qui provenaient de sa salle, avec des bruits de tabourets, bref un tapage organisé. La jeune prof de SVT essayait de rétablir l’ordre et le silence, sans succès. Elle s’égosillait pour couvrir les hurlements de ces chenapans qui avaient pris le pouvoir dans sa classe. Sans frapper, j’entrai dans sa salle comme un chef Sioux et immédiatement je pointais mon index droit vers un élève. Ce n’était pas le plus terrible, mais il fallait désigner un coupable.

- Tu te prends pour Geronimo* ?  lui dis-je sans crier.

Il me regarda avec un air ahuri.

Tous ses camarades se turent, attendant la suite des événements.

- Et tu sais comment il a fini Geronimo **?   

Je n’en savais fichtrement rien, mais je faisais celui qui savait.

- Bon, allez, suis-moi ! Je vais t’attacher au poteau de torture de ma salle et tu vas en baver !

C’étaient des cinquièmes, agités, mais trop crédules.

L’élève me suivit, la tête basse, l’air angoissé.

Et dans un profond silence, je crus entendre murmurer :

- Tu crois qu’il va le scalper ?

 

A suivre

 

Notes :

 

* Geronimo, né le 16 juin 1829 dans la tribu apache Bedonkohe près de la rivière Gila (Arizona, alors sous domination mexicaine) et mort le 17 février 1909 à Fort Sill (Oklahoma, USA), appelé à sa naissance Go Khla Yeh (« celui qui baille »), est l’un des protagonistes des guerres apaches ayant combattu le Mexique et les États-Unis pour les droits des amérindiens.

** Il meurt d'une pneumonie à Fort Sill, en Oklahoma, le 17 février 1909.

 
 
 
 
 

 

 

 

 

 
 


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